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24 septembre 2024
Dès lors que le bailleur, qui avait demandé avant l'ouverture de la procédure collective de son locataire sa condamnation à régler des loyers impayés, a régulièrement déclaré sa créance, il peut en faire constater le principe et en fixer le montant au passif du locataire.
Reprise d'une instance interrompue et fixation au passif de la créance déclarée par le bailleur
©Getty Images

Dès l'ouverture de la procédure collective, les instances en cours sont interrompues jusqu'à ce que le créancier poursuivant ait déclaré sa créance ; elles sont alors reprises de plein droit, le mandataire judiciaire et, le cas échéant, l'administrateur dûment appelés, mais tendent uniquement à la constatation des créances et à la fixation de leur montant (C. com. art. L 622-21, I et L 622-22, sur renvoi de l'art. L 631-14, al. 1 pour le redressement judiciaire). 

Il en résulte, précise la Cour de cassation à l'occasion des faits ci-dessous, que le jugement d'ouverture de la procédure d'un locataire ne fait pas obstacle à ce que le bailleur ayant agi en paiement des loyers et en résolution du bail avant le jugement d'ouverture puisse faire constater le principe de sa créance et en fixer le montant au passif dès lors qu'il a régulièrement déclaré sa créance.

En l'espèce, un bailleur agit contre son locataire en paiement des loyers impayés, résiliation du bail et expulsion. Le locataire est ensuite mis en redressement judiciaire et le bailleur déclare sa créance. Un plan de redressement est arrêté l’année suivante, qui est finalement résolu par un jugement qui prononce la liquidation judiciaire du locataire.

Une cour d'appel rejette la demande de fixation de la créance locative du bailleur en retenant que cette demande était relative à une dette composée de loyers et d'indemnités d'occupation et qu'elle ne pouvait donc pas être examinée indépendamment de la résiliation du bail commercial.

La Haute Juridiction casse cette décision : dès lors que le bailleur, qui avait demandé le paiement de loyers à l'occasion d'une instance en cours au jour de l'ouverture du redressement judiciaire du locataire, avait régulièrement déclaré sa créance et que le mandataire judiciaire avait été mis en cause, l'instance en cours, interrompue par l'ouverture du redressement, avait été régulièrement reprise et il incombait alors aux juges du fond de se prononcer sur la créance et d'en fixer, le cas échéant, le montant au passif du locataire.

A noter :

La Cour de cassation opère implicitement une distinction entre la demande de résiliation du bail, à laquelle était indivisiblement liée celle tendant à l'expulsion du locataire, et la demande en paiement des arriérés de loyers et juge que la seconde pouvait être examinée de façon indépendante, dans les conditions prévues à l'article L 622-22 du Code de commerce.

La déclaration de sa créance dans le délai légal (deux mois à compter de la publication du jugement d'ouverture au Bodacc : C. com. art. R 622-24, al. 1) par le créancier poursuivant est le premier préalable obligatoire à la reprise de l'instance interrompue par l'ouverture de la procédure collective du débiteur. Elle s'impose notamment au créancier qui fait valoir une créance par le biais d'une demande reconventionnelle (Cass. com. 28-4-1998 : RJDA 8-9/98 n° 1006).

La seconde condition de cette reprise d'instance est la mise en cause par le créancier des organes de la procédure, à savoir, en cas de sauvegarde ou de redressement, le mandataire judiciaire, l'administrateur ou le commissaire à l'exécution du plan, le cas échéant, ou le liquidateur en cas de liquidation judiciaire.

Dès lors que ces deux conditions sont remplies, l'instance interrompue par le jugement d'ouverture de la procédure collective est reprise de plein droit et le juge a alors l'obligation, comme le précise la Haute Juridiction dans la décision commentée, de se prononcer sur la créance et d'en fixer le cas échéant le montant (cf. C. com. art. L 622-22, al. 1, sur renvoi des art. L 631-14, al. 1 pour le redressement et L 641-3, al. 1 pour la liquidation). La reprise ne peut cependant pas aboutir à la condamnation en paiement du débiteur (Cass. com. 18-10-2023 n° 21-14.513 F-D : RJDA 2/24 n° 117) ou de ses ayants cause (Cass. com. 4-1-2000 n° 96-12.981 P : RJDA 2/00 n° 193).

Documents et liens associés : 

Cass. com. 3-7-2024 n° 22-13.676 F-B

Pour en savoir plus 

voir MDC 2024 n° 62402 s. 

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