Il appartient à la juridiction étatique saisie d’un litige relevant d'une clause d'arbitrage de se déclarer incompétente, sauf si la clause est manifestement nulle ou inapplicable (effet du principe compétence-compétence ; CPC art. 1448).
Un contrat d’approvisionnement stipule à la fois une clause d’arbitrage et une clause prévoyant la compétence du président d'un tribunal de commerce pour désigner un expert en cas de contestation relative au prix des marchandises. Après avoir découvert, à la suite d’une sentence arbitrale rendue sur ce contrat, des taux de marge pratiqués sur les prix fournisseurs contraires aux conditions tarifaires contractuelles, une des parties saisit le président du tribunal de commerce d'une demande de désignation d’un expert. L’autre partie lui oppose l’incompétence du juge étatique au profit du tribunal arbitral.
Ce moyen tiré de l’incompétence du juge doit être rejeté, juge la Cour de cassation, la clause d’arbitrage étant manifestement inapplicable à la demande de désignation d’un expert relevant d’une clause attributive de compétence distincte. En effet, coexistaient au sein du même article du contrat deux clauses complémentaires et non contradictoires, l’une compromissoire, soumettant à l’arbitrage toutes contestations auxquelles pourrait donner lieu l’exécution ou l’interprétation du contrat et confiant aux arbitres le rôle d’apprécier, le cas échéant, tout préjudice de l’une ou l’autre des parties et de déterminer les modalités de dédommagement, l’autre attributive de compétence pour ordonner la désignation, prévue contractuellement, d’un expert qualifié, indépendant des parties contractantes en cas de contestation sur les prix.
A noter :
La Cour de cassation a déjà eu l’occasion de se prononcer sur la question de l'inapplicabilité manifeste d’une clause d’arbitrage en concurrence avec une clause attributive de compétence. Elle a ainsi considéré que, en présence de deux contrats qui n'ont pas le même objet, dont l'un contient une clause d'arbitrage et l'autre une clause attributive de juridiction, l'arbitre ne peut pas étendre sa compétence au contrat autre que celui qui contient la clause d'arbitrage puisque les parties ont voulu distinguer les contrats par des clauses contraires ; la clause d'arbitrage est donc manifestement inapplicable au litige survenu dans l'exécution du contrat contenant la clause attributive de juridiction (Cass. 1e civ. 4-7-2006 n° 05-11.591 FS-PBI : RJDA 1/17 n° 112). En revanche, s’il y a contradiction entre une clause d’arbitrage et une clause attributive de compétence figurant dans un même contrat, cette seule circonstance ne permet pas de caractériser l’inapplicabilité manifeste de la clause d’arbitrage (Cass. 2e civ. 18-12-2003 n° 02-13.410 P : RJDA 4/04 n° 498).
Dans l’arrêt commenté, même si les deux clauses figuraient dans le même contrat, la Haute Juridiction considère que celles-ci sont complémentaires et ne se contredisent pas dès lors qu’elles ont un objet distinct.
Selon un auteur, la solution commentée pourrait néanmoins soulever quelques interrogations en pratique, notamment sur le fait de savoir si l’arbitre est compétent, une fois la mission de l’expert terminée, pour connaître du litige portant sur le prix ; d'après cet auteur, la réponse devrait être a priori positive (J. Jourdan-Marques : Dalloz Actualité du 31-3-2025).