Fiche thématique
6 min de lecture
10 mai 2023

Lorsque le prix n’est pas payé comptant, le vendeur possède un privilège sur le fonds de commerce vendu. Ce privilège ne joue que si la vente du fonds est constatée par un acte authentique ou sous signature privée, dûment enregistré.

Dans les rapports entre le vendeur et l’acquéreur du fonds de commerce, l’action résolutoire pour non-paiement du prix par l’acheteur est soumise au droit commun.

Sommaire

Les conditions du privilège

Le privilège du vendeur d’un fonds de commerce n’a lieu que si la vente a été constatée par un acte authentique ou sous signature privée, dûment enregistré (C. com., art. L. 141-5, al. 1, version applicable à compter du 1er janv. 2023).

Remarque

Alors que dans la rédaction antérieure à la réforme issue de l’ordonnance 2021-1192 du 15 septembre 2021 portant réforme des sûretés, le privilège n’existait que s’il avait été inscrit ; à compter du 1er janvier 2023, l’inscription du privilège n’est plus requise pour l’existence même du privilège (mais seulement pour son opposabilité aux tiers). Le privilège du vendeur supposera désormais uniquement que la vente ait été constatée par un acte authentique ou sous seing privé, dûment enregistré.

Le privilège du vendeur n’est accordé :

  • que s’il y a eu vente du fonds de commerce, ou échange avec soulte, mais non en cas de partage du fonds, ou cession de parts sociales ou d’actions d’une société propriétaire du fonds ;
  • que si la vente porte sur un fonds de commerce et non un élément isolé du fonds.

Il faut examiner l’assiette du privilège, les créances garanties, les formalités exigées, et enfin l’extinction de la garantie.

Sur quoi porte le privilège ?

Le privilège ne porte que sur les éléments du fonds de commerce énumérés dans l’acte de vente et dans l’inscription.

Première hypothèse : l’acte de vente et l’inscription ne contiennent aucun inventaire des éléments grevés du privilège

L’article L. 141-5 du code de commerce indique clairement que, à défaut de désignation précise, le privilège ne porte que sur l’enseigne et le nom commercial, le droit au bail, la clientèle et l’achalandage (C. com., art. L. 141-5, al. 2). Il ne peut donc concerner :

  • ni les éléments corporels, les marchandises et le matériel ;
  • ni certains éléments incorporels, tels que les droits de propriété industrielle et intellectuelle.

Toutefois, le bénéfice de ce privilège ne pourra être accordé au vendeur que si une division du prix a été faite, afin que l’on connaisse le prix des éléments incorporels principaux.

Deuxième hypothèse : l’acte de vente et l’inscription contiennent un inventaire des éléments grevés du privilège

Le privilège frappe alors les éléments existant au jour de la vente et énumérés dans l’acte de vente et dans l’inscription, mais non ceux qui ne faisaient pas partie du fonds au jour de la cession, sauf le jeu de la subrogation réelle, s’il y a lieu.

L’inventaire à faire devra figurer à la fois dans l’acte de vente et dans l’inscription. C’est ce qui résulte de l’article L. 145-5 du code de commerce qui vise les éléments « énumérés dans la vente et dans l’inscription ».

Le privilège du vendeur du fonds de commerce ne pourra, en revanche, affecter les éléments nouveaux qui n’existaient donc pas au jour de la cession du fonds. Mais comment distinguer les éléments nouveaux et les éléments anciens ? La pratique distingue entre :

  • les modifications d’éléments existant au jour de la vente du fonds de commerce et sur lesquels le privilège subsistera. C’est ainsi que les modifications affectant la clientèle du fait de l’exploitation du fonds ne feront pas disparaître le privilège du vendeur, sauf en cas de transformation complète de l’objet du commerce exercé ;
  • et les adjonctions d’éléments véritablement nouveaux qui ne pourront alors être concernés par le privilège. Ainsi, le privilège ne pourra porter sur les autres éléments incorporels, tels que brevets d’invention, marques, dessins et modèles, droits d’auteur, qui auront été ajoutés par l’acheteur du fonds depuis l’opération de cession.

Quelles sont les créances garanties ?

L’existence de plusieurs privilèges

L’article L. 141-5 du code de commerce précise que « des prix distincts sont établis pour les éléments incorporels du fonds, le matériel et les marchandises » et que « le privilège du vendeur qui garantit chacun de ces prix, ou ce qui en reste dû, s’exerce distinctement sur les prix respectifs de la revente afférents aux marchandises, au matériel et aux éléments incorporels du fonds ».

Ce texte instaure, en réalité, plusieurs privilèges du vendeur, un sur les éléments incorporels, un sur les marchandises, et un sur le matériel.

Remarque

Exemple : supposons donc que le fonds ait été acheté pour le prix de :

  • 40 000€ pour les éléments incorporels ;
  • 50 000€ pour les marchandises ;
  • 30 000€ pour le matériel.

Soit un total de 120 000€ payable à terme.

Supposons que le prix payable à terme n’ait pas été payé, et que le fonds soit revendu pour le prix de :

  • 35 000€ pour les éléments incorporels ;
  • 60 000€ pour les marchandises ;
  • 15 000€ pour le matériel.

Soit encore un total de 120 000€.

Le privilège du vendeur s’exercera :

  • sur les éléments incorporels à hauteur de 35 000€ ;
  • sur les marchandises à hauteur de 50 000€ ;
  • sur le matériel à hauteur de 15 000€.

Soit sur un total de 100 000€.

Le privilège du vendeur garantit pour chaque compartiment la fraction du prix impayée par l’acheteur et les intérêts à échoir sur les deux années qui suivent l’inscription (C. com., art. L. 143-19 ).

En revanche, les intérêts qui sont déjà échus au moment de l’inscription seront couverts en totalité par le privilège, au même rang que le capital, à la double condition que mention en soit faite dans l’acte de vente et dans l’inscription et que le montant encore dû soit indiqué.

Les intérêts concernant plus de deux années peuvent être garantis par de nouvelles inscriptions (C. com., art. L. 143-19, al. 1jusqu'au 31 déc. 2022, L. 143-19, mod. par ord. no 2021-1192, 15 sept. 2021 et R. 521-24, issu du D. no 2021-1887,29 déc. 2021 à compter du 1er janv.2023).

L’inscription du privilège

Les modalités de l’inscription

L’inscription doit être prise dans les 30 jours à compter de la date de l’acte de vente (C. com., art. L. 141-6 ). Le jour de l’acte de vente qui sert de point de départ au délai (dies a quo) n’est pas pris en considération ; le délai expire donc le dernier jour (dies ad quem), sauf s’il est férié. Ce sont les règles habituelles en matière de délai.

L’ordonnance no 2021-1192 du 15 septembre 2021 portant réforme des sûretés, applicable à compter du 1er janvier 2023, est venu apporter des modifications au régime d’inscription du privilège. Avant la réforme, la sanction du défaut d’inscription dans le délai était la nullité. A compter du 1er janvier 2023, le privilège existe entre les parties indépendamment de son inscription. Celle-ci en revanche le rend opposable aux tiers.

Lorsque l’inscription est prise dans les trente jours suivant la date de l’acte de vente, le vendeur de fonds de commerce est avantagé. En effet, si l’inscription est prise dans le délai, il prime toute inscription prise dans le même délai du chef de l’acquéreur, mais surtout l’article L. 141-6 précise que cette inscription « est opposable aux créanciers de l’acquéreur en sauvegarde, redressement ou en liquidation judiciaire, ainsi qu’à sa succession acceptée à concurrence de l’actif net dans le même délai.

Si l’inscription est prise tardivement, le privilège ne prendra rang qu’à la date de l’inscription.

L’extinction de la garantie

Deux possibilités d’extinction

La garantie que constitue le privilège du vendeur est susceptible de s’éteindre selon deux modalités :

  • la sûreté prend fin par voie de conséquence, lorsque la créance dont le privilège était l’accessoire est éteinte, en raison de son paiement, d’une remise de dette, de la prescription, de la dation en paiement ou de la confusion, etc ;
  • la sûreté prend fin par voie principale, auquel cas le privilège disparaîtra sans affecter pour autant la créance principale. Cela vise principalement la renonciation au privilège. Elle devra non seulement être écrite, mais être dressée par acte authentique pour permettre la radiation. Cela pourrait viser également la péremption de l’inscription non renouvelée dans les 10 ans.
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