L'objectif : favoriser la concurrence dans le secteur de la distribution
Le constat, fait par l'Autorité de la concurrence (Avis 10-A-26, 7 déc. 2010), est que le contrat d'affiliation présente potentiellement des effets anticoncurrentiels. En effet, de multiples clauses, insérées dans les contrats liant enseignes et détaillants, freinent toute mobilité et dissuadent très fortement ces derniers de changer d'enseigne. En particulier, les durées d'engagement peuvent être très longues (parfois jusqu'à trente ans) ; le magasin est lié à l'enseigne ou « tête de réseau » par de nombreux contrats (contrats de franchise, contrat d'adhésion au groupement coopératif, contrat d'approvisionnement, contrat de bail, pactes d'associés, statuts des magasins indépendants, etc.) dont les échéances se chevauchent, et qui empêchent de facto de se délier.
La loi du 6 août 2015 pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques, dite « loi Macron », a pris en compte ces critiques et a entendu renforcer la concurrence dans le secteur de la grande distribution en facilitant les changements d'enseigne par les magasins indépendants. Elle a, à cette fin, réglementé les contrats d'affiliation dans un sens favorable aux intérêts des commerçants indépendants.
Domaine de la réglementation
Parties au contrat d'affiliation
La loi définit le contrat d'affiliation comme le contrat conclu entre l'enseigne, ou « l'affiliant », d'une part, et un commerçant indépendant exploitant un commerce de détail, c'est-à-dire l'« affilié », d'autre part.
L'affiliant est une personne physique ou morale de droit privé : 1° regroupant des commerçants, notion qui englobe toutes sortes de groupements de commerçants, notamment des centrales d'achat ou de référencement, agissant en tant que têtes de réseau de distribution ; 2° ou qui met à disposition de ses cocontractants « les services mentionnés au premier alinéa de l'article L. 330-3 [du code de commerce] », à savoir qui fournit un nom commercial, une marque ou une enseigne, cette fourniture devant normalement s'accompagner d'un engagement d'exclusivité ou de quasi-exclusivité de la part de l'affilié ; il s'agit typiquement d'un franchiseur.
Quant à l'affilié, Il s'agit de « toute personne exploitant, pour son compte ou pour le compte d'un tiers, au moins un magasin de commerce de détail », notion qui paraît exclure les revendeurs visant une clientèle de professionnels (vente de matériels agricoles, par ex.) et les prestataires de services (restaurateurs, loueurs de matériels).
Contrats visés
La loi du 6 août 2015 précise ensuite, parmi les contrats conclus entre affiliants et affiliés, ceux entrant dans son champ d'application : il s'agit de ceux ayant « pour but commun l'exploitation » d'un magasin de commerce de détail et comportant « des clauses susceptibles de limiter la liberté d'exercice par cet exploitant de son activité commerciale ». Ces conditions ne renvoient pas à des catégories juridiques connues. Sont notamment visés les contrats d'enseigne, de franchise, d'approvisionnement exclusif, etc. Le texte ne s'applique, par ailleurs, qu'aux contrats comportant des clauses susceptibles de limiter la liberté d'exercice par un exploitant de son activité commerciale. On songe notamment à la clause de non-concurrence contractuelle ou postcontractuelle, ou à la clause de non-réaffiliation, ou encore à celle prévoyant une exclusivité de marque ou d'approvisionnement.
Régime du contrat d'affiliation
Échéance commune
Les contrats relevant de la loi du 6 août 2015 sont soumis à un régime juridique contraignant caractérisé par une exigence d'uniformité des échéances contractuelles, d'indivisibilité légale des contrats et d'interdiction des clauses postcontractuelles limitant la liberté commerciale des affiliés. En effet, ces contrats « prévoient une échéance commune », afin d'éviter que les durées distinctes des différents contrats conclus par la tête de réseau avec le même magasin de détail ne l'empêchent de changer d'enseigne quand il le souhaite. Ainsi, si un contrat de franchise est conclu pour cinq ans et un contrat d'approvisionnement exclusif pour six ans, ce second contrat expirera en réalité, comme le premier, au bout de cinq ans.
Résiliation
L'indivisibilité légale des contrats relevant de la loi du 6 août 2015 réside dans le fait que la résiliation de l'un de ces contrats vaut résiliation de l'ensemble des contrats conclus entre la tête de réseau et le magasin de détail concerné. Par exemple, si l'affilié résilie avant terme le contrat de franchise conclu avec l'affiliant, cette résiliation s'étend au contrat d'approvisionnement conclu entre les deux mêmes parties.
Sanction
Enfin, l'article L. 341-2, I, du code de commerce répute non écrite toute clause ayant pour effet, après l'échéance ou la résiliation des contrats d'affiliation, de « restreindre la liberté commerciale de l'exploitant qui a précédemment souscrit ce contrat ». Ainsi, les clauses de non-concurrence postcontractuelles imposées à l'affilié, en particulier, sont-elles tenues en échec.
Certaines clauses, jugées nécessaires à la protection des intérêts de la tête de réseau, échappent toutefois à toute sanction. Il s'agit, en particulier, de celles « indispensables à la protection du savoir-faire substantiel, spécifique et secret transmis dans le cadre du contrat ». Ainsi, s'agissant d'un contrat de franchise, ne peut être tenue en échec la clause imposant à l'ex-franchisé de ne pas utiliser ou de ne pas dévoiler le savoir-faire que lui a transmis le franchiseur au cours du contrat.