Fiche thématique
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15 juillet 2024
La modification du salaire ne peut, en principe, intervenir qu'avec l'accord du salarié, le salaire constituant un élément essentiel du contrat de travail sur lequel employeur et salarié se sont entendus au moment de l'embauche. Cependant, les décisions prises par l'employeur dans l'intérêt de l'entreprise peuvent avoir des conséquences directes ou indirectes sur le salaire. Plusieurs questions se posent alors. L'employeur peut-il modifier la rémunération contractuelle ? Dans quels cas ? A quelles conditions ? Quelles en sont les conséquences sur la relation de travail ? Décryptage.

Sommaire

La rémunération résulte en principe du contrat de travail, sous réserve du respect, d'une part du Smic et, d'autre part, des avantages résultant de l'application d'un accord collectif, d'un usage ou d'un engagement unilatéral de l'employeur (Cass. soc. 20-10-1998 n° 95-44.290 P). Le droit du salarié au maintien de sa rémunération varie en fonction de la nature des éléments, contractuels ou non, qui la composent.

Pas de modification unilatérale du salaire

La rémunération contractuelle ne peut pas être modifiée, ni dans son montant ni dans sa structure, sans l'accord du salarié (Cass. soc. 3-3-1998 n° 95-43.274 PB). Ce principe vaut naturellement dans l'hypothèse d'une baisse, même minime, de la rémunération, mais également si le nouveau mode de rémunération est plus avantageux (Cass. soc. 5-5-2010 n° 07-45.409 FS-PB) ou si la modification ne porte que sur la partie variable du salaire (Cass. soc. 8-1-2002 n° 99-44.467 FS-P) et ne réduit pas la rémunération globale de l'intéressé (Cass. soc. 18-5-2011 n° 09-69.175 FS-PB).

Ainsi, l'accord du salarié est indispensable pour lui attribuer des stock-options au lieu du versement d'une partie de la rémunération variable (Cass. soc. 29-6-2011 n° 09-67.492 FP-PB) ou pour supprimer cette partie variable dans le cadre d'une promotion assortie d'une augmentation de la partie fixe du salaire (Cass. soc. 8-6-2016 n° 15-10.116 F-D).

Une clause du contrat de travail ne peut pas non plus autoriser par avance l'employeur à modifier unilatéralement la rémunération du salarié. Une telle clause est dépourvue d'effet.

Quelle modification ?

Seuls les éléments contractualisés exigent l'accord du salarié...

La règle selon laquelle l'accord du salarié est requis avant toute modification de sa rémunération vaut pour le salaire de base mais également pour tous les éléments qui composent la rémunération et qui ont été contractualisés (primes, commissions, majorations notamment).

À l'inverse, lorsqu'un élément de rémunération résulte exclusivement d'un accord collectif, d'un usage ou d'un engagement unilatéral à durée indéterminée de l'employeur, il peut être modifié ou supprimé sans l'accord du salarié, sous réserve de la dénonciation régulière de l'accord collectif, de l'usage ou de l'engagement unilatéral.

Précisions

La recherche de l'accord des salariés lors de la suppression d'un avantage résultant d'un usage ou d'un engagement unilatéral de l'employeur ne confère pas à cet avantage un caractère contractuel. En revanche, la demande d'accord du salarié lors de la mise en place d'un nouveau système de rémunération contractualise celui-ci ; l'employeur ne peut donc pas ensuite supprimer unilatéralement les primes créées à cette occasion.

... y compris en cas de modification indirecte du salaire, sauf exception

L'employeur doit aussi obtenir l'accord du salarié s'il veut modifier un aspect de la relation de travail qui relève en principe de son pouvoir de direction, mais peut avoir un impact sur le montant de la rémunération. Ainsi jugé à propos d'un changement d'attributions (Cass. soc. 6-12-2007 n° 05-45.502 F-D), de la modification d'une zone de prospection d'un commercial (Cass. soc. 10-4-2013 n° 12-10.193 F-D) ou de la mutation en application d'une clause de mobilité modifiant la part variable du salaire.

En revanche, la suppression d'une prime liée à une tâche ayant disparu à la suite d'une nouvelle affectation, décidée par l'employeur dans l'exercice de son pouvoir de direction, ne constitue pas une modification du contrat. Il en est de même de la réduction d'une heure de travail de nuit avec suppression de la majoration conventionnelle correspondante, si la durée globale de travail n'est pas modifiée (Cass. soc. 30-5-2012 n° 11-10.087 F-D), de la baisse de rémunération résultant de la réduction des sujétions consécutive à l'acceptation par le salarié d'un nouveau poste (Cass. soc. 16-10-2019 n° 17-18.446 F-D) ou de la suppression de l'avantage logement au salarié n'en remplissant plus les conditions réglementaires d'attribution (Cass. soc. 29-1-2020 n° 17-27.597 F-D).

Quid de la modification de la partie variable de la rémunération ?

Fixation des objectifs

Dans le cadre de son pouvoir de direction, l'employeur peut définir unilatéralement les objectifs d'un salarié, par exemple dans le cadre de plans annuels de rémunération variable. Dans ce cas, il peut donc les modifier sous réserve que lesdits objectifs soient réalistes et réalisables et qu'ils aient été portés à la connaissance du salarié en début d'exercice. Dès lors que ces conditions sont satisfaites, malgré l'impact de cette modification sur la rémunération variable, l'accord du salarié n'est pas requis (Cass. soc. 2-3-2011 n° 08-44.977 FS-PB).

En revanche, si ces objectifs sont inscrits dans le contrat de travail ou dans un avenant, l'employeur ne pourra les modifier qu'avec l'accord du salarié.

En présence d'une clause de variation du salaire

Si une clause du contrat ne peut pas autoriser l'employeur à modifier unilatéralement le salaire contractuel, en revanche le contrat de travail peut contenir une clause de variabilité de la rémunération dans le temps. Une telle clause est licite si elle est fondée sur des éléments objectifs indépendants de la volonté de l'employeur (chiffre d'affaires, pourcentage des ventes, etc.), ne fait pas porter le risque de l'entreprise sur le salarié et n'a pas pour effet de réduire la rémunération en dessous des minima légaux et conventionnels (Cass. soc. 2-7-2002 n° 00-13.111 FS-P). Lorsqu'une clause répond à ces critères, l'employeur n'a pas à solliciter l'accord du salarié pour l'appliquer.

Quelle est l'incidence des accords collectifs sur le salaire contractuel ?

Principe

Sauf disposition légale contraire, une convention collective ou un accord collectif ne peut pas permettre à l'employeur de procéder à la modification unilatérale du contrat de travail, sans recueillir l'accord exprès du salarié (Cass. soc. 10-2-2016 n° 14-26.147 FS-PB ; Cass. soc. 15-9-2021 n° 19-15.732 FS-B).

Lorsqu'elles concernent un élément de rémunération identique à celui prévu au contrat, seules les dispositions nouvelles d'une convention ou d'un accord collectif plus favorables se substituent de plein droit aux clauses du contrat (Cass. soc. 17-1-2001 n° 98-42.310 FS-PB). Si tel n'est pas le cas, elles ne peuvent pas être unilatéralement imposées au salarié : l'employeur qui entend mettre en oeuvre ces nouvelles dispositions doit respecter la procédure de modification du contrat.

Ainsi, lorsque, à la suite d'un nouvel accord collectif sur les salaires, l'employeur souhaite modifier la structure de certaines rémunérations (intégration d'une prime contractuelle dans le salaire de base par exemple), l'accord du salarié est requis même si au final le salaire de base résultant du nouvel accord collectif est identique, voire supérieur à la rémunération totale qu'il percevait auparavant.

Un nouvel accord collectif, même s'il prévoit une garantie de maintien de salaire, ne permet pas à l'employeur de diminuer unilatéralement le taux horaire contractuel du salaire (Cass. soc. 3-7-2001 n° 99-40.641 FS-PB).

De même, une prime conventionnelle ne peut pas être intégrée dans la rémunération contractuelle du salarié sans son accord (Cass. soc. 23-10-2001 n° 99-43.153 FS-P).

Attention

Seule la rémunération d'origine purement conventionnelle peut être modifiée par un nouvel accord collectif et s'imposer au salarié sans son accord (Cass. soc. 16-12-2003 n° 02-43.786 F-D).

En cas d'accord de performance collective

Par exception, les dispositions d'un accord de performance collective aménageant la rémunération (soit le salaire et ses accessoires), y compris à la baisse, se substituent de plein droit aux clauses contraires et incompatibles du contrat de travail, sous réserve toutefois du respect du Smic et des minima hiérarchiques conventionnels. Le salarié peut refuser la modification de sa rémunération telle qu'elle résulte de l'application de l'accord. Dans ce cas, l'employeur peut engager à son encontre une procédure de licenciement pour ce motif spécifique qui constitue une cause réelle et sérieuse (C. trav. art. L 2254-2).

Quid de la baisse du salaire pour raisons économiques ?

Certaines circonstances exceptionnelles (difficultés économiques liées à une baisse des commandes ou du chiffre d'affaires ou à des pertes d'exploitation, mutations technologiques, réorganisation de l'entreprise ou cessation d'activité) auxquelles l'employeur est confronté peuvent justifier une baisse du salaire. L'employeur doit en faire la proposition au salarié par lettre recommandée avec avis de réception. Le salarié dispose alors d'un mois (15 jours si l'entreprise est en redressement ou en liquidation judiciaire) pour faire connaître son refus. A défaut de réponse dans ce délai, le salarié est réputé avoir accepté la modification proposée (C. trav. art. L 1222-6). Le refus du salarié de diminuer son salaire peut entraîner son licenciement pour motif économique.

Quelle procédure pour modifier le salaire ?

L'employeur qui envisage de modifier la rémunération du salarié doit en informer ce dernier. Sauf en cas de modification pour un motif économique (voir encadré), cette information n'est soumise à aucune condition de forme. Il est simplement tenu de laisser à l'intéressé un délai suffisant (15 jours selon l'administration) pour faire connaître son acceptation ou son refus. Étant précisé que l'accord du salarié doit être exprès. Autrement dit, son silence ou la seule poursuite du contrat aux nouvelles conditions ne vaut pas consentement de sa part.

Le salarié est en droit de refuser la proposition de modification du montant, du mode ou de la structure de sa rémunération. Dans ce cas, l'employeur dispose d'une option : poursuivre le contrat aux conditions initiales ou prendre l'initiative d'un licenciement (Cass. soc. 26-6-2001 n° 99-42.489 FS-P). Dans cette seconde hypothèse, la procédure à respecter sera différente selon que la modification envisagée l'a été pour un motif économique (voir encadré) ou personnel. La lettre de licenciement doit indiquer les raisons ayant conduit l'employeur a décider la modification et le fait que le licenciement intervient à la suite du refus du salarié de voir son contrat modifié.

Si l'employeur impose la modification, le salarié peut exiger la poursuite du contrat aux conditions antérieures. La modification du contrat imposée au salarié justifie la résiliation judiciaire du contrat de travail ou une prise d'acte de la rupture aux torts de l'employeur lorsqu'elle est de nature à empêcher la poursuite du contrat de travail, ce qu'il appartient aux juges du fond de déterminer au cas par cas.

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Questions fréquemment posées

L’employeur peut-il baisser unilatéralement la rémunération contractuelle du salarié ?

Non. La rémunération est un élément essentiel du contrat de travail qui ne peut être modifié qu’avec l’accord exprès du salarié. L’employeur ne peut donc pas modifier unilatéralement le salaire contractuel, qu’il s’agisse du salaire de base ou de tous les éléments qui composent la rémunération et qui ont été contractualisés (primes, commissions, majorations etc.). Si, en pratique, rien n’interdit à l’employeur de proposer une diminution de salaire, en raison par exemple d’une réduction de l’activité de l’entreprise, le salarié est en droit de la refuser.

En tout état de cause, la modification du contrat, même agréée par le salarié, ne peut avoir pour effet de ramener sa rémunération en dessous du Smic ou du minimum conventionnel.

A quelles conditions une clause de variation du salaire est-elle licite ?

Si le contrat de travail ne peut pas autoriser l’employeur à modifier unilatéralement le salaire contractuel, en revanche, il peut contenir une clause de variabilité de la rémunération dans le temps. Pour qu’une telle clause soit licite, et que sa mise en œuvre ne requiert pas l’accord du salarié, trois conditions doivent être réunies : être fondée sur des éléments objectifs indépendants de la volonté de l’employeur (chiffre d’affaires, pourcentage des ventes, etc.), ne pas faire porter le risque de l’entreprise sur le salarié et ne pas avoir pour effet de réduire la rémunération en dessous des minima légaux et conventionnels.

Une prime peut-elle être intégrée au salaire de base ?

La structure de la rémunération est un élément contractuel qui ne peut être modifié sans l’accord du salarié, peu important que le nouveau mode de rémunération soit sans effet sur le montant global de celle-ci, voire plus avantageux. Ainsi, l’intégration au salaire de base d’une prime d’ancienneté ou de la prime de pause par exemple constitue une modification du mode de rémunération nécessitant l’accord du salarié.

Ce principe s’applique également dans le cadre d’une prime de nature conventionnelle Celle-ci ne saurait être intégrée dans la rémunération contractuelle du salarié, sans son accord.

Le remplacement d’un élément de rémunération par un autre constitue-t-il une modification du contrat de travail ?

Oui. Constitue notamment une modification de la structure de la rémunération nécessitant l’accord du salarié le remplacement d’un logement de fonction par une majoration du salaire de 10 %, l’attribution de stock-options au lieu du versement d’une partie de la rémunération variable ou bien encore la suppression de cette partie variable dans le cadre d’une promotion assortie d’une augmentation de la partie fixe du salaire.

La suppression d’un avantage salarial issu d’un usage ou d’un engagement unilatéral de l’employeur est-elle possible ?

Oui. Dès lors qu’il n’a pas été contractualisé, un élément de rémunération (prime, majoration, etc.) résultant exclusivement d’un usage ou d’un engagement unilatéral à durée indéterminée de l’employeur peut être modifié ou supprimé sans l’accord du salarié, sous réserve de la dénonciation régulière de l’usage ou de l’engagement unilatéral en question. L’employeur doit informer les représentants du personnel et les salariés concernés dans un délai suffisant pour permettre une éventuelle négociation sur les avantages remis en cause. Le salarié ne peut alors s’opposer à la suppression de son avantage salarial.

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