Impossible de licencier pour maladie
La maladie, l’état de santé ou le handicap du salarié ne sont pas des causes de licenciement. Même déguisé, le licenciement fondé sur la maladie est discriminatoire et donc nul. L’employeur s’expose à des indemnités de rupture, des dommages et intérêts et à rembourser à France Travail (ex-Pôle emploi) tout ou partie des indemnités de chômage payées à tort (C. trav., art. L. 1235-4 ), voire à réintégrer le salarié si celui-ci le souhaite.
Remarque
En cas de litige, le juge recherche toujours la véritable cause du licenciement. Même si celui-ci semble motivé par les perturbations créées par les absences du salarié, sa nullité sera prononcée si le juge conclut à un licenciement fondé sur la maladie ( Cass. soc., 16 déc. 2010, no 09-43.074 ).
Licencier pour absence prolongée ou absences répétées
Plusieurs conditions cumulatives
En l’absence de clause de garantie d’emploi et si aucune procédure d’inaptitude n’est enclenchée ( Cass. soc., 5 déc. 2012, no 11-17.913 ), licencier un salarié en arrêt maladie est possible si son absence prolongée (ou ses absences répétées) perturbe le bon fonctionnement de l’entreprise et nécessite de le remplacer de manière définitive. Ces deux conditions sont cumulatives, à peine de nullité ( Cass. soc., 16 juill. 1998, no 97-43.484 ; Cass. soc., 13 mars 2001, no 99-40.110 ; Cass. soc., 5 mai 2009, no 07-45.713 ).
Remarque
Si l’absence du salarié est due à un cas de harcèlement, l’employeur ne peut pas le licencier, même si cette absence désorganise son entreprise et rend son remplacement inévitable ( Cass. soc., 11 oct. 2006, no 04-48.314 ; Cass. soc., 30 janv. 2019, no 17-31.473 ). Même chose si les problèmes de santé du salarié ont une cause professionnelle (épuisement professionnel par exemple). On considère que l’employeur a manqué à son obligation de sécurité de résultat, même si le salarié ne l’a pas alerté de ses difficultés professionnelles ( Cass. soc., 13 mars 2013, no 11-22.082 ).
L’absence prolongée ou les absences répétées doivent désorganiser l’entreprise, ce qui s’apprécie au cas par cas selon la taille de l’entreprise, la nature de son activité, sa situation géographique et/ou la qualification et les fonctions du salarié absent.
Remarque
Par exemple, une absence prolongée ou des absences répétées d’un salarié perturbent gravement une entreprise à effectif réduit ayant des délais d’exécution du travail très courts ( Cass. soc., 22 juin 1983, no 81-40.816 ; Cass. soc., 23 sept. 2003, no 01-44.159 ). En revanche, l’absence d’un salarié peu qualifié n’est pas vraiment perturbante s’il est facile de le remplacer ( Cass. soc., 19 déc. 1991, no 91-40.966 ). Remplacer un salarié très qualifié ou occupant des fonctions nécessitant une formation lourde étant plus délicat, la désorganisation est caractérisée ( Cass. soc., 6 févr. 2008, no 06-45.762 ). Il y a aussi une perturbation si la situation géographique de l’entreprise l’empêche de procéder à des remplacements temporaires en CDD ( Cass. soc., 15 févr. 2006, no 05-43.047 ).
La seule désorganisation du service de rattachement ne suffit pas à justifier le licenciement ( Cass. soc., 6 juill. 2022, no 21-10.261 ), sauf s’il s’agit d’un service essentiel de l’entreprise, susceptible de la désorganiser tout entière. La désorganisation doit rendre indispensable le remplacement définitif du salarié ; la simple gêne dans la gestion du service ne suffit pas. La nécessité du remplacement définitif est appréciée au cas par cas par les juges. Si la désorganisation d’un service essentiel n’est pas établie, le licenciement pourra être jugé abusif et le salarié pourra prétendre aux indemnités afférentes, y compris à l’indemnité compensatrice de préavis même si, du fait de son arrêt de travail pour maladie, il était dans l’incapacité de l’effectuer ( Cass. soc., 17 nov. 2021, no 20-14.848 ). Une fois le contrat rompu, le remplacement définitif doit être effectif : le salarié absent doit être remplacé par un nouveau salarié embauché en CDI ( Cass. soc., 5 juin 2001, no 99-42.574 ), pas en CDD ( Cass. soc., 7 avr. 2009, no 08-40.073 ), ni par un prestataire externe ( Cass. ass. plén., 22 avr. 2011, no 09-43.334 ), ni par un remplacement en interne ( Cass. soc., 3 juill. 1990, no 87-41.957 ), sauf si celui-ci a conduit l’employeur à embaucher en CDI pour remplacer le salarié promu en interne ( Cass. soc., 31 oct. 2006, no 05-42.206 ; Cass. soc., 15 janv. 2014, no 12-21.179 ). Ce recrutement doit être fait par la société qui employait le salarié licencié, pas par une autre appartenant au même groupe ( Cass. soc., 25 janv. 2012, no 10-26.502 ).
Remarque
L’employeur doit s’assurer que la durée du travail du salarié nouvellement recruté est équivalente à celle du salarié définitivement remplacé ( Cass. soc., 6 févr. 2008, no 06-44.389 ).
Ce remplacement définitif n’est pas forcément immédiat mais doit intervenir dans un délai proche du licenciement du salarié absent ( Cass. soc., 26 janv. 2011, no 09-71.907 ; Cass. soc., 15 févr. 2011, no 09-42.580 ), laissé à l’appréciation des juges ( Cass. soc., 10 nov. 2004, no 02-45.156 ), qui tiennent compte des spécificités de l’entreprise et de l’emploi concerné, ainsi que des démarches faites par l’employeur en vue d’un recrutement ( Cass. soc., 24 mars 2021, no 19-13.188 ). Ce délai est calculé à la date de notification du licenciement ( Cass. soc., 28 oct. 2009, no 08-44.241 ). Le remplacement ne doit pas non plus intervenir à une date très antérieure au licenciement ( Cass. soc., 16 sept. 2009, no 08-41.879 ).
La procédure à suivre
Avant de le licencier, l’employeur doit convoquer le salarié absent à un entretien préalable, ce qui peut s’avérer compliqué s’il est en arrêt de travail. Concrètement, dans ce cas :
- soit il est autorisé à sortir quelques heures par jour (se référer à son avis d’arrêt de travail) et l’employeur doit alors fixer l’entretien pendant ces heures ;
- soit il n’est pas autorisé à sortir et l’employeur doit alors lui indiquer la possibilité de se faire représenter et de communiquer ensuite ses observations ;
- soit il répond que son état de santé ne lui permet pas de s’y rendre et l’employeur doit lui indiquer par LRAR les motifs pour lesquels il envisage de le licencier et recueillir ses observations par écrit dans un délai raisonnable.
Si le salarié est arrêté après l’envoi de la convocation et que l’entretien est fixé hors des heures de sortie autorisées, l’employeur doit lui indiquer par écrit la possibilité de se faire représenter et de communiquer ensuite, toujours par écrit, ses observations.
Une fois l’entretien et le délai de prévenance passés, l’employeur notifie par écrit le licenciement au salarié. Il doit indiquer que le licenciement est lié à son absence prolongée ou ses absences répétées et préciser en quoi cela perturbe le bon fonctionnement et nécessite son remplacement définitif.
Remarque
Le préavis est ou non rémunéré selon que l’état de santé du salarié lui permet ou non de travailler pendant cette période. Le salarié a aussi droit à une indemnité de licenciement (légale ou conventionnelle, selon le cas). Toutefois, si le licenciement est contesté par la suite et déclaré sans cause réelle et sérieuse, l’indemnité compensatrice de préavis et les congés payés correspondants sont dus au salarié, qu’il ait été en arrêt maladie ou pas au moment du préavis ( Cass. soc., 25 mai 2022, no 20-19.018 ).
Licencier pour inaptitude
Si, suite à la visite médicale de reprise, le médecin du travail déclare le salarié inapte à tout emploi dans l’entreprise, l’employeur doit tenter de le reclasser sur un poste approprié à ses capacités avant d’envisager son licenciement. Ce n’est qu’une fois l’impossibilité de reclasser établie qu’il peut envisager son licenciement.
Possibilité de licencier pour faute ou pour motif économique
La maladie ne prémunit pas le salarié contre un licenciement motivé par une autre cause, telle qu’une faute ou un motif économique. Un licenciement pour faute peut être envisagé si la faute invoquée par l’employeur n’est pas la maladie du salarié. Cette faute peut être due à l’absence de justification médicale, à la non-reprise du travail à la date prévue par l’arrêt de travail ou à la commission d’un acte déloyal. Dans ce cas, l’employeur doit respecter la procédure disciplinaire.
Remarque
En l’absence de visite médicale de reprise organisée par l’employeur, le contrat est toujours suspendu, de sorte que l’employeur ne peut reprocher son absence au salarié ( Cass. soc., 8 janv. 2003, no 01-40.388, no 39 F-P ; Cass. soc., 1er juin 2023, no 21-24.269 ).
Un licenciement pour motif économique est également possible. La procédure à suivre dépend du nombre de salariés dont le licenciement est envisagé pour ce motif.
Attention aux clauses conventionnelles de garantie d’emploi
Bon nombre de conventions collectives prévoient l’interdiction de licencier un salarié en congé maladie pendant une certaine durée (certaines incluent les absences répétées, d’autres non). Sont uniquement concernées par cette interdiction la ou les circonstance(s) de licenciement visée(s) par la clause ( Cass. soc., 8 févr. 2023, no 21-16.805, no 112 FS-B ). C’est ce que l’on appelle les clauses de garantie d’emploi. L’employeur, soumis à une telle disposition conventionnelle, doit la respecter, sous peine de devoir verser au salarié les salaires restant dus jusqu’au terme de la période garantie ( Cass. soc., 14 févr. 2024, no 20-20.601 ). Ce n’est qu’à l’issue de cette période qu’il retrouve sa liberté de licencier ; sous réserve, bien évidemment, d’une désorganisation de l’entreprise suite à l’absence du salarié, qui l’oblige à pourvoir à son remplacement définitif ( Cass. soc., 25 juin 1987, no 84-44.206 ; Cass. soc., 29 juin 2011, no 10-11.052 ; Cass. soc., 18 déc. 2019, no 18-18.864 ).