Fiche thématique
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1 décembre 2022
La location-gérance d’un fonds de commerce permet au propriétaire du fonds de le louer à un gérant qui va l’exploiter à ses risques et périls. Elle doit être distinguée d'opérations voisines qui ne sont pas soumises au même régime.

Sommaire

Qu’est-ce qu’un contrat de location-gérance ?

Nonobstant toute clause contraire, tout contrat ou convention par lequel le propriétaire ou l’exploitant d’un fonds de commerce ou d’un établissement artisanal en concède totalement ou partiellement la location à un gérant qui l’exploite à ses risques et périls est une location-gérance, soumise à un régime spécifique organisé par le code de commerce (C. com., art. L. 144-1 ).

La location-gérance d’un fonds artisanal n’est pas ici abordée.

Les principales caractéristiques de la location-gérance de fonds de commerce sont les suivantes.

La location porte sur un fonds de commerce composé notamment de la clientèle, du droit au bail, du nom commercial et de matériels. Sans clientèle, il n’y a pas de fonds de commerce ( Cass. 3e civ., 19 sept. 2006, no 05-18.365 ) et donc pas de location-gérance ( Cass. com., 13 févr. 2007, no 05-10.221  ; Cass. com., 10 févr. 2021, no 19-12.690 ).

Remarque

Exemple : la qualification de location-gérance a été écartée pour un contrat portant sur un snack-bar exploité dans l’enceinte d’un camping dès lors qu’il était accessible aux seuls clients de ce dernier et que les modalités de son fonctionnement (horaires et prestations) étaient imposées par l’exploitant du camping, de sorte que le snack-bar ne disposait d’aucune clientèle autonome ( Cass. com., 10 févr. 2021, no 19-12.690 ).

Comme son nom l’indique, la location-gérance est une location, ce qui suppose que le locataire-gérant verse un loyer déterminé appelé « redevance » (C. civ., art. 1709  ; Cass. com., 11 mai 1971, no 70-10.012 ). Toutefois, dans un cas où, en l’absence de contrat écrit, les parties n’avaient pas fixé de redevance, il a été jugé que la qualification de location-gérance peut être toutefois retenue dès lors que le fonds a été concédé « dans l’intérêt commun du propriétaire et du locataire » ( Cass. com., 23 mars 1999, no 97-15.000, no 706 P + B ).

La location-gérance est conclue en considération de la personne du locataire-gérant (contrat conclu « intuitu personae »), le loueur entendant choisir un cocontractant qui présente de réelles qualités de gestionnaire.

Cet intuitu personae justifie que le décès du locataire emporte l’extinction de la location-gérance, contrairement à ce que prévoit l’article 1742 du code civil pour le bail. Il doit en aller de même pour son incapacité.

Le locataire doit exploiter le fonds à ses risques et périls et non pas en qualité de mandataire du propriétaire du fonds ( Cass. com., 23 mars 1999, no 97-15.000, no 706 P + B ) ou de salarié de celui-ci ( Cass. soc., 19 juin 2013, no 12-17.913 ). C’est pourquoi le contrat de location-gérance est souvent appelé « gérance libre ».

Ce qui distingue la location-gérance des autres contrats

Il convient de distinguer le contrat de location-gérance des autres types de contrat.

Location-gérance et bail commercial

La location-gérance est le bail du fonds de commerce, et donc une location mobilière (Cass. com., 9 mars 1953 : D. 1954, jur., p. 323), tandis que le bail commercial est le bail des locaux où est exploité le fonds de commerce, et donc une location immobilière.

Remarque

Exemple : de cette distinction il résulte que, si un incendie survient dans les locaux où le fonds est exploité en location-gérance, le locataire-gérant qui n’est pas locataire d’un immeuble ne sera pas soumis à l’article 1733 du code civil, qui présume le locataire responsable de l’incendie survenu dans l’immeuble loué ( Cass. com., 16 juill. 1980, no 78-16.022  ; Cass. 1re civ., 25 oct. 1994, no 92-14.654 ).

Le conflit naît souvent lorsque le propriétaire du fonds est en même temps propriétaire du local. En louant le fonds, il met à disposition le local, en le soustrayant à la législation sur le bail commercial. Il faut alors qu’il n’y ait pas de doute sur l’existence du fonds de commerce loué et d’une clientèle appartenant au bailleur, afin que la location-gérance ne dissimule pas un bail commercial ( Cass. 3e civ., 10 nov. 2009, no 08-70.110 ).

Location-gérance et sous-location

Quand le propriétaire du fonds est locataire des murs, la location-gérance n’est-elle pas une sous-location des murs ? Il n’en est rien. La mise en location-gérance d’un fonds de commerce ne constitue pas une sous-location, la jouissance des locaux n’en étant que la conséquence accessoire et nécessaire ( Cass. 3e civ., 19 mars 2008, no 07-11.805, no 263 FS-P + B  ; Cass. 3e civ., 9 juill. 2003, no 02-11.141, no 899 FS-P + B ).

Toutefois, il peut être tentant de dissimuler une sous-location illicite, faite sans accord du bailleur (C. com., art. L. 145-31, al. 1), sous un contrat de location-gérance. Si aucun fonds commerce n’était véritablement exploité lors de la conclusion du contrat, ce dernier sera requalifié en sous-location des locaux ( Cass. 3e civ., 18 mai 1978, no 76-13.943  ; Cass. 3e civ., 3 déc. 2015, no 14-19.146, no 1339 FS-P + B ).

Le propriétaire du fonds doit aussi veiller à ce que le bail des murs ne lui interdise pas la mise du fonds en location-gérance. Ainsi, dans un cas où le bail obligeait le locataire à exploiter personnellement les lieux loués et lui interdisait de les prêter à des tiers en tout ou partie sous quelque prétexte que ce soit, jugé que le locataire qui avait donné son fonds de commerce en location-gérance avait commis une faute justifiant la résiliation du bail ( Cass. 3e civ., 14 nov. 1996, no 94-20.529 ). Il faut donc se méfier d’une clause ambiguë du bail pouvant être interprétée par les juges comme exigeant une exploitation personnelle du locataire, et demander le cas échéant l’accord du bailleur à la mise en location-gérance du fonds.

Location-gérance et apport en jouissance

Une confusion a eu lieu pendant un temps entre ces deux opérations pour deux raisons :

  • d’une part, l’article L. 144-10 du code de commerce dispose que « tout contrat de location-gérance ou toute autre convention comportant des clauses analogues, consenti par le propriétaire ou l’exploitant d’un fonds de commerce ne remplissant pas les conditions prévues aux articles ci-dessus, est nul ». Certains en ont déduit que, l’apport en jouissance d’un fonds de commerce à une société, comporte « des clauses analogues » à la location-gérance et doit être soumis au même régime ;
  • d’autre part, un arrêt ancien de la Cour de cassation avait assimilé l’apport en jouissance du fonds et la location-gérance (Cass. com., 6 nov. 1962, no 59-11.802).

Pourtant, il s’agit de notions très distinctes, la contrepartie de la jouissance du fonds n’étant pas la même : paiement de redevances pour le contrat de location-gérance ; attribution de parts sociales ou d’actions pour l’apport en société. La Cour de cassation refuse à présent d’assimiler les deux opérations en ce qui concerne les obligations réciproques des parties ( Cass. com., 3 déc. 1991, no 88-16.695, no 1574 P ).

Location-gérance et autres formes de gérance

La gérance d’un fonds de commerce peut être confiée à une personne en vertu d’un contrat de travail ou d’un mandat. Cette personne n’exploite pas le fonds pour son compte à ses risques et périls, contrairement au locataire-gérant.

La location-gérance se distingue aussi de la gestion d’affaires, cas dans lequel une personne, sans y être tenue, gère sciemment et utilement l’affaire d’autrui, à l’insu ou sans opposition du maître de cette affaire (C. civ., art. 1301 ). Dans l’accomplissement de sa gestion, cette personne est tenue à toutes les obligations d’un mandataire (art. précité) et la ratification de cette gestion par le maître de l’affaire vaut mandat (C. civ., art. 1301-3 ).

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