Qu’est-ce que la location-gérance ?
Le contrat de location-gérance permet au propriétaire d’un fonds de commerce ou d’un établissement artisanal de ne pas l’exploiter lui-même. Il concède à un tiers, le locataire-gérant, le droit d’exploiter le fonds librement à ses risques et périls, moyennant le paiement d’une redevance. Il ne faut pas la confondre avec le bail commercial qui, lui, est un contrat de location immobilière.
C’est un contrat d’intérêt commun et l’intérêt pour le propriétaire du fonds est d’en conserver la propriété tout en s’abstenant d’en assurer lui-même la gestion qu’il confie à ce tiers. Il maintient donc l’exploitation et perçoit un revenu au travers des redevances.
Le locataire-gérant, quant à lui, exploite le fonds pour son compte sans avoir à réaliser d’investissement lourd (acquisition des locaux, clientèle, droit au bail, etc.). S’il envisage à terme de reprendre l’entreprise, cela lui permet d’évaluer auparavant la rentabilité du fonds de commerce.
Quelles sont les conditions préalables à la conclusion du contrat ?
Pour le propriétaire du fonds de commerce
Pour pouvoir donner un fonds en gérance, le propriétaire de ce fonds devait l’avoir exploité au préalable pendant 2 ans minimum (et avant 2004, la durée exigée était de 7 ans), à peine de nullité du contrat. La loi de simplification du droit des sociétés du 19 juillet 2019 a supprimé cette condition d’exploitation préalable.
Pour le locataire-gérant
Le locataire-gérant doit avoir la qualité de commerçant, que ce soit une personne physique ou morale, et doit demander son immatriculation au RCS et au Registre national des entreprises, dans les 15 jours qui suivent le début de son activité.
Remarque
Pour avoir la qualité de commerçant, il faut être majeur et ne faire l’objet d’aucune incompatibilité (ex. : l’exercice d’une activité de fonctionnaire ou d’avocat), ni interdiction d’exercer la profession commerciale (notamment à la suite d’une faillite personnelle ou d’autres condamnations).
Le locataire-gérant doit respecter ses obligations comptables et s’engager à ne pas modifier l’activité du fonds de commerce qui lui est confié.
Comment s’exécute le contrat de location-gérance ?
Une publicité à respecter
Dans la mesure où la conclusion du contrat de location-gérance implique un changement de la personne à la tête du fonds de commerce, il faut en avertir les tiers. Lors de la conclusion et de la rupture du contrat, un avis doit être publié dans les 15 jours de sa date dans un support habilité à recevoir des annonces légales (C. com., art. R. 144-1 ). Cette publication joue un rôle important dans l’exigibilité des dettes du loueur et dans sa responsabilité solidaire des dettes du gérant : le loueur du fonds est en effet solidairement responsable des dettes contractées par le locataire-gérant, tant que le contrat de gérance n’a pas été publié.
Entre la signature du contrat de location gérance et sa publication, le loueur du fonds est solidairement responsable avec le locataire-gérant des dettes contractées par celui-ci à l’occasion de l’exploitation du fonds (C. com., art. L. 144-7 ).
Remarque
Parallèlement, le propriétaire d’un fonds de commerce est solidairement responsable avec l’exploitant (ici le locataire-gérant) des impôts directs établis à raison de l’exploitation de ce fonds jusqu’à la publication du contrat.
La durée du contrat
Le contrat de location-gérance est en pratique souvent conclu à durée déterminée, pour un an renouvelable par tacite reconduction. Le contrat peut aussi prévoir une durée indéterminée.
Quelles sont les obligations et responsabilités des parties ?
A la charge du propriétaire du fonds de commerce
Le propriétaire a une obligation de délivrance et il doit mettre les lieux à disposition du locataire (C. civ., art. 1719 ) ; il doit réaliser les éventuels travaux de conformité aux normes de sécurité et d’hygiène (les grosses réparations de l’article 605 du code civil), afin que le fonds puisse être en état de servir à l’usage pour lequel il a été loué et que le locataire puisse en jouir paisiblement.
Remarque
La crise sanitaire due à la pandémie de Covid-19 a conduit de nombreux locataires-gérants à devoir cesser temporairement leur activité. On a pu se demander si le loueur ne manquait pas à son obligation de délivrance. La Cour de cassation, en matière de baux commerciaux, a répondu par la négative.
Le loueur ne doit pas s’immiscer dans la gestion du fonds de commerce de son locataire-gérant. Mais surtout, il ne doit pas lui faire concurrence et se réinstaller dans la même zone de chalandise (clause de non-rétablissement). En revanche, le bailleur n’est pas tenu de garantir le preneur du trouble que pourraient lui apporter des tiers, y compris les concurrents.
Le locataire-gérant doit exploiter le fonds de commerce sans en modifier l’activité, c’est-à-dire conformément à sa destination : il ne peut donc pas modifier l’activité du fonds ou en adjoindre une nouvelle.
Le locataire-gérant doit exploiter le fonds de façon à éviter qu’il ne perde de sa valeur : le commerce ne doit pas péricliter et ne doit pas perdre de clientèle. Le locataire-gérant doit ainsi assurer une exploitation continue et régulière du fonds grâce à une gestion « raisonnable » (et non plus en « bon père de famille ») qui garantit la bonne exécution du contrat ; il ne doit donc rien faire qui nuise au maintien de la clientèle ou de l’achalandage.
Afin de pouvoir rendre le fonds de commerce en bon état lors de la fin du contrat, le locataire-gérant doit aussi en prendre soin et entretenir les locaux.
Le locataire-gérant doit bien sûr respecter l’ensemble des dispositions du contrat, notamment la clause de non-concurrence qui limite ses possibilités d’exploiter un fonds concurrent après la fin du contrat, et s'acquitter de la redevance prévue au contrat.
Le régime des redevances
Montant, fixation
Le locataire-gérant doit verser au propriétaire du fonds, les redevances prévues au contrat, redevances qui sont librement convenues entre les parties, et qui peuvent être fixes ou proportionnelles au chiffre d’affaires réalisé.
Le contrat peut encore prévoir une clause d’indexation, le loyer pourra alors être révisé (C. com., art. L. 144-11 ). La périodicité de leur versement peut être mensuelle ou trimestrielle.
Régime fiscal
Pour le locataire-gérant, les redevances représentent des charges déductibles de son résultat imposable. Elles sont par ailleurs soumises à la TVA.
Pour le propriétaire du fonds de commerce, les redevances sont des bénéfices d’exploitation, imposables dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux (BIC).
La fin du contrat de location-gérance
Le locataire-gérant doit restituer le fonds de commerce dans l’état où il se trouvait lors de la conclusion du contrat de location-gérance. Si le contrat était à durée déterminée, la résiliation de la location-gérance vient avec l’arrivée du terme prévu. Si le contrat était à durée indéterminée, chacune des deux parties est libre d’y mettre fin en respectant l’éventuel délai de préavis.
En ce qui concerne les contrats de travail, lorsqu’ils sont en cours à la fin du contrat de location-gérance, les contrats de travail subsistent et sont transmis au propriétaire du fonds, ce qui permet d’assurer aux salariés la stabilité de leur emploi, dès lors que l’entreprise est continuée. Le propriétaire du fonds récupère donc le fonds et avec lui les contrats de travail passés par le locataire-gérant, sauf si le fonds est devenu inexploitable au jour de sa restitution. La fin de la location-gérance rend immédiatement exigibles les dettes afférentes à l’exploitation du fonds ou de l’établissement artisanal, contractées par le locataire-gérant pendant la durée de la gérance (C. com., art. L. 144-9 ). La fin de la location-gérance nécessite, comme pour son début, l’accomplissement des formalités de publicité.
Valorisation du fonds et indemnité de plus-value
A la fin du contrat, si une perte de valeur est survenue par la faute du locataire-gérant, il devra en répondre auprès du propriétaire. Si au contraire, le fonds a pris de la valeur grâce à l’exploitant, il peut prétendre à une indemnité de plus-value. Celle-ci n’a cependant rien à voir avec l’indemnité d’éviction prévue en matière de baux commerciaux. L’indemnité de plus-value n’est notamment due que si les améliorations ont été apportées avec l’accord du propriétaire du fonds.