Le principe : la liberté de la preuve en matière commerciale
Acte juridique
Le principe de la liberté de la preuve signifie que la preuve de l'existence et du contenu d'un engagement commercial peut être rapportée par tous moyens, quel que soit le montant de celui-ci, s'il a pour objet une somme d'argent. Ce peut être, bien entendu en produisant un écrit, acte sous seing privé (même en matière commerciale, les parties en ont généralement rédigé un) ou acte authentique (ce qui est rare). Il peut aussi s'agir de papiers d'affaires : devis accepté, ou facture, même si ce second type de document semble difficile à admettre si celui qui s'en prévaut est un créancier commerçant, en raison du principe « Nul ne peut se constituer une preuve à soi-même ». Ce peut être également la comptabilité du commerçant, dès lors qu'elle a été « régulièrement tenue » (C. com., art. L. 123-23). Les témoignages sont également admis comme mode de preuve en matière commerciale. Par ailleurs, le droit commercial admet, sous certaines conditions, les conventions portant sur la preuve : si celles-ci sont valables lorsqu'elles portent sur des droits dont les parties ont la libre disposition, elles ne peuvent toutefois établir au profit de l'une des parties une présomption irréfragable (Com. 6 déc. 2017, no 16-19.615).
En matière commerciale, il n'y a pas de hiérarchie des modes de preuve. Ainsi, un écrit – qui constitue une preuve parfaite au sens du droit civil – peut être valablement combattu par d'autres modes de preuve, par exemple par un témoignage.
Fait juridique
En matière de fait juridique, la liberté de la preuve est libre que l'on soit en matière civile ou commerciale. Une illustration de la liberté de preuve, en droit commercial, réside dans le droit de la concurrence déloyale. La jurisprudence se montre souvent peu exigeante à l'encontre du commerçant qui s'estime victime d'une telle pratique : ainsi, la Cour de cassation affirme régulièrement « qu'un préjudice s'infère nécessairement d'un acte de concurrence déloyale, générateur d'un trouble commercial, fût-il seulement moral » (Civ. 1re, 21 mars 2018, no 17-14.582).
L'exception : l'exigence d'un écrit
Acte domestique
La liberté de la preuve ne vaut que contre les commerçants et uniquement pour les actes de commerce qu'ils ont accomplis. Ainsi, s'il s'agit de prouver un achat domestique effectué par un commerçant personne physique, les règles de preuve du droit civil retrouvent leur empire.
Acte commercial du non-commerçant
À l'inverse, en cas d'acte de commerce conclu par un non-commerçant, le principe de la liberté de la preuve est écarté. C'est le cas, par exemple, en matière de cautionnement conclu par un dirigeant de société (lequel est en principe un non-commerçant) pour garantir le remboursement des dettes contractées par cette société envers une banque (et de manière générale, envers tout créancier professionnel). Ce cautionnement est commercial (par accessoire) et n'en reste pas moins soumis à un formalisme très lourd, qui a pour siège le code de la consommation (C. com., art. L. 331-1 s.). Bien entendu, si la caution est commerçante, par exemple une banque ou encore une société mère qui garantit les dettes de sa filiale, ce formalisme est écarté.
Règles particulières
Droit des sociétés
Par ailleurs, même à l'égard des commerçants, un écrit est exigé dans certains domaines. Par exemple, en matière de sociétés : « Les statuts doivent être établis par écrit » (C. civ., art. 1835). La règle, qui appartient au droit commun des sociétés, vaut aussi pour les sociétés commerciales.
Titres de paiement et de crédit
Ce sont surtout pour les titres de paiement et de crédit (chèque, effet de commerce, bordereau de cession de créance professionnelle, etc.) qu'un lourd formalisme s'impose. Ainsi, en matière de lettre de change, l'article L. 511-1 du code de commerce impose un certain nombre de mentions obligatoires (dénomination, lettre de change, montant, échéance, etc.), à défaut de quoi le titre « ne vaut pas comme lettre de change ». Il s'agit d'un formalisme ad validitatem, dont le respect exigé comme condition de validité même de l'engagement, et non pas ad probationem, c'est-à-dire à titre de preuve. Ce formalisme en matière cambiaire est d'abord destiné à assurer la protection du consentement de celui qui s'engage en signant le titre ; c'est donc un formalisme protecteur. Il répond ensuite à l'impératif de sécurité juridique et de protection du porteur du titre, lequel doit pouvoir, au simple examen formel de celui-ci, connaître l'étendue exacte de ses droits.