Depuis la loi du 13 juillet 1973, le juge est appelé non seulement à sanctionner les abus dans la résiliation du contrat de travail par l'employeur, mais à contrôler la réalité et le sérieux des motifs invoqués par l'employeur à l'appui de la rupture du contrat de travail. Il revient en conséquence à l'employeur de justifier tout licenciement, qu'il soit prononcé pour un motif personnel ou pour un motif économique, par une cause réelle et sérieuse, et au juge de contrôler le motif ainsi invoqué.
Cause licite et cause réelle et sérieuse. En premier lieu, un licenciement, ne peut être fondé que sur une cause licite. Un employeur ne pourrait fonder un licenciement sur une cause illicite, comme un des motifs discriminatoires prohibés par le code du travail. De même lorsque la loi restreint les facultés de licencier dans certaines situations ou pour certaines catégories de salariés, l'employeur ne peut fonder le licenciement sur une cause autre que celles strictement énumérées (victimes d'accident du travail ou de maladies professionnelles, femmes enceintes, exercice d'un droit ou d'une liberté fondamentale…).
Caractérisation de la cause réelle et sérieuse de licenciement
Absence de définition légale ou jurisprudentielle
Tout licenciement pour motif personnel est motivé et justifié par une cause réelle et sérieuse (C. trav., art. L. 1232-1). Le code du travail ne définit pas cette notion, dont la signification a été dégagée par la jurisprudence.
La réalité de la cause du licenciement
La cause du licenciement n'est réelle qu'à la stricte condition d'être existante, exacte et objective.
Une cause existante. L'employeur est tenu de fonder le licenciement sur des faits existants. Cette condition explique que le licenciement sera sans cause réelle et sérieuse si un licenciement est fondé sur un motif donnant lieu à des poursuites pénales et que le salarié concerné est relaxé au pénal par une décision devenue définitive. Les juges ne peuvent méconnaître l'autorité du pénal sur le civil, si le juge pénal considère que la matérialité des faits reprochés est non établie, le conseil de prud'hommes n'a d'autre choix que de déclarer le licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Une cause exacte. Le motif invoqué dans la lettre de licenciement doit être le motif exact de licenciement. L'exigence d'une cause réelle permet de rechercher le véritable motif de licenciement lorsqu'il est différent de celui allégué par l'employeur. Sont ainsi, irrégulier par exemple, un licenciement pour motif personnel qui masque un licenciement pour motif économique ou un licenciement pour motif économique qui s'explique en réalité par l'âge du salarié. Le juge a l'obligation de vérifier la cause exacte du licenciement.
Une cause objective. La Cour de cassation considère que le licenciement pour une cause inhérente à la personne du salarié doit être fondé sur des éléments objectifs imputables à ce salarié. C'est pourquoi un licenciement motivé par une perte de confiance, sur le seul risque d'un conflit d'intérêts ou des soupçons, ne constitue pas une cause réelle et sérieuse.
Le sérieux de la cause du licenciement
Les justifications admises
Définition de la cause sérieuse. Le licenciement a une cause sérieuse si le motif qui en est à l'origine revêt un caractère de gravité suffisant pour rendre impossible la poursuite du contrat de travail. Disciplinaires ou non, les griefs reprochés au salarié sont sérieux si la poursuite de l'exécution du contrat de travail se révèle préjudiciable à l'entreprise.
C'est ainsi que l'insuffisance professionnelle est susceptible de constituer une cause réelle et sérieuse de licenciement. Il en va de même de l'insuffisance de résultats, mais à condition que les objectifs présentent un caractère raisonnable, réaliste et qu'ils soient imputables au salarié. La mésentente entre un salarié et tout ou partie du personnel peut encore constituer une telle cause.
Enfin, le licenciement prononcé pour un motif économique doit lui aussi être justifié par une cause réelle et sérieuse (C. trav., art. L. 1233-2). En ce cas, le juge doit non seulement contrôler que le licenciement répond aux conditions exigées pour que le licenciement soit qualifié de licenciement pour motif économique (C. trav., art. L. 1233-3), mais encore qu'il soit fondé sur une situation économique suffisamment grave pour justifier un licenciement.
Les justifications rejetées
En principe, il ne peut être procédé au licenciement d'un salarié pour une cause tirée de sa vie privée. Il en est autrement lorsque le comportement de l'intéressé, compte tenu de ses fonctions et de la finalité propre de l'entreprise, a créé un trouble caractérisé au sein de cette dernière ou que le fait tiré de la vie privée du salarié caractérise une obligation découlant du contrat de travail, telle l'obligation de sécurité ou de loyauté.
La date d'appréciation de la cause réelle et sérieuse
Les juges doivent se placer à la date du licenciement pour apprécier le caractère réel et sérieux de celui-ci.
Le contrôle judiciaire de la cause réelle et sérieuse de licenciement
Le contrôle des juges du fond
Le juge est le seul à qui il appartient d'apprécier le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur à l'appui du licenciement (C. trav., art. L. 1235-1). Ainsi, aucune clause du contrat de travail ou d'une convention collective ne peut valablement décider qu'une circonstance quelconque constituera une cause de licenciement et ainsi priver le juge des pouvoirs qu'il tient de l'article L. 1235-1 du code du travail. Elles peuvent, en revanche, limiter le droit de licencier de l'employeur aux causes qu'elles énumèrent, ce dont il résulte qu'un licenciement pour d'autres causes en dehors des prévisions de ces stipulations est sans cause réelle et sérieuse.
La lettre d'énonciation des motifs du licenciement fixe les limites du litige. Il incombe ainsi aux juges du fond d'examiner l'ensemble des griefs invoqués dans la lettre de licenciement et de rechercher, au-delà de ces énonciations, la véritable cause du licenciement. Depuis l'ordonnance no 2017-1387 du 22 septembre 2017, l'employeur peut, à son initiative ou à la demande du salarié, apporter des précisions sur la motivation du licenciement après la notification de la lettre (C. trav., art. L. 1235-2).
Le contrôle de la Cour de cassation
La Cour de cassation refuse de contrôler l'existence d'une cause réelle et sérieuse. Elle laisse les juges du fond libres d'exercer le pouvoir qu'ils tiennent des dispositions de l'article L. 1235-1 du code du travail. Elle vérifie toutefois que la décision ainsi prise est motivée. Elle se réserve également le droit de veiller au respect des principes qu'elle considère comme fondamentaux, posant ainsi des standards s'imposant aux juges du fond, comme le respect de la vie privée des salariés ou le caractère objectif des motifs pouvant constituer une cause réelle et sérieuse de licenciement.
Preuve de la cause réelle et sérieuse de licenciement
Charge de la preuve
Le juge forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties. Il ordonne, au besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles (C. trav., art. L. 1235-1). Il en ressort que la charge de la preuve de la cause réelle et sérieuse du licenciement n'incombe pas particulièrement à l'une ou l'autre partie.
Risque de la preuve
Si un doute subsiste, il profite au salarié (C. trav., art. L. 1235-1, dern. al.).
Recevabilité de la preuve illicite ou obtenue de manière déloyale
En matière prud'homale, la preuve est libre.
Traditionnellement, le principe de licéité de la preuve conduisait le juge civil (à la différence du juge pénal) à écarter des débats les procédés de preuve illicites ou obtenus de manière déloyale. Ainsi, l'employeur ne pouvait valablement produire devant le conseil de prud'hommes des éléments de preuve obtenus à l'insu des salariés ou portant atteinte à leurs droits fondamentaux.
Mais ce principe de loyauté probatoire doit également s'articuler avec la reconnaissance du droit à la preuve fondésur les articles 6 et 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 9 du code civil et 9 du code de procédure civile. Aussi, une preuve illicite ou obtenue de manière déloyale n'est plus nécessairement écartée des débats. Depuis un revirement du 22 décembre 2023 (Cass., ass. plén., 22 déc. 2023, no 20-20.648 et no 21-11.330), le juge doit, lorsque cela lui est demandé, apprécier si une telle preuve porte une atteinte au caractère équitable de la procédure dans son ensemble, en mettant en balance le droit à la preuve et les droits antinomiques en présence, le droit à la < preuve > pouvant justifier la production d'éléments portant atteinte à d'autres droits à condition que cette production soit indispensable à son exercice et que l'atteinte soit strictement proportionnée au but poursuivi.
De la même manière, le salarié est en mesure d'appréhender des documents de l'entreprise, dont il a eu connaissance à l'occasion de ses fonctions, mais à condition que leur production soit strictement nécessaire à l'exercice de sa défense dans la procédure prud'homale qu'il a engagée.