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11 juin 2025
Lorsqu'un contrat de sous-traitance prévoit qu'il n’est formé ou ne prend effet qu’au moment où le maître de l’ouvrage agrée le sous-traitant et ses conditions de paiement, le contrat est valable si, au plus tard à cette date, est fournie au sous-traitant une garantie de paiement.
Quand le cautionnement ou la délégation de paiement doit-il être fourni au sous-traitant ?
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À peine de nullité du contrat de sous-traitance, le paiement des sommes dues par l’entrepreneur principal au sous-traitant au titre du contrat doit être garanti soit par un cautionnement obtenu par l’entrepreneur auprès d’un établissement qualifié, soit par une délégation de paiement consentie par le maître de l’ouvrage au profit du sous-traitant (Loi 75-1334 du 31-12-1975 art. 14, al. 1). La garantie doit avoir été donnée au plus tard lors de la conclusion du contrat de sous-traitance (pour le cautionnement, Cass. 3e civ. 7-2-2001 n° 98-19.937 FS-PB : RJDA 5/01 n° 586 ; Cass. 3e civ. 21-1-2021 n° 19-22.219 F-P : RJDA 6/21 n° 384 exigeant en outre qu’il soit obtenu avant le début des travaux ; pour la délégation de paiement, Cass. 3e civ. 4-2-2004 n° 02-19.147 FS-PB : RJDA 6/04 n° 703).

Pour l’application de ces principes, faut-il prendre en compte la date de signature du contrat de sous-traitance ou la date de prise d’effet du contrat telle que prévue par les parties ? La Cour de cassation vient de répondre à cette question dans une affaire où un contrat de sous-traitance signé en octobre 2017 précisait qu’il n'était « valable » qu'après agrément du sous-traitant et acceptation de ses conditions de paiement par le maître de l’ouvrage et où ce dernier avait, le 3 avril 2018, donné cette acceptation et consenti une délégation de paiement.

La Cour de cassation a rejeté la demande du sous-traitant tendant à l’annulation du contrat de sous-traitance pour défaut de garantie lors de sa signature. Elle s’est fondée sur le raisonnement suivant. Il résulte des articles 1103 du Code civil et 14, al. 1 de la loi du 31 décembre 1975 relative à la sous-traitance que les parties à un contrat de sous-traitance peuvent convenir que celui-ci ne sera formé ou ne prendra effet qu'à compter de la date à laquelle le sous-traitant sera agréé par le maître de l'ouvrage et ses conditions de paiement acceptées par lui. Dans ce cas, l'existence d'une délégation de paiement du maître de l'ouvrage au bénéfice du sous-traitant ou la délivrance par l'entrepreneur principal d'un engagement de caution à son profit à la date de l'agrément du sous-traitant et de l'acceptation de ses conditions de paiement par le maître de l'ouvrage est exclusive de la nullité du sous-traité, sauf commencement des travaux du sous-traitant antérieur à l'obtention de ces garanties. Il en était ainsi en l’espèce : le sous-traitant avait obtenu une garantie financière à la date de formation du contrat et il ne démontrait pas être intervenu sur le chantier avant cette date.

A noter :

La solution n’allait pas de soi. En effet sont nulles et de nul effet les clauses ayant pour effet de faire échec à la loi du 31 décembre 1975 (Loi art. 15), ce qui limite la faculté des parties au contrat de sous-traitance d’aménager contractuellement la protection que cette loi accorde au sous-traitant. Le sous-traitant ne peut pas renoncer par anticipation au bénéfice du cautionnement ou de la délégation (Cass. 3e civ. 9-7-2003 n° 02-10.644 FS-PB : RJDA 5/04 n° 553) mais il peut confirmer le contrat nul soit expressément, soit en exécutant volontairement le contrat qu’il sait nul (Cass. 3e civ. 23-11-2023 n° 22-21.463 FS-B : BRDA 1/24 inf. 15).

La loi de 1975 n’exige pas que le contrat de sous-traitance soit établi par écrit et la conclusion du contrat peut être déduite du commencement des travaux, auquel cas le contrat est nul si la garantie n'est pas fournie avant ce commencement (Cass. 3e civ. 25-5-2011 n° 09-17.137 FS-PB : Bull. civ. III n° 84).

La Cour de cassation a également admis que les parties peuvent convenir de ne donner effet au contrat de sous-traitance qu’à la date de fourniture du cautionnement (Cass. 3e civ. 22-10-2013 n° 12-26.250 F-D). Dans cette hypothèse, comme dans celle de l’arrêt commenté, l’absence de fourniture d’une garantie à la date de signature du contrat ne fait pas échec aux droits du sous-traitant, qui n’est lui-même pas encore tenu d’exécuter les travaux et n’est donc pas encore créancier à ce titre.

Subordonner la prise d’effet du contrat de sous-traitance à l’agrément du sous-traitant et à l’acceptation de ses conditions de paiement par le maître de l’ouvrage permet, relève le rapporteur dans la présente affaire, de pallier la pratique des banques qui rechignent à donner leur cautionnement tant que l’agrément et l’acceptation n’ont pas été donnés. On rappelle que la loi de 1975 n’exige pas que ces derniers soient préalables ou concomitants à la conclusion du contrat (Cass. ch. mixte 13-3-1981 n° 80-12.125 P : Bull. ch. mixte n° 3) et que la décision du maître de l’ouvrage est discrétionnaire, sauf abus de droit (Cass. 3e civ. 2-2-2005 n° 03-15.409 FS-PB : RJDA 5/05 n° 550).

Rendue au visa de l’article 1103 du Code civil (« les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits »), la décision commentée donne une certaine latitude aux parties au contrat de sous-traitance pour différer la conclusion ou la prise d’effet de celui-ci, le juge pouvant apprécier la commune intention des parties si elle n’est pas clairement exprimée (C. civ. art. 1188 et 1192). En l’espèce, la clause subordonnant la validité du contrat à l’agrément du sous-traitant et à l’acceptation de ses conditions de paiement était ambiguë et la cour d’appel l’avait souverainement interprétée comme fixant la date de formation du contrat.

Documents et liens associés : 

Cass. 3e civ. 30-4-2025 n° 23-19.086 FS-B

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