Lui reprochant des irrégularités de gestion, une SARL et ses associés agissent concomitamment contre l’ancien gérant afin d’obtenir réparation du préjudice subi par la société. Une cour d’appel déclare irrecevable l’action exercée par les associés. Elle retient que cette action, dite « ut singuli », est traditionnellement considérée comme une action subsidiaire et que les associés ne disposaient d’aucun intérêt à agir en réparation d’un préjudice dont la société elle-même sollicitait déjà la réparation.
Censure de la Cour de cassation : les associés sont investis d’un droit propre d’agir en réparation du préjudice subi par la société, lequel n’est pas affecté par l’exercice concomitant de son action par la société.
A noter :
Lorsque la faute d'un dirigeant cause un préjudice à la société, l'action en réparation de ce préjudice (dite « action sociale ») peut être engagée par la société elle-même, par l'intermédiaire de ses représentants légaux (action sociale « ut universi ») ou par un associé (action sociale « ut singuli » ; C. civ. art. 1843-5 pour les sociétés civiles, SNC et SCS ; C. com. art. L 223-22, al. 3 pour les SARL ; C. com. art. L 225-252 pour les sociétés par actions).
Dans un arrêt rendu en 2021, la Cour de cassation avait semblé reprendre à son compte une affirmation de la cour d’appel selon laquelle « si l'action sociale ut singuli présente un caractère subsidiaire par rapport à l'action sociale ut universi, elle peut toutefois être engagée en cas d'inertie des représentants légaux de la société » (Cass. com. 27-5-2021 n° 19-17.568 F-D : RJDA 8-9/21 n° 570). L’arrêt commenté écarte sans équivoque ce prétendu caractère subsidiaire en revenant à une formulation proche de celle qui était habituellement adoptée par la Cour de cassation avant l’arrêt de 2021 : l'exercice de l'action sociale constitue pour les associés un droit propre dont ils ne peuvent pas être privés (Cass. crim. 12-12-2000 n° 7523 FS-PF : RJDA 5/01 n° 597 ; Cass. com. 14-12-2004 n° 04-13.059 F-PB : RJDA 4/05 n° 384 ; Cass. crim. 16-12-2009 n° 08-88.305 F-PF : RJDA 5/10 n° 512). Il a ainsi été jugé qu’un associé est en droit d'intenter l'action sociale en responsabilité contre le dirigeant, peu important que la société exerce ultérieurement elle-même cette action (Cass. com. 27-9-2017 n° 15-28.835 F-D : RJDA 2/18 n° 127).
La Haute Juridiction fonde la solution sur l’application combinée des articles 31 du Code de procédure civile et L 223-22, al. 3 du Code de commerce. Aux termes du premier, l’action en justice est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d’une prétention, sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit d'agir à certaines personnes ou pour défendre certains intérêts (actions « attitrées »). Selon le second, les associés de SARL peuvent, soit individuellement, soit en se groupant, intenter l’action sociale en responsabilité contre le gérant.
L’action ut singuli coexiste donc avec l’action ut universi, de sorte qu’elle peut être exercée antérieurement, concomitamment, ou – on peut le supposer – postérieurement, sur la base de prétentions potentiellement différentes. Cette coexistence permet d’empêcher un dirigeant de neutraliser l’action ut singuli en exerçant une action ut universi dont l’objet réel serait de purger les fautes d’un autre dirigeant en minimisant leur portée et le préjudice en résultant.
Documents et liens associés :
Cass. com. 7-5-2025 n° 23-15.931 F-B
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