Validité des clauses de conciliation et de médiation préalables
Principe de la validité
La reconnaissance de la validité. La clause de conciliation ou de médiation préalable a une nature hybride. Clause, elle est contractuelle ; limitant le droit d'agir en justice, son objet est juridictionnel. Droit fondamental reconnu en droit interne et international, le droit d'agir en justice n'est pas absolu. Il peut faire l'objet de limitations, à la condition qu'elles ne portent pas atteinte à la substance même de ce droit. Comme pour d'autres clauses tendant à éviter une solution judiciaire au litige, la Cour de cassation a ainsi reconnu la validité des clauses de conciliation ou médiation préalable (Cass., ch. mixte, 14 févr. 2003, no 00-19.423). Depuis, la validité de ces clauses a été reconnue par la CJUE (CJUE 18 mars 2010, aff. C-317/08, C-318/08, C-319/08 et C-320/08) et la Cour EDH (CEDH 26 mars 2015, no 11239/11, Momcilovic c. Croatie).
Les limites. Premièrement, elles ne doivent pas interdire totalement le droit d'agir en justice. À ce titre, les parties n'ont qu'une obligation de moyens de parvenir à résoudre à l'amiable leur différend. Par ailleurs, elles ne font pas obstacle à la saisine du juge, en cas d'urgence, aux fins d'obtenir une mesure d'instruction ou une mesure provisoire ou conservatoire.
Deuxièmement, elles doivent faire en sorte de préserver le droit d'agir en justice. Or, en ce qu'elles empêchent les parties d'agir, ces dernières bénéficient de l'article 2234 du code civil qui suspend la prescription.
Troisièmement, elles ne doivent pas faire l'objet d'une interdiction spécifique. En droit de la consommation, ces clauses ne sont valables entre un professionnel et un consommateur que si elles ne créent pas pour le consommateur d'obligation de recourir à la médiation, ni ne prévoient que la solution s'impose aux parties (C. consom., art. L. 612-4). Dans les contrats de travail, la Cour de cassation a jugé qu'en raison de l'existence d'une procédure de conciliation préliminaire et obligatoire, une telle clause du contrat de travail n'empêche pas les parties de saisir directement le juge prud'homal de leur différend (Soc. 5 déc. 2012, no 11-20.004). En matière d'action de groupe, une clause ayant pour objet ou pour effet d'interdire à une personne de participer à une telle action est réputée non écrite (C. consom., art. L. 623-32 ; L. no 2016-1547, 18 nov. 2016).
Équilibre du contrat
Contrôle du caractère abusif de la clause. L'article 1171 du code civil dispose que dans un contrat d'adhésion, toute clause non négociable, déterminée à l'avance par l'une des parties, qui crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat est réputée non écrite. Or, le contrat d'adhésion est défini comme celui qui comporte un ensemble de clauses non négociables, déterminées à l'avance par l'une des parties (C. civ., art. 1110, al. 2). La question reste alors de savoir qui devra apporter la preuve du caractère non négociable de la clause de conciliation. Quant à l'appréciation du caractère non négociable, les juges sont invités à s'inspirer de la jurisprudence rendue en matière de clause abusive dans les contrats de consommation.
Clause privant de sa substance l'obligation essentielle du débiteur. Toute clause qui prive de sa substance l'obligation essentielle du débiteur est réputée non écrite (C. civ., art. 1170). Or, les conditions posées par la jurisprudence française et européenne à la validité des clauses de médiation et de conciliation laissent à penser qu'elles n'encourent pas de risque sur le fondement de l'article 1170.
Efficacité des clauses
Rédaction
Conditions subordonnant l'efficacité de la clause. Les parties doivent veiller à respecter les conditions exigées dans la rédaction de la clause. Au contraire, elles la verront réduite à une simple déclaration d'intention. C'est à la jurisprudence que l'on doit l'explicitation de ces conditions. Toutefois, celle-ci n'est pas pleinement fixée, faisant parfois apparaître des contradictions entre les juridictions.
D'abord, la volonté de se voir soumise à l'une de ces clauses doit apparaître de manière expresse. À défaut, la clause ne pourra pas entraîner l'irrecevabilité de l'action en justice exercée avant toute tentative de résolution amiable.
Ensuite, la clause doit être assortie de conditions particulières de mise en œuvre, mais la jurisprudence est, à ce sujet, particulièrement hésitante. La chambre commerciale avait exigé des parties qu'elles déterminent avec précision les conditions particulières de mise en œuvre de la clause (Com. 29 avr. 2014, no 12-27.004). Depuis aucune chambre n'a repris cette solution, et la chambre sociale (Soc. 30 janv. 2019, no 17-22.640) comme la troisième chambre civile (Civ. 3e, 19 mai 2016, no 15-14.464) semblent même l'avoir rejetée. Ces conditions consistent à rappeler le caractère obligatoire et temporaire de la conciliation ou de la médiation, le caractère préalable à la saisine du juge, les modalités de désignation et la mission du tiers.
Étendue de la clause. La volonté des parties telle qu'elle est exprimée dans la clause va être déterminante pour en fixer l'étendue.
Localisation de la clause. Lorsqu'elle est incluse dans le contrat principal, après négociation et signature par chacune des parties, le consentement des parties ne pose pas question. Il en va autrement lorsque la clause est insérée dans un document contractuel distinct, comme les conditions générales par exemple. Dans ce cas, la partie devra avoir eu connaissance de ces conditions et les avoir préalablement acceptées (C. civ., art. 1119).
Sort de la clause
Autonomie des clauses. La résolution n'affecte ni les clauses relatives au règlement des différends, ni celles destinées à produire effet même en cas de résolution, telles les clauses de confidentialité (C. civ., art. 1230).
Circulation. La question du transfert de la clause de médiation ou de conciliation préalable à un tiers au contrat initial n'est pas encore tranchée, l'étude de la jurisprudence relative aux autres clauses de règlement des litiges laisse à penser que la réponse à apporter à cette question est positive.
Sanction du non-respect
Application du régime de la fin de non-recevoir. La question de la nature de la sanction en cas de violation d'une clause de médiation ou de conciliation préalable a été définitivement tranchée par la jurisprudence (Cass., ch. mixte, 14 févr. 2003, no 00-19.423).
Adaptation du régime de la fin de non-recevoir. La fin de non-recevoir tirée de la violation d'une clause de conciliation ou de médiation préalable n'est pas régularisable en cours de procédure (Cass., ch. mixte, 12 déc. 2014, no 13-19.684). La partie devra réitérer sa demande une fois le processus amiable accompli. Or, la fin de non-recevoir ruinant l'effet interruptif de prescription de la demande initiale (C. civ., art. 2243), la partie verra peut-être son droit prescrit.