Refus de renouvellement avec indemnité d'éviction
Le refus de renouvellement résulte d'un congé délivré par le bailleur sans offre de renouvellement ou d'une réponse négative à une demande de renouvellement faite par le locataire ou encore de l'exercice de son droit d'option par le bailleur (v. Bail commercial - Congé et Bail commercial - Renouvellement).
Le refus de renouvellement constitue un droit pour le bailleur qui n'a pas à motiver son refus dès lors qu'il propose le paiement d'une indemnité d'éviction.
Dès lors, il a le choix entre délivrer un congé au locataire, répondre négativement à la demande de renouvellement que ce dernier lui soumet ou mettre en œuvre son droit d'option.
Fixation de l'indemnité d'éviction
L'indemnité d'éviction est destinée à compenser le préjudice subi par le locataire du fait de son éviction.
Elle doit donc être égale au préjudice causé par le défaut de renouvellement (Civ. 3e, 13 juin 1969).
La charge de la preuve incombe au preneur qui doit établir le principe du préjudice, son lien avec l'éviction ainsi que son montant.
L'indemnité d'éviction se compose d'une indemnité principale et d'indemnités accessoires (C. com., art. L. 145-14, al. 1er).
L'indemnité principale correspondant à la valeur marchande du fonds de commerce, c'est-à-dire la valeur de la clientèle évaluée selon les usages de la profession.
Il s'agit le plus souvent d'un pourcentage du chiffre d'affaires des trois dernières années.
L'indemnité peut être moindre si le locataire a transféré le fonds et que le préjudice subi est inférieur.
L'évaluation se fait au moment le plus proche de la réalisation du préjudice et à la date de l'éviction du locataire (Civ. 3e, 15 déc. 1965).
Par ailleurs, les indemnités accessoires correspondent notamment aux frais de déménagement et de réinstallation (Civ. 3e, 13 sept. 2018, no 16-26.049, D. 2018. 1805 ; D. 2019. 1511, obs. M-P. Dumont, AJDI 2019. 284, obs. J.-P. Blatter) ainsi qu'aux frais et droits de mutation à payer pour un fonds de même valeur.
Règlement de l'indemnité d'éviction
Le règlement de l'indemnité est à la charge du bailleur, même en cas de vente de l'immeuble avant le paiement.
En cas de condamnation du bailleur au versement de cette indemnité, il est tenu de s'exécuter dans le mois suivant la décision de justice.
Jusqu'au paiement intégral de l'indemnité, le locataire a le droit de se maintenir dans les lieux aux conditions et clauses du contrat expiré, même s'il n'est plus immatriculé au registre du commerce (C. com., art. L. 145-28).
Il doit alors respecter ses obligations sauf à perdre son droit à l'indemnité d'éviction.
Il est également tenu de payer une indemnité d'occupation qui est fixée comme le loyer et doit donc respecter la valeur locative (v. Bail commercial - Loyer).
Une fois l'indemnité payée, le locataire doit restituer les lieux et remettre les clés dans les trois mois suivant le paiement sous peine de pénalités de retard (C. com., art. L. 145-29 ; Civ. 3e, 13 sept. 2018, no 17-22.719, AJDI 2019. 355, obs. P. Haas).
Droit de repentir du bailleur
Le bailleur dispose d'un droit de repentir, c'est-à-dire qu'il peut rétracter son offre de payer l'indemnité d'éviction, à la condition que le locataire soit encore dans les lieux et n'ait pas acheté ou loué un immeuble destiné à sa réinstallation (C. com., art. L. 145-58).
Le délai imparti est de quinze jours à compter de la date à laquelle la décision fixant l'indemnité est passée en force de chose jugée ; ce droit peut être exercé avant le début de l'instance ou pendant celle-ci.
L'exercice du droit de repentir est irrévocable (C. com., art. L. 145-59) et provoque le renouvellement automatique du bail à compter de sa notification au locataire (Civ. 3e, 24 janv. 2019, no 17-11.010).
Refus de renouvellement sans indemnité d'éviction
Le droit à une indemnité d'éviction est une prérogative d'ordre public pour le locataire (C. com., art. L. 145-15).
Toutefois, le bailleur peut refuser le renouvellement du bail sans indemnité d'éviction (C. com., art. L. 145-17) dans plusieurs cas :
- s'il justifie d'un motif grave et légitimeà l'encontre de son locataire ;
- s'il est établi que l'immeuble est insalubre ou dangereux ;
- s'il souhaite en raison de l'insalubrité le rénover ;
- s'il a l'intention de réaffecter les locaux en locaux à usage d'habitation, construire un local d'habitation sur un terrain nu ou encore habiter les locaux d'habitation accessoires au local commercial.
Motif grave et légitime
Dès lors, la délivrance préalable d'une mise en demeure par acte extrajudiciaire est nécessaire (C. com., art. L. 145-17-1) ; elle doit reproduire les griefs articulés contre le locataire et les termes de l'article L. 145-17-1o du code de commerce (Civ. 3e, 19 déc. 2012, no 11-24.251, D. 2013. 79, obs. Y. Rouquet).
Le motif grave et légitime doit être indiqué par le bailleur dans le congé, délivré par acte extrajudiciaire, pour que le locataire puisse en prendre connaissance et, le cas échéant, le contester.
Son bien-fondé est laissé à l'appréciation des juges du fond.
Ce peut être, par exemple, un manquement au statut des baux commerciaux (v. Bail commercial - Statut), un manquement aux obligations du bail (v. Bail commercial - Obligations générales des parties) ou un acte lié au comportement du locataire s'il est en rapport avec le bail.
Exercice d'un droit de reprise
Le bailleur bénéficie d'un droit de reprise dans quatre cas :
- pour démolir l'immeuble devenu insalubre ou dangereux (C. com., art. L. 145-17-1, 2o) ;
- pour habiter les locaux d'habitation accessoires au local commercial (C. com., art. L. 145-22) ;
- pour réaffecter les locaux en locaux à usage d'habitation (C. com., art. L. 145-23-1) ;
- pour construire un local d'habitation sur un terrain nu (C. com., art. L. 145-24).