Cas dans lesquels l’employeur peut licencier pour inaptitude
L’employeur ne peut licencier le salarié pour inaptitude que s’il justifie :
- de son impossibilité de lui proposer un emploi de reclassement ;
- du refus du salarié de l’emploi de reclassement proposé ;
- de la mention expresse dans l’avis du médecin du travail que tout maintien du salarié dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé ou que son état de santé fait obstacle à tout reclassement dans un emploi.
Remarque
Si le licenciement vise un salarié devenu handicapé et inapte à son poste, l’employeur doit respecter la procédure de licenciement pour inaptitude ainsi que l’article L. 5213-6 du code du travail lui imposant de prendre les mesures appropriées pour permettre aux travailleurs handicapés d’accéder à un emploi ou de conserver un emploi correspondant à leur qualification, de l’exercer ou d’y progresser ou pour qu’une formation adaptée à leurs besoins leur soit dispensée. A défaut, il s’agit d’une discrimination à raison du handicap rendant nul le licenciement ( Cass. soc., 3 juin 2020, no 18-21.993 ).
Il faut respecter la procédure de licenciement « ordinaire »
Entretien préalable
L’employeur envisageant de licencier un salarié inapte doit tout d’abord le convoquer à un entretien préalable, selon les règles habituelles : convocation effectuée par LRAR ou remise en main propre contre décharge. L’entretien ne peut se tenir moins de 5 jours ouvrables après la présentation de la convocation au salarié.
Remarque
Attention ! Si, le même jour que l’examen médical au cours duquel le salarié a été déclaré inapte, l’employeur le convoque à entretien préalable, il pourra être considéré avoir manqué à son obligation de reclassement ( Cass. soc., 4 nov. 2015, no 14-11.879 ).
Durant l’entretien, l’employeur expose au salarié les éléments l’amenant à envisager un licenciement (reconnaissance de l’inaptitude, recherche ou absence de possibilités de reclassement, refus du salarié…).
Remarque
Si le salarié inapte est un représentant du personnel, il faut impérativement solliciter l’autorisation préalable de l’inspecteur du travail avant d’engager la procédure de licenciement.
Il n’est pas possible de recourir au licenciement économique pour licencier un salarié inapte. Dans ce cas, le licenciement peut être déclaré nul.
Remarque
Un employeur ayant licencié pour motif économique un salarié déclaré temporairement inapte dont le poste était supprimé a été condamné pour avoir éludé les dispositions légales protectrices du salarié ( Cass. soc., 14 déc. 2011, no 10-19.631 ). Cependant, en cas de cessation définitive de l’activité, si l’entreprise n’appartient pas à un groupe, l’employeur peut licencier pour motif économique un salarié inapte en raison de l’absence de possibilité de reclassement ( Cass. soc., 15 sept. 2021, no 19-25.613 ).
Notification du licenciement
La notification du licenciement doit en énoncer le motif. Il faut donc impérativement mentionner l’inaptitude du salarié et les motifs pour lesquels il est dans l’impossibilité de le reclasser, sauf si l’employeur a proposé au salarié, qui l’a refusé, un emploi, dans les conditions prévues par l’article L. 1226-10 du code du travail ( Cass. soc., 24 mars 2021, no 19-21.263 ). Si le médecin du travail a expressément mentionné dans l’avis d’inaptitude que maintenir le salarié dans l’emploi serait gravement préjudiciable à sa santé ou que son état de santé fait obstacle à tout reclassement dans un emploi, l’employeur doit le mentionner dans la notification.
Remarque
Il ne suffit pas d’indiquer dans la notification que le salarié est « inapte à tout poste », sans mentionner l’impossibilité de reclassement, sans quoi le licenciement peut être considéré comme sans cause réelle et sérieuse ( Cass. soc., 9 avr. 2008, no 07-40.356 ; Cass. soc., 14 déc. 2022, no 21-17.664 ). Le juge peut rechercher d’office (sans demande préalable du salarié) si la lettre de licenciement mentionne bien l’impossibilité de reclasser le salarié inapte afin de statuer sur la validité du licenciement ( Cass. soc., 14 déc. 2022, no 21-19.112 ). Si le motif de licenciement indiqué dans la notification n’est pas assez précis, l’employeur peut le préciser, de sa propre initiative ou à la demande du salarié. Les modalités de cette « procédure » de précision sont fixées à l’article R. 1232-13 du code du travail. En l’absence de demande de précision par le salarié, l’insuffisance de motivation ne privera plus à elle seule le licenciement de cause réelle et sérieuse et ouvrira droit à une indemnité maximale d’un mois de salaire (C. trav., art. L. 1235-2 ). A noter qu’il existe des modèles types de lettres de licenciement, y compris en matière d’inaptitude ( D. no 2017-1820, 29 déc. 2017 : JO, 30 déc.).
La notification ne doit pas être envoyée moins de 2 jours ouvrables après la date de l’entretien (mais il n’y a pas de délai maximal), si possible par LRAR, la date de rupture étant fixée à sa date d’envoi. Si le licenciement intervient plus d’un mois après l’avis d’inaptitude, sa notification interrompt le versement des salaires par l’employeur ( Cass. soc., 23 mars 2011, no 10-10.896 ). Le salarié doit être rémunéré jusqu’à la réception de la lettre de licenciement. L’employeur ne peut cesser de verser le salaire à compter de son envoi mais seulement à la date de première présentation de la lettre par La Poste. Le salarié inapte continue d’être rémunéré tant qu’il n’a pas pris connaissance de la rupture de son contrat de travail ( Cass. soc., 12 déc. 2018, no 17-20.801 ).
Remarque
S’il semble logique de licencier le salarié inapte avant que le délai d’un mois avant reprise du versement du salaire ne soit écoulé, ce n’est pas une obligation. Il a déjà été jugé qu’un employeur n’avait commis aucun manquement en ne reclassant ni en ne licenciant le salarié plus d’un an après la visite médicale ayant constaté l’inaptitude, dès lors qu’il avait bien repris le versement des salaires au terme du délai d’un mois et poursuivi ses recherches de reclassement ( Cass. soc., 1er févr. 2017, no 15-14.852 ).
Indemnités de préavis
Il faut distinguer selon l’origine de l’inaptitude :
- inaptitude non professionnelle : le contrat de travail est rompu à la date de notification du licenciement et ne comporte pas de préavis. Le salarié ne perçoit donc pas l’indemnité afférente ;
- inaptitude professionnelle : le montant de l’indemnité est égal à celui de l’indemnité légale de préavis, l’employeur n’est en effet tenu qu’au paiement du montant légal et non du montant conventionnel ( Cass. soc., 26 janv. 2011, no 09-68.544 ). Elle n’a pas la nature d’une indemnité compensatrice de préavis : le contrat est bien rompu à la date de la notification du licenciement et elle n’ouvre pas droit à l’indemnité de congés payés sur préavis ( Cass. soc., 15 juin 1999, no 97-15.328 ; Cass. soc., 6 juill. 2022, no 21-11.271 ). Elle est assujettie à cotisations. Cette indemnité est calculée sur la base du salaire moyen (salaire de base, avantages en nature, indemnités et gratifications) que le salarié aurait perçu sur les 3 derniers mois s’il avait continué à travailler sur le poste occupé avant l’accident du travail ou la maladie professionnelle.
Indemnité de licenciement
Indemnité de licenciement en cas d’inaptitude d’origine non professionnelle
Si l’inaptitude est non professionnelle, l’indemnité légale (ou conventionnelle si plus favorable) est due au salarié. Bien que le contrat soit rompu à la date de notification, la durée théorique du préavis est prise en compte pour la calculer. Une clause conventionnelle excluant les salariés inaptes du bénéfice d’une indemnité conventionnelle plus favorable que l’indemnité légale est nulle car discriminatoire ( Cass. soc., 8 oct. 2014, no 13-11.789 ; Cass. soc., 9 déc. 2020, no 19-17.092 ). L’indemnité légale de licenciement est égale à 1/4 de mois de salaire par année d’ancienneté les 10 premières années et à 1/3 de mois de salaire par année d’ancienneté à partir de 10 ans d’ancienneté (C. trav., art. R. 1234-2 ).
Indemnité spéciale en cas d’inaptitude d’origine professionnelle
Le salarié a droit à une indemnité spéciale de licenciement égale, sauf dispositions conventionnelles plus favorables, au double de l’indemnité légale. Si l’indemnité conventionnelle est supérieure au double de l’indemnité légale, elle est versée à la place de l’indemnité spéciale. L’indemnité doublée est égale à 1/2 mois de salaire par année d’ancienneté les 10 premières années et à 2/3 de mois de salaire/année d’ancienneté au-delà. Elle est calculée sur la base du salaire moyen (salaire, avantages en nature, indemnités et gratifications) que le salarié aurait perçu sur les 3 derniers mois s’il avait continué à travailler sur le poste occupé avant l’AT ou la MP.
Remarque
Cette indemnité ne peut être versée au salarié licencié après un avis d’aptitude avec réserves ( Cass. soc., 28 avr. 2011, no 09-68.134 ). En revanche, elle peut être due même si la CPAM ne reconnaît pas de lien de causalité entre l’accident du travail et l’inaptitude ( Cass. soc., 3 juill. 2019, no 18-16.718 ). Elle est également due même si une résiliation judiciaire du contrat est prononcée à la suite et aboutit à un licenciement nul ( Cass. soc., 15 sept. 2021, no 19-24.498 ).
Possibilité de conclure une rupture conventionnelle
Un salarié déclaré inapte par le médecin du travail peut, sauf fraude ou de vice du consentement, conclure une rupture conventionnelle avec son employeur ( Cass. soc., 9 mai 2019, no 17-28.767 ). Il peut aussi le faire s’il a été déclaré apte avec réserves, sauf à démontrer que son consentement n’était pas libre et éclairé ou que l’employeur a contourné son obligation de le réintégrer dans le même emploi ou dans un emploi similaire ( Cass. soc., 28 mai 2014, no 12-28.082 ). L’employeur ne peut pas, en revanche, demander la résiliation judiciaire du contrat de travail d’un salarié déclaré inapte.