Fiche thématique
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10 mai 2023

Les dettes ne font pas partie du fonds de commerce. Il arrive toutefois qu’il soit utile de reporter leur poids sur l’acheteur. Deux mécanismes peuvent être employés à cette fin : la délégation et la cession de dette.

Quels sont les enjeux de ce choix ?

Sommaire

Déléguer l’acheteur au créancier du vendeur

La délégation est l’opération par laquelle une personne, le délégant, obtient d’une autre, le délégué, qu’elle s’oblige envers une troisième, le délégataire, qui l’accepte comme débiteur (C. civ., art. 1336, al. 1). La délégation permet donc de reporter le poids d’une dette du vendeur d’un fonds de commerce sur l’acheteur.

Le consentement du délégué doit être constaté ( Cass. 1re civ., 7 avr. 1998, no 96-18.210, no 651 P + B ), l’accord pouvant être tacite ( Cass. com., 3 avr. 2001, no 97-19.971  ; Cass. com., 3 avr. 2012, no 10-24.641 ).

Du jour où la délégation est établie, le délégué doit payer le délégataire. Sauf convention contraire convenue entre le délégant et le délégataire, le délégué ne peut opposer au délégataire aucune exception tirée de ses rapports avec le délégant ou des rapports entre ce dernier et le délégataire (C. civ., art. 1336, al. 2).

Remarque

En revanche, lorsque le délégué s’est engagé à payer le délégataire seulement à hauteur de ce qu’il devait au délégant, le délégué peut opposer au délégataire des éléments permettant de déterminer le montant de la dette du délégué envers le délégant ( Cass. com., 11 avr. 2012, no 11-13.068 ).

Le délégataire qui n’a pas reçu le paiement du délégué dispose ou non d’un recours contre le déléguant, si celui-ci est son débiteur (hypothèse la plus courante), selon qu’il l’a ou non déchargé :

  • décharge du délégant par le délégataire (délégation dite parfaite ou novatoire) : le délégataire n’a pas de recours contre le délégant si cette décharge résulte expressément de l’acte (C. civ., art. 1337, al. 1) ;
  • absence de décharge du délégant, (délégation dite imparfaite) le délégataire conserve un recours contre le délégant ; la délégation donne alors au délégataire un second débiteur et le paiement fait par l’un des deux débiteurs libère l’autre, à due concurrence (C. civ., art. 1338 ) ;
  • engagement personnel du délégant envers le délégataire : le délégant demeure tenu s’il s’est expressément engagé à garantir la solvabilité future du délégué ou si ce dernier se trouve soumis à une procédure d’apurement de ses dettes lors de la délégation (C. civ., art. 1337, al. 2).

Lorsque le délégant est créancier du délégué, sa créance ne s’éteint que par le paiement fait par le délégué au délégataire et à due concurrence. Jusque-là, le délégant ne peut pas en exiger ou en recevoir le paiement, sauf pour la part qui excéderait l’engagement du délégué. La créance du délégant ne peut être cédée ou saisie que sous les mêmes conditions (C. civ., art. 1339 ).

Céder la dette du vendeur à l’acheteur

Un débiteur peut, avec l’accord du créancier, céder sa dette (C. civ., art. 1327 ).

Remarque

Depuis le 15 mai 2022, tout entrepreneur individuel est titulaire de plein droit de deux patrimoines distincts, un patrimoine professionnel et un patrimoine personnel, le patrimoine professionnel étant constitué des biens, droits, obligations et sûretés qui sont utiles à l’activité de l’entrepreneur (C. com., art. L. 526-22, issu de L. no 2022-172, 14 févr. 2022 : JO, 15 févr.). Sont notamment inclus dans ce patrimoine le fonds de commerce et les dettes nées à l’occasion de cette activité (C. com., art. R. 526-26, issu de D. no 2022-725, 28 avr. 2022 : JO, 29 avr.). L'entrepreneur peut transférer l’intégralité de son patrimoine professionnel selon la procédure prévue aux articles L. 526-27 et suivants du code de commerce. Il peut également céder son fonds de commerce pris isolément, sans transfert intégral du patrimoine professionnel (par exemple, lorsqu’il exerce plusieurs activités et souhaite isoler l’une de celles-ci). Dans ce cas, il peut céder ses dettes attachées à ce fonds dans les conditions exposées ci-dessous (C. com., art. L. 526-27, al. 1, issu de L. no 2022-172, 14 févr. 2022).

La formation de la cession de dette

L’accord du créancier est une condition essentielle à la cession de dette.

La cession doit, en outre, être constatée par écrit, à peine de nullité (C. civ., art. 1327, al. 2).

Les effets de la cession de dette

La libération du débiteur cédant

Si le créancier y consent expressément, le débiteur originaire est libéré pour l’avenir. A défaut, et sauf clause contraire, il est tenu solidairement au paiement de la dette (C. civ., art. 1327-2 ).

On aura donc deux hypothèses :

  • une cession libératoire avec le consentement exprès du créancier pour libérer le cédant ;
  • une cession non libératoire en l’absence de consentement exprès.

Remarque

On peut se demander ce que signifie dans l’article la « libération pour l’avenir ». Cela n’a vraiment de sens que si on est face à une dette à exécution successive, telle une dette de loyers.

L’opposabilité de la cession de dette au créancier cédé

Si le créancier a donné par avance son accord à la cession, par exemple dans une clause de cessibilité, et s’il n’est pas ensuite intervenu à l’acte, il ne peut se voir opposer la cession ou s’en prévaloir que du jour où elle lui a été notifiée ou dès qu’il en a pris acte (C. civ., art. 1327-1 ). Il y a donc là encore deux hypothèses :

  • l’opposabilité sans notification, quand le cédant a consenti à la cession de dette au moment de la cession ou quand le cédant a consenti à la cession de dette ab initio et est intervenu à l’acte ;
  • l’opposabilité par la notification quand le cédant a consenti à la cession de dette ab initio et n’est pas intervenu à l’acte.

L’opposabilité des exceptions

L’opposabilité des exceptions est prévue par l’article 1328 du code civil : le débiteur cessionnaire, et le débiteur cédant s’il reste tenu, peuvent opposer au créancier les exceptions inhérentes à la dette, telles que la nullité, l’exception d’inexécution, la résolution ou la compensation de dettes connexes. Chacun peut aussi opposer les exceptions qui lui sont personnelles.

C’est là une grande différence avec la délégation, dominée par l’inopposabilité des exceptions (sauf en cas de délégation incertaine).

Le sort des sûretés

Le sort des garanties est réglé par l’article 1328-1 du code civil :

  • lorsque le débiteur originaire n’est pas déchargé par le créancier, les sûretés subsistent ;
  • si le cédant est déchargé, les sûretés données par le débiteur originaire ou celles consenties par des tiers (par exemple, les cautions) ne subsistent qu’avec leur accord ; lorsque le cédant est un codébiteur solidaire, les autres codébiteurs solidaires restent tenus déduction faite de sa part dans la dette.
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