Fiche thématique
4 min de lecture
7 août 2023
L'insuffisance professionnelle désigne l'incapacité du salarié, sans lien avec l'aptitude physique au travail, à remplir les fonctions ou les tâches qui lui sont confiées par l'employeur. Elle constitue un motif personnel de licenciement.

Sommaire

Quand l'insuffisance professionnelle peut-elle justifier un licenciement ?

Notion d'insuffisance professionnelle. L'insuffisance professionnelle se caractérise par le fait que le salarié n'est pas en mesure d'exécuter sa prestation de travail dans des conditions que l'employeur peut légitimement attendre en application du contrat de travail. Cette notion couvre une grande variété de situations et s'étend à la notion d'insuffisance de résultats. Son régime a été déterminé par la jurisprudence.

Motif spécifique de licenciement. L'insuffisance professionnelle est un motif spécifique de licenciement. Emportant une évaluation sur les capacités professionnelles, elle constitue un motif personnel de licenciement.

Elle ne constitue cependant pas un motif disciplinaire de licenciement, en absence d'une faute invoquée par l'employeur. Le salarié a en conséquence droit à la fois au respect du préavis et au bénéfice des indemnités de licenciement.

Caractère objectif de l'insuffisance professionnelle. Le licenciement pour insuffisance professionnelle doit reposer sur des éléments objectifs. L'appréciation de l'insuffisance professionnelle relève en principe du seul pouvoir de l'employeur mais doit reposer sur des griefs vérifiables et précis que le juge contrôle.

Contrôle judiciaire du licenciement pour insuffisance professionnelle

L'appréciation de l'insuffisance professionnelle relève du pouvoir de direction de l'employeur. Afin de limiter les décisions arbitraires et subjectives, la Cour de cassation a imposé certains contrôles de la décision patronale de licenciement.

Contrôle du caractère objectif de la reconnaissance de l'insuffisance professionnelle. L'appréciation de l'employeur porte ici sur les compétences du salarié et sa faculté à accomplir le travail. Aussi, l'employeur devra démontrer l'objectivité des motifs de sa décision qui devra reposer sur des faits précis et vérifiables (Soc. 7 févr. 1980).

Si l'employeur est juge des qualités du salarié, il ne pourra, par exemple, procéder au licenciement d'un salarié dont il connaissait les limites des compétences et dont il n'avait aucune raison sérieuse de se séparer (Soc. 10 oct. 1984), ni même au licenciement d'un salarié ayant commis quelques erreurs dans la période suivant l'adoption de nouveaux logiciels (Soc. 21 oct. 1998), ni enfin au licenciement d'un salarié ayant commis des erreurs mais occupé à des tâches ne correspondant pas à sa qualification et étrangères à l'activité pour laquelle il avait été embauché (Soc. 2 févr. 1999). À l'inverse, peut être licencié le salarié qui ne présente pas les qualités d'organisation requises pour la fonction de chef de service (Soc. 2 févr. 1978), celui qui se rend coupable d'erreurs répétées (Soc. 4 avr. 1979)…

Le juge doit donc prendre en compte divers indices pour contrôler le motif d'insuffisance professionnelle. Afin de contrôler l'objectivité du motif, le juge prend en considération l'absence ou l'existence de reproches formulés au salarié, sa carrière (promotions, rétrogradations), sa qualification professionnelle, l'évolution de son emploi et des tâches qui y ont trait, son ancienneté…

Le motif tiré de l'insuffisance professionnelle « constitue un motif matériellement vérifiable qui peut être précisé et discuté devant les juges du fond » (Soc. 23 mai 2000). Cette formule indique en réalité que la seule mention de l'insuffisance professionnelle ne suffit pas à priver le licenciement de cause réelle et sérieuse, l'employeur pouvant étayer et discuter du motif au moment de l'instance.

Responsabilité de l'employeur dans l'inadaptation professionnelle du salarié. Par ailleurs, l'employeur qui licencie un salarié pour insuffisance professionnelle doit avoir respecté son obligation d'adaptation du salarié à l'évolution de son poste de travail (C. trav., art. L. 6321-1), aussi le licenciement pour insuffisance professionnelle est injustifié s'il apparaît que les erreurs du salarié sont directement imputables à un manque de formation.

Le contrôle du motif de licenciement engage le juge à contrôler non seulement l'objectivité et la réalité du motif tiré de l'insuffisance professionnelle, mais aussi la cohérence de la démarche de l'employeur. L'insuffisance professionnelle entretient, à ce titre, des liens forts avec l'évaluation du salarié : il sera d'autant plus difficile pour l'employeur de relever une insuffisance professionnelle si les entretiens d'évaluation ne font pas état de problèmes ou si, ayant connu la faiblesse du salarié, il avait décidé de le confirmer à son poste après une période d'essai, par exemple.

Distinction entre licenciement pour insuffisance professionnelle et licenciement pour insuffisance de résultats

On distingue en général l'insuffisance professionnelle, appréciée de façon qualitative, et l'insuffisance de résultats, appréciée de façon quantitative, le salarié n'étant en ce cas pas parvenu à atteindre les objectifs chiffrés qu'il est tenu d'atteindre.

Cause non autonome de licenciement. L'utilisation de ce motif de licenciement a toutefois été considérablement réduite, la Cour de cassation considérant que la seule insuffisance de résultats n'était pas en soi une cause réelle et sérieuse de licenciement (Soc. 14 nov. 2000, no 98-42.371 P).

Ainsi, la cause réelle et sérieuse de licenciement n'est constituée que si l'employeur démontre que l'insuffisance des résultats est liée au comportement du salarié, qu'il y a eu faute ou carence de sa part. L'insuffisance de résultat agit comme un révélateur d'un autre motif de licenciement. L'employeur devra donc démontrer que la non-réalisation des objectifs est due, par exemple, à une activité insuffisante ou à des négligences du salarié.

Par ailleurs, les clauses de résultats (clauses d'objectifs ou clauses résolutoires) sont inopérantes. En effet, les clauses prévoyant que la non-réalisation des objectifs fixés constitue une cause réelle et sérieuse de licenciement ne privent pas les juges de leur pouvoir d'appréciation de la cause réelle et sérieuse de licenciement (Soc. 14 nov. 2000, préc.). Dans l'hypothèse d'une clause de résultats ou d'objectifs et d'une insuffisance de résultats motivant un licenciement, les juges contrôlent le caractère réalisable ou non de l'objectif prévu, celui devant être nécessairement raisonnable et compatible avec le marché ainsi que la non-atteinte des objectifs est imputable au salarié.

Licenciement pour insuffisance professionnelle : procédure et indemnités de licenciement

Dans la mesure où l'insuffisance ne constitue pas une faute, le licenciement doit respecter la procédure de licenciement pour motif personnel non disciplinaire (v. Fiche « Licenciement pour motif personnel (Procédure) »).

Le salarié aura droit aux indemnités légales ou conventionnelles de licenciement. Le bénéfice des indemnités conventionnelles de licenciement nécessite toutefois que la convention collective n'exclut pas expressément le motif d'insuffisance professionnelle.

Enfin le salarié pourra bénéficier des allocations de chômage.

Changements importants sur l’acquisition des congés payés en cas de maladie ou d'accident

Une véritable révolution jurisprudentielle : tout arrêt de travail pour maladie ou accident ouvre droit à congés, la prescription ne court pas si l’employeur est défaillant et les congés non pris avant un congé parental sont conservés. Modification du régime des congés payés : découvrez gratuitement l’analyse de notre rédaction dans Navis Social.

Aller plus loin
Navis Social - La plateforme de référence en matière sociale
Un fonds documentaire pour une maîtrise totale et sans faille de l’information juridique
à partir de 267,42 € HT/mois

Navis Social - La plateforme de référence en matière sociale
Questions fréquemment posées

Qu’est-ce que l’insuffisance professionnelle ?  

L'insuffisance professionnelle se définit comme l’incapacité objective, durable et involontaire d’un salarié à exécuter de façon satisfaisante des tâches correspondant à sa qualification professionnelle. Elle se caractérise par une mauvaise qualité du travail fourni par le salarié, résultant soit d’une incompétence professionnelle, soit d'une inadaptation à son emploi ou à l'évolution de celui-ci. Elle ne se confond pas nécessairement avec une insuffisance de résultats et doit être distinguée de la faute professionnelle justifiant un licenciement disciplinaire. Dès lors qu’elle est établie, l’insuffisance professionnelle peut constituer une cause réelle et sérieuse de licenciement.  

Quelle est la différence entre l’insuffisance professionnelle et l’insuffisance de résultats ?  

L'insuffisance professionnelle ne recoupe pas nécessairement l'insuffisance de résultats qui se définit comme la non-réalisation par le salarié des objectifs qui lui ont été assignés, lesquels doivent être quantifiables et réalistes. L'insuffisance de résultats peut résulter d'une insuffisance professionnelle, mais aussi d'un comportement fautif. 

Les dernières actualités dans ce thème
CSP : peut-on informer le salarié sur le motif de rupture par un compte-rendu de réunion de CSE ?
Droit social
Rupture du contrat de travail
CSP : peut-on informer le salarié sur le motif de rupture par un compte-rendu de réunion de CSE ?
2 oct. 2024