Caractères généraux
Deux éléments
L'abus de majorité suppose la réunion – généralement considérée comme cumulative – de deux éléments : la contrariété à l'intérêt social et la rupture intentionnelle d'égalité entre associés, la décision étant prise dans le seul but de procurer un avantage à l'associé majoritaire (ou au groupe d'associés majoritaires), dont sont privés les minoritaires.
Contexte
L'abus de majorité est généralement invoqué à l'occasion d'une décision collective Exceptionnellement, toutefois, l'abus de majorité est retenu à propos d'une décision prise par un dirigeant social (Com. 21 janv. 1997, no 94-18.883). Certes, il s'agit alors d'une décision formellement individuelle, mais si celui-ci est désigné par les associés majoritaires, l'abus de majorité pourra se justifier par le fait que cette décision est le reflet de la volonté des majoritaires.
Illustrations
En pratique, l'abus de majorité est surtout retenu en cas de décision de l'assemblée des associés de mise en réserve systématique des bénéfices, au détriment de la distribution de dividendes (v. Dividendes).
L'abus de majorité est également parfois invoqué à l'occasion d'opérations de restructuration du capital, par exemple d'un « coup d'accordéon ». Celui-ci n'est toutefois, sauf exception, pas considéré comme constitutif d'un abus de majorité, même s'il a pour conséquence d'écarter les minoritaires du pacte social (Com. 18 juin 2002).
Peut également être constitutive d'un abus de majorité la décision de porter la rémunération du gérant à un montant exagéré, d'autant que, en même temps, sa gestion se révèle calamiteuse.
Sanctions
Nullité
La sanction privilégiée de l'abus de majorité, lorsque celui-ci est caractérisé, est la nullité de la décision collective. Il a, en effet, été jugé que « l'abus commis dans l'exercice du droit de vote lors d'une assemblée générale affecte par lui-même la régularité des délibérations de l'assemblée » (Com. 6 juin 1990, no 88-19.420). La délibération adoptée est donc rétroactivement invalidée et il appartiendra alors, le cas échéant, aux associés de se prononcer à nouveau sur le projet de résolution à l'origine de l'abus, cette fois dans un sens qui soit conforme à la fois à l'intérêt social et aux intérêts des minoritaires.
Dommages-intérêts
Ce n'est pas la seule sanction concevable. Si l'abus de majorité cause un préjudice aux associés minoritaires, ces derniers pourront prétendre à des dommages-intérêts. Ce sont les associés majoritaires qui ont commis l'abus qui devront les verser, mais à condition que l'action exercée par les minoritaires soit dirigée non pas contre la société, mais contre les majoritaires. Pour que l'action en indemnisation aboutisse, encore faut-il que le ou les auteurs de l'abus soient aisément identifiables, ce qui n'est guère envisageable si la société comprend un nombre important d'associés.
Dissolution de la société
Enfin, dans des situations extrêmes, la dissolution de la société est envisageable. Tel est le cas si l'abus de majorité se double d'une mésentente aboutissant à une paralysie du fonctionnement de la société.
Exercice de l'action
Auteur de l'action
Celui qui se prévaut de l'abus de majorité est bien entendu tenu d'établir l'existence de ses éléments constitutifs, sous peine de rejet de leur demande. Ce sont naturellement les associés minoritaires qui ont vocation à exercer l'action en annulation sur ce fondement. Mais on peut également concevoir que ce soit le gérant, en tant que garant de l'intérêt social, qui exerce cette action au nom de la société. En pratique, cela ne se conçoit que si les associés majoritaires ont cédé leurs parts sociales et que les cessionnaires ont désigné un nouveau gérant soucieux de « solder le passé ». Si l'abus de majorité est source d'une action en responsabilité, l'action doit être dirigée contre les associés majoritaires prétendument auteurs de l'abus.
Prescription
Si l'action vise l'annulation d'une délibération sociale, elle est de trois ans à compter du jour où la nullité est encourue
En revanche, le délai de prescription triennale de l'action en nullité n'est pas applicable à l'action en dommages-intérêts engagée par un associé minoritaire contre l'actionnaire majoritaire sur le fondement de l'abus de majorité (Com. 4 oct. 2011, no 10-23.398). Cette action est soumise au délai de droit commun, c'est-à-dire à la prescription quinquennale (Com. 30 mai 2018, no 16-21.022).