Cas dans lesquels l’employeur peut licencier pour inaptitude
L’employeur ne peut licencier le salarié pour inaptitude que s’il justifie :
- de son impossibilité de lui proposer un emploi de reclassement ;
- du refus du salarié de l’emploi de reclassement proposé ;
- de la mention expresse dans l’avis du médecin du travail que tout maintien du salarié dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé ou que son état de santé fait obstacle à tout reclassement dans un emploi.
Remarque
Pour un salarié devenu handicapé et inapte à son poste, l’employeur doit respecter la procédure de licenciement pour inaptitude et l’article L. 5213-6 du code du travail lui imposant de prendre les mesures appropriées pour permettre aux travailleurs handicapés d’accéder à un emploi ou d’en conserver un correspondant à leur qualification, de l’exercer ou d’y progresser ou pour qu’une formation adaptée à leurs besoins leur soit dispensée. A défaut, il s’agit d’une discrimination à raison du handicap rendant le licenciement nul ( Cass. soc., 3 juin 2020, no 18-21.993 ).
Attention : lorsqu’un salarié est déclaré inapte, l’employeur ne peut le licencier pour un motif autre que l’inaptitude, même s’il a précédemment engagé une procédure de licenciement pour une autre cause ( Cass. soc., 8 févr. 2023, no 21-16.258, no 107 FS-B ). En revanche, il peut licencier pour motif disciplinaire un salarié inapte qui, par son comportement, l’empêche de s’acquitter de son obligation de reclassement ( Cass. soc., 22 juin 2011, no 10-30.415 ; Cass. soc., 16 mars 2016, no 14-21.304 ). Lorsque le salarié faisant obstacle au reclassement est un salarié protégé, l’inspecteur du travail peut, postérieurement à l’avis d’inaptitude, autoriser un licenciement pour motif disciplinaire ( CE, 12 avr. 2023, no 458974 ).
Il faut respecter la procédure de licenciement « ordinaire »
Entretien préalable
L’employeur envisageant de licencier un salarié inapte doit tout d’abord le convoquer à un entretien préalable, selon les règles habituelles : convocation effectuée par LRAR ou remise en main propre contre décharge. L’entretien ne peut se tenir moins de 5 jours ouvrables après la présentation de la convocation au salarié.
Remarque
Attention ! Si, le même jour que l’examen médical au cours duquel le salarié a été déclaré inapte, l’employeur le convoque à entretien préalable, il pourra être considéré avoir manqué à son obligation de reclassement ( Cass. soc., 4 nov. 2015, no 14-11.879 ).
Durant l’entretien, l’employeur expose au salarié les éléments l’amenant à envisager un licenciement (reconnaissance de l’inaptitude, recherche ou absence de possibilités de reclassement, refus du salarié…).
Remarque
Si le salarié inapte est un représentant du personnel, il faut impérativement solliciter l’autorisation préalable de l’inspecteur du travail avant d’engager la procédure de licenciement.
Le licenciement économique d’un salarié inapte peut être déclaré nul.
Remarque
Un employeur ayant licencié pour motif économique un salarié déclaré temporairement inapte dont le poste était supprimé a été condamné pour avoir éludé les dispositions légales protectrices du salarié ( Cass. soc., 14 déc. 2011, no 10-19.631 ). Cependant, en cas de cessation définitive de l’activité, si l’entreprise n’appartient pas à un groupe, l’employeur peut licencier pour motif économique un salarié inapte en raison de l’absence de possibilité de reclassement ( Cass. soc., 15 sept. 2021, no 19-25.613 ).
Notification du licenciement
La notification du licenciement doit en énoncer le motif : elle doit mentionner l’inaptitude du salarié et les raisons pour lesquelles l’employeur est dans l’impossibilité de le reclasser, sauf s’il a proposé un poste au salarié, qui l’a refusé ( Cass. soc., 24 mars 2021, no 19-21.263 ). Si le médecin du travail a expressément mentionné dans l’avis d’inaptitude que maintenir le salarié dans l’emploi serait gravement préjudiciable à sa santé ou que son état de santé fait obstacle à tout reclassement dans un emploi, il faut le mentionner dans la notification.
Remarque
La notification doit indiquer que le salarié est « inapte à tout poste » et mentionner l’impossibilité de reclassement, sans quoi le licenciement peut être considéré comme sans cause réelle et sérieuse ( Cass. soc., 9 avr. 2008, no 07-40.356 ; Cass. soc., 14 déc. 2022, no 21-17.664 ). Le juge peut rechercher d’office si la lettre de licenciement mentionne bien l’impossibilité de reclassement pour statuer sur la validité du licenciement ( Cass. soc., 14 déc. 2022, no 21-19.112 ). Si le motif indiqué dans la notification n’est pas assez précis, l’employeur peut le préciser, de sa propre initiative ou à la demande du salarié (C. trav., art. R. 1232-13 ). Si celui-ci ne le demande pas, l’insuffisance de motivation ne prive pas à elle seule le licenciement de cause réelle et sérieuse et ouvre droit à une indemnité maximale d’un mois de salaire (C. trav., art. L. 1235-2 ). Des modèles types de lettres de licenciement existent, y compris en matière d’inaptitude ( D. no 2017-1820, 29 déc. 2017 : JO, 30 déc.).
La notification ne doit pas être envoyée moins de 2 jours ouvrables après la date de l’entretien (mais il n’y a pas de délai maximal), si possible par LRAR, la date de rupture étant fixée à sa date d’envoi. Si le licenciement intervient plus d’un mois après l’avis d’inaptitude, sa notification interrompt le versement des salaires par l’employeur ( Cass. soc., 23 mars 2011, no 10-10.896 ). Le salarié doit être rémunéré jusqu’à la réception de la lettre de licenciement. L’employeur ne peut cesser de verser le salaire à compter de son envoi mais seulement à la date de première présentation de la lettre par La Poste. Le salarié inapte continue d’être rémunéré tant qu’il n’est pas informé de la rupture de son contrat de travail ( Cass. soc., 12 déc. 2018, no 17-20.801 ).
Remarque
Il n’est pas obligatoire de licencier le salarié inapte avant que le délai d’un mois avant reprise du versement du salaire ne soit écoulé. Un employeur ne commet aucun manquement en ne reclassant ni en ne licenciant le salarié plus d’un an après la visite médicale ayant constaté l’inaptitude, dès lors qu’il avait bien repris le versement des salaires au terme du délai d’un mois et poursuivi ses recherches de reclassement ( Cass. soc., 1er févr. 2017, no 15-14.852 ).
Indemnité de préavis
Si l’inaptitude est non professionnelle, le contrat est rompu à la date de notification du licenciement et ne comporte pas de préavis. Le salarié ne perçoit pas l’indemnité afférente ( Cass. soc., 5 juill. 2023, no 21-25.797, no 783 FS-B ), sauf si la convention collective le prévoit explicitement ( Cass. soc., 2 oct. 2024, no 23-12.702, no 961 FS-B ). Si l’inaptitude est professionnelle, l’indemnité est égale à l’indemnité légale de préavis, l’employeur n’est pas tenu au montant conventionnel ( Cass. soc., 26 janv. 2011, no 09-68.544 ; Cass. soc., 21 juin 2023, no 22-11.489 ). Elle n’a pas la nature d’une indemnité compensatrice de préavis : le contrat est bien rompu à la date de la notification du licenciement et elle n’ouvre pas droit à l’indemnité de congés payés sur préavis ( Cass. soc., 15 juin 1999, no 97-15.328 ; Cass. soc., 6 juill. 2022, no 21-11.271 ; Cass. soc., 29 mars 2023, no 21-21.211 ; Cass. soc., 7 févr. 2024, no 22-15.988 ). Elle est assujettie à cotisations et calculée sur la base du salaire moyen (salaire de base, avantages en nature, indemnités et gratifications) que le salarié aurait perçu sur les 3 derniers mois s’il avait continué à travailler sur le poste occupé avant l’AT/MP.
Indemnité de licenciement
Indemnité de licenciement en cas d’inaptitude d’origine non professionnelle
Si l’inaptitude est non professionnelle, l’indemnité légale (ou conventionnelle si plus favorable) est due au salarié. Bien que le contrat soit rompu à la date de notification, la durée théorique du préavis est prise en compte pour la calculer. Une clause conventionnelle excluant les salariés inaptes du bénéfice d’une indemnité conventionnelle plus favorable est nulle ( Cass. soc., 8 oct. 2014, no 13-11.789 ; Cass. soc., 9 déc. 2020, no 19-17.092 ). L’indemnité légale est égale à 1/4 de mois de salaire par année d’ancienneté les 10 premières années et à 1/3 de mois de salaire par année d’ancienneté dès 10 ans d’ancienneté (C. trav., art. R. 1234-2 ).
Indemnité spéciale en cas d’inaptitude d’origine professionnelle
Le salarié a droit à une indemnité spéciale de licenciement égale, sauf dispositions conventionnelles plus favorables, au double de l’indemnité légale. L’indemnité doublée est égale à 1/2 mois de salaire par année d’ancienneté les 10 premières années et à 2/3 de mois de salaire/année d’ancienneté au-delà. Elle est calculée sur la base du salaire moyen (salaire, avantages en nature, indemnités et gratifications) que le salarié aurait perçu sur les 3 derniers mois s’il avait continué à travailler avant l’AT ou la MP.
Remarque
Elle n’est pas due au salarié licencié après un avis d’aptitude avec réserves ( Cass. soc., 28 avr. 2011, no 09-68.134 ). Elle peut être due même si la CPAM ne reconnaît pas de lien de causalité entre l’AT et l’inaptitude ( Cass. soc., 3 juill. 2019, no 18-16.718 ) ou si le contrat est résilié judiciairement et aboutit à un licenciement nul ( Cass. soc., 15 sept. 2021, no 19-24.498 ). Elle est due en cas d’inaptitude partiellement d’origine professionnelle connue de l’employeur au moment du licenciement ( Cass. soc., 7 mai 2024, no 22-10.905, no 454 F-B ). L’AT/MP reconnu par la CPAM par une décision non remise en cause s’impose au juge prud’homal auquel il revient alors de se prononcer sur le lien de causalité entre cet AT/MP et l’inaptitude et sur la connaissance par l’employeur de l’origine professionnelle de l’AT/MP ( Cass. soc., 18 sept. 2024, no 22-22.782, no 888 F-B ).
Possibilité de conclure une rupture conventionnelle
Un salarié déclaré inapte par le médecin du travail peut, sauf fraude ou de vice du consentement, conclure une rupture conventionnelle avec son employeur ( Cass. soc., 9 mai 2019, no 17-28.767 ). Il peut aussi le faire s’il a été déclaré apte avec réserves, sauf à démontrer que son consentement n’était pas libre et éclairé ou que l’employeur a contourné son obligation de le réintégrer dans le même emploi ou dans un emploi similaire ( Cass. soc., 28 mai 2014, no 12-28.082 ).