La dissolution d'une société unipersonnelle entraîne la transmission universelle du patrimoine (TUP) de cette société à l'associé unique, personne morale, et il n'y a pas lieu de procéder à la liquidation de la société dissoute (C. civ. art. 1844-5, al. 3 et 4).
Une société est mise en redressement judiciaire. Après arrêté, en 2011, d’un plan de redressement d’une durée de 10 ans qui prévoit l'inaliénabilité de son fonds de commerce, les parts de la société sont réunies en une seule main et la dissolution de celle-ci est décidée par l'associé unique, personne morale, en 2018. En 2021, le plan ayant été exécuté, la procédure collective est clôturée. Entre-temps, en 2019, la société, représentée par un mandataire ad hoc, décide de poursuivre l'un de ses créanciers en paiement. Ce dernier conteste la capacité à agir du mandataire ad hoc : par l’arrêté du plan, la société était redevenue in bonis, de sorte que la TUP de la société à son associé unique était valablement intervenue ; la société dissoute et son mandataire ad hoc n'avaient donc plus capacité à agir en justice.
La Cour de cassation écarte le raisonnement. En effet, la dissolution de la société dont toutes les parts sociales sont réunies en une seule main, intervenue au cours de son plan de redressement prévoyant l’inaliénabilité de son fonds de commerce, n’entraîne pas la transmission universelle de son patrimoine à l’associé unique. Par suite, la transmission du fonds de commerce restait soumise en l'espèce aux règles d’ordre public applicables au redressement ou à la liquidation judiciaire des entreprises en difficulté et la société conservait sa capacité à agir, par la voie du mandataire ad hoc.
A noter :
La Cour de cassation avait jugé que l'article 1844-5, al. 3 et 4 du Code civil prévoyant la TUP en cas de dissolution d'une société unipersonnelle ne peut pas s'appliquer lorsque cette dissolution intervient après le jugement ouvrant à son égard une procédure collective : le patrimoine social doit alors être cédé ou transmis selon les règles d'ordre public applicables au redressement ou à la liquidation judiciaire (Cass. com. 12-7-2005 n° 02-19.860 FP-PBRI et n° 03-14.809 FP-PBRI : RJDA 1/06 n° 29). La décision commentée s'inscrit dans la ligne de cette jurisprudence mais en précise la portée dans le cas où la dissolution par TUP intervient après l’adoption du plan de redressement (ou de sauvegarde, cette solution étant transposable à notre avis). Dès l’adoption du plan, le débiteur redevient libre de disposer de ses biens (il est à nouveau in bonis ; Cass. com. 21-2-2006 n° 04-10.187 FS-PB : RJDA 10/06 n° 1055 ; Cass. com. 26-10-2022 n° 21-13.474 F-B : RJDA 1/23 n° 45), sauf pour les actifs déclarés inaliénables par le tribunal (cf. C. com. art. L 631-19, I-al. 1 et, sur renvoi, art. L 626-14). Cette inaliénabilité fait obstacle à la TUP.
Mais la question se pose de savoir si la TUP pourrait intervenir en l’absence d’inaliénabilité de certains actifs. Selon un auteur, cela n'est pas certain, notamment en raison du droit d'opposition des créanciers sociaux prévu par l'article 1844-5 (B. Ferrari : Dalloz Actualité du 25-10-2024). Il ajoute qu'en revanche, une TUP serait sans doute possible dans le cadre d'une modification substantielle du plan, obtenue dans les conditions de l'article L 626-26 du Code de commerce (ou L 626-31-1 en l’absence de réunion des classes de parties affectées). On peut rapprocher ce dernier raisonnement de celui du Comité de coordination du registre du commerce et des sociétés à propos de la fusion-absorption d'une société bénéficiant d'un plan de redressement (une telle opération entraînant aussi une TUP) : il considère que la fusion est possible en cours d'exécution du plan si celle-ci est prévue par le plan initial ou tel que modifié par décision judiciaire (Avis CCRCS 2015-03 du 5-2-2015).
Documents et liens associés :
Cass. com. 2-10-2024 n° 23-14.912 F-B
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