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13 mai 2025
Un contrat d’achat exclusif de boissons n’est pas dénué de contrepartie à la charge du fournisseur dès lors que celui-ci s’engage à fournir à son cocontractant du matériel, un prêt gratuit et à lui consentir des remises annuelles.
Contrat de bière : appréciation du caractère dérisoire des engagements du fournisseur
@Getty images

L’exploitant d’un café-restaurant demande l’annulation du contrat d'achat exclusif de boissons qui le lie à un fournisseur, soutenant que les obligations de ce dernier sont dérisoires au regard de son engagement d’achat.

La cour d’appel de Bourges rejette la demande, jugeant au contraire que les contreparties n’étaient pas illusoires ou dérisoires pour le fournisseur compte tenu des éléments suivants. Le contrat prévoyait la souscription par l’exploitant d'un engagement d'approvisionnement et de distribution exclusive de boissons en contrepartie de la mise à disposition de celui-ci de matériels (tireuse à bière, machine à café, armoires réfrigérées) d’une valeur déclarée de 10 000 € et d'un prêt sans intérêt (40 000 € remboursables en 72 mois). Les parties étaient en outre convenues de remises annuelles de 80 € par 1 000 litres de bière vendue, et de 17 % sur le chiffre d’affaires (hors certaines boissons). Le contrat disposait donc d'une cause, au sens où les obligations des deux parties y figuraient comme celle pour le fournisseur de livrer sauf cas de force majeure et, pour l’exploitant, celle d'acquérir l'ensemble des boissons convenues avec des seuils minimaux annuels de 55 000 litres de bière en fût et de 38 000 € au moins pour le reste des produits. Il n'était pas imposé de caution mais, en garantie de l'exécution du contrat, l’exploitant consentait un nantissement de son fonds de commerce au fournisseur. L’exploitant ne démontrait pas que le prêt prévu au contrat était dérisoire au regard de l'activité de son commerce, faute de justifier de son chiffre d’affaires avant la conclusion du contrat, ni que le matériel mis à sa disposition par le fournisseur était en réalité d’une valeur bien moindre que celle déclarée ou incompatible avec son commerce. Contrairement à ce que soutenait l’exploitant, le fournisseur ne pouvait exiger la restitution du matériel qu'en cas d'inexécution de ses obligations par l’exploitant, c'est-à-dire pour non-respect de la clause d'exclusivité.

A noter :

Un contrat à titre onéreux est nul lorsque, au moment de sa formation, la contrepartie convenue au profit de celui qui s'engage est illusoire ou dérisoire (C. civ. art. 1169). L’appréciation de la contrepartie ou, avant l’introduction du texte précité, de la cause du contrat relève du pouvoir souverain des juges du fond (notamment, Cass. 1e civ. 15-6-1994 n° 950 P : RJDA 11/94 n° 1105 ; Cass. com. 8-2-2005 n° 03-10.749 F-PB : RJDA 5/05 n° 538).

Pour des contrats de bière assortis d’un engagement exclusif d’achat, ont été jugés comme constituant une contrepartie dérisoire les engagements du fournisseur :

  • de se porter caution simple à concurrence de 20 % du prêt bancaire de 90 000 € souscrit par l’exploitant, le fournisseur étant lui-même garanti par le cautionnement d’un tiers et ne démontrant pas avoir pris un risque réel (Cass. com. 8-2-2005 précité) ;
  • d’obtenir et de garantir un prêt bancaire de 40 000 € remboursable sur 5 ans (Cass. com. 14-10-1997 n° 95-14.285 D : RJDA 2/98 n° 164) ;
  • de cautionner le prêt de 125 000 € qu'une banque devait consentir à l’exploitant et qu’elle lui a accordé sans exiger le cautionnement du fournisseur (CA Versailles 16-9-2004 n° 03-1025 : BRDA 22/04 inf. 11).

En revanche, n’a pas été considérée comme dérisoire au regard de l'activité de crêperie-bar-glacier de l’exploitant en adéquation avec la valeur des achats annuels de boissons fixée à 28 000 € HT, la subvention de 5 000 € accordée par le fournisseur représentant 3,5 % du montant global du chiffre d'affaires sur 5 ans, en contrepartie de l'exclusivité accordée pendant cette durée (CA Montpellier 3-5-2016 n° 14/09031 et, sur pourvoi, Cass. com. 20-12-2017 n° 16-23.592 F-D).

Documents et liens associés : 

CA Bourges 28-2-2025 n° 24/00592

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