Les conditions pour conclure un bail de courte durée
Quelle est la durée d’un bail de courte durée ?
Le bail de courte durée est également désigné dans la pratique de « bail dérogatoire ». En effet, contrairement au bail commercial consenti pour une durée d’au moins 9 ans, la durée d’un bail de courte durée est de 3 ans. Les baux de courte durée sont souvent signés pour des bureaux de petites ou moyennes structures des boutiques, des petits commerces alimentaires qui préfèrent « tester » le marché local avant de s’engager durablement. Les parties ont recours à ce bail dérogatoire lorsqu’elles veulent déroger à l’application automatique du statut des baux commerciaux.
Remarque
On peut aussi parfois trouver le terme de « bail précaire » qu’il ne faut pas confondre avec la convention d’occupation précaire (COP), cette dernière répondant à des circonstances particulières et une cause objective de précarité (expropriation, vente des murs, démolition…).
Ce bail de courte durée constitue une dérogation légale au statut des baux commerciaux.
Peut-on conclure plusieurs baux dérogatoires de courte durée ?
La durée totale du bail ou des baux successifs ne doit pas être supérieure à 3 ans. Plusieurs baux dérogatoires de courte durée peuvent donc être conclus, mais dans cette limite de 3 années (C. com., art. L. 145-5 ). A l’expiration de cette durée, les parties ne peuvent plus conclure un nouveau bail dérogatoire pour exploiter le même fonds dans les mêmes locaux.
Remarque
Avant la loi du 18 juin 2014, la durée d’un bail dérogatoire était de 2 ans et la loi LME du 4 août 2008 avait expressément autorisé la conclusion de plusieurs baux successifs de courte durée dans la limite de 2 ans maximum ; la jurisprudence admettait cependant, à certaines conditions, la conclusion de baux successifs d’une durée pouvant être chacun de deux années.
Pour apprécier le respect de la durée légale maximum, il faut, s’agissant d’un bail dérogatoire renouvelé, vérifier que sa durée, cumulée avec celle des baux dérogatoires conclus précédemment pour exploiter le même fonds dans les mêmes locaux, n‘a pas excédé trois ans à compter de la date d’effet du premier bail dérogatoire ( Cass. 3e civ., 22 oct. 2020, no 19-20.443 ).
Remarque
Pendant près de 30 ans, la Cour de cassation a admis la possibilité de conclure des baux dérogatoires successifs lorsque le locataire, laissé en possession et ayant ainsi acquis à l’expiration d’un bail dérogatoire le droit de demander le bénéfice du statut, y renonçait expressément, en toute connaissance de cause, pour conclure un nouveau bail dérogatoire. Aujourd’hui réputée non écrite, une telle renonciation peut être anéantie à tout moment et le preneur qui occupe des locaux depuis 3 ans en vertu d’un ou plusieurs baux dérogatoires ne peut plus conclure un nouveau bail dérogatoire en renonçant au statut (C. com., art. L. 145-5 ; Cass. 3e civ., 22 oct. 2020, no 19-20.443 ).
Une démarche volontaire des parties
Par ailleurs, pour qu’un bail de courte durée soit valablement conclu, il faut aussi que les parties aient voulu effectivement déroger au statut des baux commerciaux.
Dès lors, la seule conclusion d’un bail de courte durée ne suffit pas à lui conférer un caractère dérogatoire aux dispositions statutaires et il faut une volonté, tacite éventuellement, mais claire et non équivoque, de déroger au statut.
La Fin du bail de courte durée
Une dénonciation du bail en temps utile
Pour maintenir le caractère exceptionnel de ce bail « dérogatoire », la durée convenue doit être respectée. Il est donc important de veiller à ce que le bail dérogatoire soit dénoncé en temps utile et qu’à l’expiration de cette durée de 3 ans, l’entreprise ait effectivement quitté les locaux.
Si, à l’expiration des 3 ans, et donc au plus tard à l’issue d’un délai d’un mois à compter de l’échéance, le locataire reste et est laissé en possession, il s’opère un nouveau bail qui prendra effet le lendemain de l’échéance du bail dérogatoire ( Cass. 3e civ., 26 mars 2020, no 18-16.113 ) et qui sera soumis au statut des baux commerciaux, sous réserve que les conditions d’application du statut soient réunies ( Cass. 3e civ., 31 mai 2018, no 17-16.944 ). Le nouveau bail sera réputé conclu pour 9 ans.
Un délai supplémentaire d’un mois
La « loi Pinel » de 2014 a institué un délai d’un mois à compter de l’expiration de la durée du bail pour permettre aux parties d’éviter la formation de plein droit d’un nouveau bail de 9 ans.
Pendant ce délai de « rattrapage », le bailleur peut encore sommer le locataire resté en possession de libérer les lieux, afin que ce dernier ne soit pas « laissé en possession ».
Le maintien en possession du preneur plus d’un mois après son expiration avec l’accord, même tacite, du bailleur, a pour effet de transformer le contrat en bail statut. La Cour de cassation a ainsi jugé qu’à l’expiration du bail dérogatoire prévu par l’article L. 145-5 du code de commerce il ne s’opère un nouveau bail que si le preneur reste et est laissé en possession au plus tard à l’issue d’un délai d’un mois à compter de l’échéance du contrat ( Cass. 3e civ., 8 avr. 2021, no 19-24.672 ).
Un état des lieux à dresser
La « loi Pinel » du 18 juin 2014 a ajouté l’obligation d’établir un état des lieux contradictoire et amiable lors de l’entrée et lors de la sortie des lieux, annexé au bail. S’il ne peut être établi à l’amiable, il doit être effectué par un commissaire de justice, sur l’initiative de la partie la plus diligente, à frais partagés par moitié entre le bailleur et le locataire.
Le bail de courte durée : fausse bonne idée pour l’entreprise qui ne veut pas s’engager sur du long terme ?
Les baux de courte durée sont souvent signés pour des bureaux de petites ou moyennes structures, des boutiques, des petits commerces alimentaires qui préfèrent « tester » le marché local avant de s’engager durablement.
C’est donc souvent la peur du long terme qui pousse à passer un bail dérogatoire. Il ne faut pourtant pas perdre de vue que ce bail offre une protection moindre au locataire et qu’on peut toujours mettre un terme au bail commercial de 9 ans soumis à statut, à la fin de chaque période triennale.