Différence entre rémunération et salaire. Le salaire est traditionnellement défini comme la contrepartie du travail fourni et trouve sa cause dans le contrat de travail. La rémunération est une notion plus globale qui inclut toutes les sommes liées à l'accomplissement d'un travail pour le bénéfice d'autrui c'est à dire le salaire de base, les compléments de salaire et tous les avantages liés à l'appartenance à une entreprise et à la condition de salarié.
Le salaire, ainsi entendu de manière étroite, permet de déterminer l'assiette des indemnités de rupture du contrat de travail, l'indemnité de congés payés, l'assiette du salaire minimum légal ainsi que du salaire minimum conventionnel en l'absence de précisions par l'accord collectif en cause.
La rémunération, dans son acception la plus large, est retenue pour s'assurer que l'égalité est assurée entre hommes et femmes (C. trav., art. L. 3221-2 s.), et par extension entre tous les salariés de l'entreprise, ou que ceux-ci ne subissent pas de discrimination en la matière (C. trav., art. L. 1132-1). Elle sert encore à déterminer l'assiette des créances soumises à privilèges et bénéficiant de l'assurance de garantie des salaires. Dans ces hypothèses, il est tenu compte, non plus seulement des avantages qui sont la contrepartie du travail, mais encore de ceux qui sont octroyés eu égard à la seule qualité de salarié ou de critères détachés de l'accomplissement du travail.
Le contrat de travail étant un contrat à titre onéreux, la rémunération se distingue ainsi de toutes les sommes ayant une fonction indemnitaire ou destinées à rembourser le salarié pour des frais dont la charge revient à l'employeur, comme les frais professionnels. Pour la même raison, elle se distingue également de toutes les sommes et avantages que le salarié percevrait non en sa qualité de salarié, mais eu égard aux liens, d'amitié ou familiaux, qui l'unissent à son employeur.
Une nouvelle politique européenne des salaires. La directive (UE) 2022/2041 du 19 octobre 2023 relative à des salaires minimaux adéquats dans l'Union européenne établit un « cadre » en vue du « caractère adéquat des salaires minimaux légaux dans le but d'obtenir des conditions de vie et de travail décentes » (art. 1er), de promouvoir la négociation collective et d'améliorer l'accès effectif des travailleurs aux droits à la protection offerte par des salaires minimaux. L'objet du texte n'est pas de créer un « droit à » un salaire minimum à chaque travailleur mais plutôt d'amorcer une ébauche du droit de la négociation collective dans les États membres. Cette directive très procédurale devra être transposée dans les droits des États membres au plus tard le 15 novembre 2024. Elle n'empêche pas les États membres d'adopter ou de maintenir des dispositions nationales plus favorables et le principe de non-régression s'applique à la transposition de la directive.
La directive 2023/970 du 10 mai 2023 visant à renforcer l'application du principe d'égalité des rémunérations entre les femmes et les hommes pour un même travail ou pour un travail de même valeur par la transparence des rémunérations et les mécanismes d'exécution est parue au JOUE du 17 mai et devra être transposée d'ici le 7 juin 2026. Elle s'applique aux employeurs des secteurs public et privé ainsi qu'à tous les travailleurs au sens du droit de l'Union. La mesure principale, qui entrera en vigueur progressivement en fonction de la taille de l'entreprise (seules y échappent les entreprises de moins de 100 salariés, sauf disposition nationale contraire) consiste en l'introduction d'une nouvelle obligation pour les employeurs de produire un rapport sur les données relatives à l'écart de rémunération entre les femmes et les hommes y compris sur ses composantes variables ou complémentaires. Ce dispositif est complété par une évaluation conjointe qui doit être réalisée avec les représentants des salariés lorsque le rapport révèle une différence du niveau moyen de rémunération d'au moins 5 % entre les hommes et les femmes pour toutes les catégories de travailleurs et que l'employeur n'a pas justifié de cette différence. Par ailleurs, la directive rend obligatoire des structures de rémunération garantissant l'égalité des rémunérations pour un même travail ou de même valeur et l'utilisation de systèmes non sexistes d'évaluation et de classifications des emplois, reposant sur les « compétences, les efforts, les responsabilités et les conditions de travail ainsi que, s'il y a lieu, sur tout autre facteur pertinent pour l'emploi ou le poste concerné ». La directive consacre en outre, quelle que soit la taille de l'entreprise, des droits individuels à l'information directement invocables et introduit un renversement de la charge de la preuve dès lors que l'employeur n'a pas mis en place ses obligations. Enfin, le texte interdit les clauses contractuelles qui empêchent les salariés de divulguer leur rémunération aux fins de l'application du principe d'égalité de rémunération et intègre le concept de discrimination intersectionnelle couvrant les discriminations fondées simultanément sur le sexe et sur un ou plusieurs motifs de discrimination prohibés.
Les éléments constitutifs du salaire
Salaire de base
Le salaire de base ne fait l'objet d'aucune définition juridique. L'expression est utilisée pour désigner la rémunération stable du salarié, censée représenter la contrepartie directe de son travail. Le salaire de base est généralement celui qui sera utilisé comme référence au calcul de primes et de majorations diverses. Il est fixé d'avance au moins dans sa nature et dans son mode de calcul.
Le salaire de base est exprimé en salaire brut, sauf disposition expresse contraire.
Compléments et accessoires de salaires
Primes et gratifications
Les sommes versées sous la forme de complément du salaire de base répondent à des dénominations diverses et trouvent leur cause :
• dans des sujétions particulières (prime de pénibilité, prime de salubrité, prime d'expatriation, prime de panier de nuit, prime de déplacement…) ;
• dans des pratiques qui relèvent davantage de politique de gestion des salariés (prime d'objectif, prime de rendement, prime de production...) ;
• dans la survenance d'un événement personnel (prime de mariage, prime de naissance, prime de déménagement…) ;
• dans des comportements du salarié (prime d'ancienneté, prime d'assiduité…).
Caractère obligatoire. Quelle que soit leur dénomination, le versement des primes est obligatoire pour l'employeur lorsqu'elles résultent d'un accord collectif, du contrat de travail, d'un usage ou d'un engagement unilatéral de l'employeur.
Caractère facultatif. Certaines primes sont dites « bénévoles » car leur versement et leur montant dépendent librement de l'employeur : il s'agit alors de prime facultative. Ainsi, une gratification même versée régulièrement n'est pas un élément de salaire lorsque son montant est fixé discrétionnairement par l'employeur et varie d'une année à l'autre, d'un salarié à l'autre sans que cette variation découle d'une règle préétablie.
Prime de partage de la valeur (PPV). Un dispositif de prime dit de partage de la valeur a été mis en place par l'art. 1er de la loi no 2022-1158 du 16 août 2022 qui pérennise un ancien dispositif de prime exceptionnelle de pouvoir d'achat (PEPA) créé en 2018 et reconduit en 2020 et 2021. Cette PPV permet à l'employeur - à compte du 1er juillet 2022 - de verser au salarié une prime exonérée de charges sociales et fscales, sous conditions. Le montant de la prime exonérée est plafonné à 3 000 € par année civile et par bénéficiaire, mais peut être porté à 6 000 € pour les entreprises ayant signé un accord d'intéressement et/ou les entreprises de moins de 50 salariés ayant signé un accord de participation.
La décision de mettre en place une PPV, son montant, sa modulation et l'éligbilité des salariés doit faire l'objet soir d'un accord d'entreprise, soit d'une décision unilatérale de l'employeur.
Cette prime, destinée à augmenter le pouvoir d'achat des salariés , vient à s'ajouter à la rémunération habituelle des salariés. Elle ne peut en aucun cas se substituer à cette rémunération ou à une autre prime.
Avantages en nature
La rémunération peut, en outre, consister dans l'octroi d'avantages en nature (not. C. trav., art. L. 3221-3 et D. 3231-8 s.), comme la mise à disposition gratuite d'un logement, d'un véhicule automobile, d'un matériel informatique ou encore l'attribution gratuite d'actions.
Le salaire peut être intégralement constitué par des avantages en nature à la condition que leur valeur soit au moins égale au Smic ou au salaire minimum conventionnel.
Les avantages en nature doivent faire l'objet d'une évaluation apparente sur le bulletin de salaire. Cette valeur des avantages en nature est généralement fixée par la convention collective ou le contrat de travail, ou par la loi (nourriture et logement pour les salariés payés au Smic).
Le titre-restaurant est un avantage en nature. Ces titres sont mis en place de façon facultative et permettent la prise en charge partielle par l'employeur des frais de repas des salariés. « Compte tenu de sa nature et de son objet, le titre-restaurant ne saurait être assimilé à une prime ou une gratification » (Soc. 14 févr. 1995, no 95-43.963). Le titre-restaurant entre dans la rémunération du salarié.
Pourboires
Les pourboires sont des sommes versées par la clientèle pour le service. Ils sont soit remis directement au salarié, soit perçus par l'employeur qui doit alors les répartir entre les salariés en contact avec la clientèle (C. trav., art. L. 3244-1). Les pourboires s'ajoutent au salaire de base, à moins que l'employeur ne démontre qu'il garantit un salaire minimum.
Frais professionnels
Les frais professionnels sont les charges engagées par le salarié inhérentes à son activité professionnelle. Il s'agit de toutes les dépenses réalisées pour remplir sa mission : frais de transport, frais de déplacement, frais de télétravail, frais d'habillage… Ces frais exposés par le salarié doivent être remboursés par l'employeur ; ils ne peuvent être imputés sur la rémunération.
Il existe deux types de modalités de remboursement des frais professionnels : le remboursement forfaitaire et le remboursement sur les dépenses réelles engagées.
La fixation du salaire
Principe
En principe, employeur et salarié sont libres de déterminer le montant et les formes prises par la rémunération dans le contrat de travail. Cette liberté s'étend aux conventions et accords collectifs de travail. De manière subsidiaire, l'employeur peut procéder à la détermination de la rémunération par un engagement unilatéral ou un usage.
Limites
Mais la règle supporte plusieurs limites. D'abord, doit être respecté un principe d'égalité, initialement appliqué entre hommes et femmes (C. trav., art. L. 3221-2), puis progressivement étendu à tous salariés accomplissant un travail égal et enfin au titre d'un principe, plus général, d'égalité de traitement dans la rémunération. Doivent, ensuite, être respectés le salaire minimum fixé par loi et, s'il existe, celui fixé par la convention collective, souvent par catégories de salariés. La loi détermine, en effet, un salaire minimum interprofessionnel de croissance (Smic), dont l'évolution repose sur l'évolution d'indices fixés par décret (C. trav., art. L. 3231-1 s., art. R.* 3231-1 s.) et sur lequel repose le calcul de la rémunération mensuelle minimale du salarié effectuant un travail correspondant à la durée légale hebdomadaire (C. trav., art. L. 3232-1 s.). Enfin, la rémunération ne peut être librement modifiée qu'avec l'accord des parties qui ont participé à sa détermination. Ainsi, l'employeur ne peut modifier unilatéralement la rémunération contractuelle. En revanche, si la norme collective est valablement dénoncée ou révisée, la rémunération peut être modifiée ou supprimée. Cependant, si celle-ci résulte exclusivement d'un accord collectif, la dénonciation entraîne le maintien de la rémunération antérieure (v. C. trav., art. L. 2261-13). Si elle résulte exclusivement d'un engagement unilatéral ou d'un usage, la dénonciation ne permet pas à l'employeur de la fixer unilatéralement.
Le paiement du salaire
Mensualisation
Aux termes de l'article L. 3242-1 du code du travail, le principe est que la rémunération des salariés est mensuelle et indépendante, pour un horaire de travail effectif déterminé, du nombre de jours travaillés dans le mois. Le paiement de la rémunération par tous les employeurs de droit privé doit être effectué une fois par mois pour tous les salariés, sauf exception (salariés travaillant à domicile, salariés saisonniers, salariés intermittents et aux salariés temporaires).
Pour les salariés travaillant 35 heures par semaine, la rémunération mensuelle forfaitaire est établie sur la base de 35 × 52 / 12 = 151,666 heures, arrondie à 151 heures et 67 centièmes.
Si la mensualisation consiste donc à payer un salaire identique chaque mois quel que soit le nombre de jours dans le mois, en cas d'heures supplémentaires, ce salaire sera majoré. De la même manière, la mensualisation ne s'oppose pas aux réductions légitimes de salaire, proportionnelles à la durée de l'absence du salarié (jours de grève, absences non rémunérées...).
Avances et acomptes sur le salaire
L'acompte sur salaire s'analyse en un paiement anticipé d'un travail déjà exécuté alors que l'avance sur salaire s'analyse en un prêt d'argent sur un travail non encore effectué.
L'acompte est la part du salaire mensuel versée par anticipation. L'article L. 3242-1, alinéa 3, prévoit ainsi qu'un acompte correspondant, pour une quinzaine, à la moitié de la rémunération mensuelle est versé aux salariés qui en font la demande. Tous les salariés mensualisés peuvent en bénéficier sans avoir besoin de justifier la demande. Un acompte devra aussi être versé aux salariés non mensualisés payés deux fois par mois ou aux salariés payés à la pièce dont l'exécution du travail dure plus d'une quinzaine. Le montant de l'acompte correspond donc, en principe, à la rémunération acquise à la date de la demande. L'acompte n'étant qu'une modalité de paiement du salaire, il donne lieu à cotisations de sécurité sociale au taux en vigueur au jour du versement.
L'avance qui s'analyse en un prêt d'argent sur un travail non encore effectué, l'employeur n'est alors pas tenu de l'accorder. S'il le fait, il ne peut ensuite se rembourser que par retenue à hauteur du dixième du montant des salaires exigibles (C. trav., art. L. 3251-3).
L'avance n'étant pas un salaire mais un prêt, elle ne supporte pas de cotisations sociales au moment où elle est versée.
La protection du salaire
Protection contre l'employeur
Une première série de règles tendent à protéger le salarié contre les décisions prises par l'employeur qui auraient pour objet ou pour effet de diminuer la rémunération à laquelle le salarié a droit. Ainsi, l'employeur ne peut opérer une retenue sur salaire pour compenser sa dette avec celle que le salarié lui devrait pour fournitures diverses (C. trav., art. L. 3251-1), sauf lorsque la dette du salarié porte sur les outils et instruments nécessaires au travail, sur des matières ou matériaux dont le salarié a la charge et l'usage ou sur les sommes avancées pour l'acquisition de ces mêmes objets (C. trav., art. L. 3251-2). La retenue sur salaire est encore admise lorsque l'employeur a concédé au salarié une avance sur salaire, mais elle ne peut excéder le dixième du montant des salaires exigibles (C. trav., art. L. 3251-3). Il est, enfin, interdit à l'employeur d'obliger ses salariés à dépenser tout ou partie de leur rémunération dans des magasins, dits économats, lui appartenant et destiné à la vente de denrées ou marchandises (C. trav., art. L. 3254-1 s.).
Une seconde série de règles tendent à protéger le salarié contre l'insolvabilité de l'employeur. Les salariés bénéficient de privilèges pour garantir le paiement des créances de rémunération : un privilège général portant sur les biens mobiliers et immobiliers de l'employeur (C. trav., art. L. 3253-1; C. civ., art. 2331, 4°, et 2375, 2°) et un privilège spécifique, dit superprivilège, qui garantit le paiement des créances de rémunération dans des limites de temps et de montant donnés lorsqu'une procédure collective est ouverte à l'encontre de l'employeur (C. trav., art. L. 3253-2 s. et D. 3253-1). Dans cette dernière hypothèse, le salarié bénéficie, par ailleurs, d'une assurance contre le risque de non-paiement des sommes qui lui sont dues en exécution du contrat de travail, dont la rémunération (C. trav., art. L. 3253-6 et L. 3253-8). L'institution chargée de la gestion de cette assurance avance, dans certaines limites (C. trav., art. D. 3253-5), la rémunération due au salarié par l'employeur (C. trav., art. L. 3253-15).
Protection contre le salarié et les tiers
Le salarié est, enfin, protégé contre lui-même, car il est en mesure de céder sa créance de rémunération, et contre ses propres créanciers, tiers au contrat de travail, qui disposent de la faculté de faire saisir la rémunération à la source, entre les mains de l'employeur. La loi organise alors une incessibilité partielle et une insaisissabilité partielle de la rémunération (C. trav., art. L. 3252-1 s.), dans des proportions fixées par décret (C. trav., art. R. 3252-2 s.).