Fiche thématique
6 min de lecture
10 mai 2023
La vente ou l’achat d’un fonds de commerce obéit à des règles spécifiques selon que l’acte est effectué par un mineur (émancipé, sous administration légale ou sous tutelle) ou par un majeur (sous tutelle, sous sauvegarde de justice ou sous curatelle).

Sommaire

La cession du fonds de commerce est un acte de commerce

La condition de commercialité

La vente de fonds de commerce est, comme tout contrat, soumise aux règles du droit commun des contrats. Elle est aussi soumise à des règles spéciales prévues par le code de commerce.

La cession d’un fonds de commerce est un acte de commerce (Cass. com., 20 mai 1969, no 66-11.155) pour le cédant ( Cass. com., 13 juin 1989, no 87-12.651 ) comme pour le cessionnaire.

Ceci ne vaut toutefois qu’à la condition que l’acte soit passé dans le but d’exercer un commerce et qu’il soit indispensable à l’exercice de celui-ci ( Cass. com., 13 mai 1997, no 94-20.772 )

Dès lors, l’acquisition ou la vente d’un fonds de commerce peuvent avoir un caractère civil si elles ne se rattachent pas à l’exploitation d’un commerce.

Remarque

Exemple : la vente d’un fonds de commerce dépendant d’une succession intéressant des héritiers mineurs, constitue une opération nécessitée par la liquidation et non un acte de commerce (CA Paris, 27 nov. 1962 : D. 1963, p. 49) ; ou encore l’acquisition d’un fonds de commerce, non pas en vue de le revendre, de le louer ou de l’exploiter, mais seulement dans l’intention de le donner à un tiers (CA Rouen, 25 janv. 1877 : D. 1878, 2, p. 41 ; T. com. Saint-Étienne, 20 nov. 1930 : Gaz. jud. et com. Lyon 1931, 107).

La capacité d’acheter un fonds de commerce

Le mineur non émancipé

Le mineur non émancipé ne peut pas acheter un fonds de commerce, ni directement ni par l’intermédiaire de son représentant.

En effet, bien que depuis la loi no 2010-65 8 du 15 juin 2010, entrée en vigueur le 17 juin 2010, il n’existe plus de texte interdisant aux mineurs non émancipés d’être commerçants, les mineurs non émancipés ne peuvent toujours pas, à notre avis, avoir cette qualité ni faire d’acte de commerce isolé puisqu’un mineur non émancipé ne peut agir que par représentation [(C. civ., art. 388-1-1 ) pour les mineurs sous administration (C. civ., art. 408 ) légale pour les mineurs sous tutelle] et que les articles 387-2, 3° et 509, 3° du code civil interdisent respectivement à l’administrateur légal d’un mineur sous administration légale et au tuteur d’exercer le commerce au nom de la personne protégée.

Le mineur non émancipé ne peut donc pas acquérir de fonds de commerce, ni directement ni par l’intermédiaire de son représentant.

Le mineur émancipé

S’agissant du mineur émancipé, les articles 413-8 du code civil et L. 121-2 du code de commerce, disposent que « le mineur émancipé peut être commerçant sur autorisation du juge des tutelles au moment de la décision d’émancipation et du président du tribunal judiciaire s’il formule cette demande après avoir été émancipé ».

Il en résulte que le mineur émancipé, dans ce cas, peut acheter un fonds de commerce.

Le majeur ou le mineur émancipé sous habilitation familiale

Aucun texte n’interdit à un majeur (ou mineur émancipé) d’exercer le commerce.

Par suite, l’achat d’un fonds de commerce peut entrer dans le champ de l’habilitation familiale. Il en résulte que lorsque la personne habilitée est investie d’une mission de représentation, le majeur (ou le mineur émancipé) sous habilitation perd la capacité d’effectuer un tel achat ; seule la personne habilitée le peut (C. civ., art. 494-6, al. 2 et 494-8, al. 1). Lorsque la personne habilitée est investie d’une mission d’assistance du majeur (ou du mineur émancipé), l’achat par celui-ci d’un fonds de commerce s’effectue dans les mêmes conditions que pour le majeur sous curatelle (C. civ., art. 494-1, al. 1 et sur renvoi, 467).

Le majeur sous tutelle

Le majeur sous tutelle ne peut pas acheter un fonds de commerce.

En effet, le majeur sous tutelle ne peut agir que par représentation (C. civ., art. 408 ) et le tuteur ne peut pas exercer le commerce en son nom (C. civ., art. 509, 3°).

Le majeur sous curatelle

Aucun texte n’interdit au majeur sous curatelle d’exercer le commerce. Il doit toutefois, en application de l’article 467 du code civil, être assisté de son curateur pour accomplir les actes de disposition que requiert l’exercice de cette activité ( Cass. 1re civ. avis, 6 déc. 2018, no 18-70.011, no 15015 P + B + I ). Le majeur sous curatelle peut donc acheter et exploiter un fonds de commerce dans ces conditions.

Le majeur sous sauvegarde de justice

Le majeur sous sauvegarde de justice peut, en principe, acheter seul un fonds de commerce. Toutefois, si un mandataire spécial a été désigné en justice afin d’acheter le fonds de commerce au nom du majeur, ce dernier ne peut, à peine de nullité, faire un tel acte (C. civ., art. 435, al. 1 et 437 ).

La capacité de vendre un fonds de commerce

Le mineur non émancipé

Un mineur non émancipé peut devenir propriétaire d’un fonds de commerce, notamment par voie de succession. Dans ce cas, le mineur peut vendre le fonds de commerce mais il ne peut pas agir personnellement. La vente du fonds doit donc être conclue, au nom du mineur, par son représentant légal dans les conditions prévues par chaque régime de protection :

  • sous le régime de l’administration légale, l’administrateur légal ne peut, sans l’autorisation préalable du juge des tutelles : vendre de gré à gré un fonds de commerce appartenant au mineur (C. civ., art. 387-1 ) ;
  • sous le régime de la tutelle, le tuteur peut vendre le fonds de commerce avec l’autorisation du conseil de famille, ou à défaut le juge des tutelles ; cette autorisation ne peut être donnée qu’après la réalisation d’une mesure d’instruction par un technicien ou le recueil de l’avis d’au moins deux professionnels qualifiés (C. civ., art. 505 ).

Le mineur émancipé

Le mineur émancipé propriétaire d’un fonds de commerce peut librement le vendre.

Le majeur ou le mineur émancipé sous habilitation familiale

Le majeur ou le mineur émancipé qui est dans l’impossibilité de pourvoir seul à ses intérêts en raison d’une altération, médicalement constatée, soit de ses facultés mentales, soit de ses facultés corporelles de nature à empêcher l’expression de sa volonté peut être placé sous habilitation familiale (C. civ., art. 425 et 494-1 ). La vente de fonds de commerce peut entrer dans le champ de l’habilitation accordée (C. civ., art. 494-6, al. 2 et 505  ; D. no 2008-1484, 22 déc. 2008, art. 1 et ann. 1, col. 2, II, 3°).

Dans ce cas, lorsque la personne habilitée est investie d’une mission de représentation, le majeur ou le mineur émancipé sous habilitation perd la capacité d’accomplir un tel acte (C. civ., art. 494-8, al. 1) ; c'est la personne habilitée seule qui peut conclure le contrat de vente au nom du majeur et, si ce dernier agit seul, le contrat est nul de plein droit, sans qu’il soit nécessaire de justifier d’un préjudice (C. civ., art. 494-9, al. 1).

Lorsque la personne habilitée est investie d’une mission d’assistance, la vente s’effectue dans les mêmes conditions que pour le majeur sous curatelle (C. civ., art. 494-1, al. 1 et sur renvoi 467 ). La vente effectuée par le majeur ou le mineur émancipé agissant seul alors qu’elle nécessitait une assistance ne peut être annulée que s’il est établi que celui-ci a subi un préjudice (C. civ., art. 494-9, al. 2).

Le majeur sous tutelle

La vente d’un fonds de commerce appartenant à un majeur sous tutelle fait partie des actes que le tuteur ne saurait accomplir sans y être autorisé par le conseil de famille ou à défaut le juge des tutelles (C. civ., art. 505, al. 1 ; D. no 2008-1484, 22 déc. 2008, art. 2, al. 1 et ann. 1, col. 2, II, 3°). Cette autorisation détermine les stipulations et, le cas échéant, le prix ou la mise à prix pour lequel l’acte est passé. Elle ne peut être donnée qu’après la réalisation d’une mesure d’instruction par un technicien ou le recueil de l’avis d’au moins deux professionnels qualifiés (C. civ., art. 505, al. 3).

Elle n’est pas exigée en cas de vente forcée sur décision judiciaire ou en cas de vente amiable sur autorisation du juge (C. civ., art. 505, al. 2).

Le majeur sous curatelle

Le majeur sous curatelle ne peut, sans l’assistance du curateur, faire aucun acte qui, en cas de tutelle, requerrait l’autorisation du juge ou du conseil de famille (C. civ., art. 467 ).

Ainsi, le majeur sous curatelle ne peut donc vendre un fonds de commerce qu’avec l’assistance de son curateur.

Le majeur sous sauvegarde de justice

Le majeur sous sauvegarde justice qui conserve l’exercice normal de ses droits peut, en principe vendre seul un fonds de commerce Toutefois, si un mandataire spécial a été désigné en justice afin de vendre le fonds de commerce du majeur, ce dernier ne peut, à peine de nullité, faire un tel acte (C. civ., art. 435, al. 1 et437 ).

Le majeur sous sauvegarde de justice peut avoir désigné un mandataire chargé d’administrer ses biens avant d’être mis sous sauvegarde : ce mandat continue à recevoir exécution (C. civ., art. 436, al. 1).

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