Fiche thématique
4 min de lecture
12 juillet 2023
L'exclusion d'un associé est une mesure, dont la validité est contestée, qui peut être admise dans les cas prévus par la loi ou sur convention des associés, à condition que l'associé bénéficie d'une juste et préalable indemnisation.

Sommaire

Droit intangible de demeurer au sein de la société

Il existe un droit intangible de tout associé ou actionnaire de demeurer au sein de la société dès lors qu'il a satisfait à ses obligations légales à l'égard de celle-ci (essentiellement la libération des apports). La qualité d'associé et le droit de conserver cette qualité sont liés au droit de propriété sur ses parts sociales ou actions, lequel a une valeur constitutionnelle.

C'est pourquoi il ne fait aucun doute qu'une assemblée générale, même statuant à une majorité renforcée, ne pourrait décider de forcer un associé à céder ses actions, même si, objectivement, l'intérêt social semble recommander une telle issue, par exemple si l'intéressé se rend coupable d'actes déloyaux à l'encontre de la société. Toutefois, ce rachat forcé paraît possible en vertu d'une stipulation contractuelle. Il est également parfois prévu par la loi.

Exclusion conventionnelle

Clause extra-statutaire

On parle parfois de clause de cession forcée. La validité d'une telle clause est acquise si elle est insérée dans une convention extra-statutaire : il s'agit alors d'une classique promesse unilatérale de vente sous condition suspensive, cette condition pouvant par exemple consister en la cessation de fonction de dirigeant-actionnaire.

Clause statutaire

Quant à la clause d'exclusion statutaire, envers laquelle le droit des sociétés s'est longtemps montré hostile, elle tend aujourd'hui à être admise, dès lors que ses conditions de mise en œuvre sont très encadrées, et ne laissent place à aucun arbitraire. La loi les valide d'ailleurs expressément dans certains types de groupement : société par actions simplifiée (C. com., art. L. 227-16), société d'exercice libéral (L. no 90-1258 du 31 déc. 1990, art. 21) ou encore société à capital variable (C. com., art. L. 231-6). Dans les sociétés anonymes, pour lesquelles la loi est muette, la jurisprudence s'est implicitement prononcée en faveur de leur validité (Com. 13 déc. 1994, no 93-11.569).

S'agissant de la société par actions simplifiée, la loi no 2019-744 du 19 juillet 2019 de simplification, de clarification et d'actualisation du droit des sociétés soumet à la règle de la majorité (dans les conditions prévues par les statuts), et non plus à celle de l'unanimité, les modifications statutaires concernant les clauses d'exclusion des associés, prévues par l'article L. 227-16 du code de commerce. La règle de la majorité s'applique aussi bien en cas d'adoption que de modification d'une clause d'exclusion. La conformité de cette disposition à la Constitution a été confirmée (Cons. const. 12 déc. 2022, no 2022-1029-QPC).

Pour qu'une clause statutaire soit valable, il faut que ses conditions de mise en œuvre soient nettement précisées à l'avance et soient conformes à l'intérêt social : telle est par exemple l'hypothèse où l'associé personne morale d'une société anonyme passe sous le contrôle d'un autre groupe ; la clause d'exclusion permet ainsi de faire échec à une éventuelle fraude à la clause d'agrément figurant dans les statuts. De plus, les droits de la défense et le principe du contradictoire doivent être préservés au profit de l'actionnaire évincé et les modalités de détermination de prix de rachat doivent être précisées à l'avance, la fixation du prix définitif intervenant le cas échéant à dire d'expert.

Cas légaux d'exclusion

Il s'agit essentiellement des hypothèses suivantes, prévues à titre de sanction ou au nom de l'intérêt social :

  • lorsque l'actionnaire n'a pas libéré dans les délais requis les actions qu'il a souscrites (C. com., art. L. 228-27) ou lorsqu'il n'a pas présenté ses actions pour une opération d'échange, de regroupement ou de conversion des titres (C. com., art. L. 228-6) ;
  • en cas de procédure collective, lorsque la survie de la société émettrice des droits sociaux le requiert, le tribunal peut subordonner l'adoption du plan de redressement de l'entreprise à la cession des titres d'un ou plusieurs dirigeants de droit ou de fait (C. com., art. L. 631-19-1) et, si les dirigeants sont frappés de faillite personnelle ou par une mesure d'interdiction de gérer, le tribunal peut leur enjoindre de céder leurs actions ou ordonner leur cession forcée par les soins d'un mandataire de justice (C. com., art. L. 653-9, al. 2) ;
  • dans les sociétés cotées, les actionnaires majoritaires peuvent, dans le cadre d'une procédure d'offre ou de demande de retrait, dès lors que, à l'issue de cette procédure, ils disposent de plus de 90 % du capital et des droits de vote (95 % du capital ou des droits de vote avant la loi PACTE du 22 mai 2019), obtenir l'exclusion des actionnaires minoritaires, moyennant indemnisation (C. mon. fin., art. L. 433-4). Cette procédure, dite de retrait obligatoire (squeeze out), n'a pas été jugée contraire à la Convention européenne des droits de l'homme, bien qu'elle aboutisse à une expropriation pour cause d'utilité privée (Com. 29 avr. 1997, no 95-15.220).
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Questions fréquemment posées

Comment éviter qu’un associé de SAS ne fasse obstacle à la décision de l’exclure ?

Lorsque les statuts subordonnent l'exclusion d’un associé de SAS à une décision collective, ils ne peuvent pas interdire à l'associé dont l'exclusion est envisagée de voter sur la proposition car tout associé a le droit de participer aux décisions collectives et de voter. Dans un tel cas, pour éviter qu'un associé ne fasse obstacle à la décision de l’exclure, on peut aménager les modalités d'adoption de la décision de telle sorte que l'associé dont l'exclusion est envisagée puisse voter sans être en mesure de faire obstacle à la décision, s'il est majoritaire ou s'il dispose d'une minorité de blocage : par exemple, en prévoyant que chaque associé ne dispose que d'une seule voix quelle que soit sa participation en capital ou en instituant un plafonnement des voix.

Il est aussi possible, à notre avis, de prévoir que l'exclusion sera décidée autrement que par une décision collective ; elle peut par exemple être confiée à un organe de direction (par exemple, un conseil de surveillance), un tiers arbitre ou une commission ad hoc.

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