Une rupture anticipée, c’est quoi ?
On parle de rupture anticipée lorsque le CDD est rompu :
- avant son terme, ou avant la fin de la période de renouvellement s’il a été renouvelé, s’il s’agit d’un CDD à terme précis ;
- avant la fin de la période minimale ou la réalisation de son objet s’il est à terme imprécis.
On parle également de rupture anticipée lorsque le contrat est rompu avant d’avoir reçu un début d’exécution : par exemple, si l’employeur rompt le CDD à l’issue d’une formation d’une journée, alors que le salarié n’a pas encore pris son poste de manière effective ( Cass. soc., 30 nov. 2011, no 10-11.639 ).
Remarque
Par exception, lorsque le CDD a été conclu sous condition suspensive (passer une visite médicale par exemple), que cette condition n’est pas satisfaite et que le contrat n’a pas commencé à être exécuté, on peut considérer qu’il n’a jamais pris effet ( Cass. soc., 15 mars 2017, no 15-24.028 ).
Cas de rupture
Un CDD ne peut être rompu avant son terme que dans des cas strictement limités et d’ordre public :
- accord entre les parties ;
- faute grave ou lourde du salarié ou de l’employeur ;
- embauche du salarié en CDI ;
- force majeure ;
- inaptitude constatée par le médecin du travail.
Remarque
Il n’est pas possible de prévoir d’autres cas de rupture, ni par convention collective ni par le contrat de travail. La jurisprudence a toutefois admis un cas de rupture prévu par une convention collective dérogeant à la loi dans un sens favorable au salarié ( Cass. soc., 10 févr. 2016, no 15-16.132 ).
Cette liste est limitative. Il a par exemple été jugé que le décès du salarié remplacé ne justifiait pas la rupture anticipée d’un CDD à terme précis, qui doit donc aller jusqu’à son terme ( Cass. soc., 12 janv. 2022, no 20-17.404 ). Il n’est pas non plus possible de conclure une rupture conventionnelle avec un salarié en CDD.
Remarque
Si le salarié est encore en période d’essai, celle-ci peut être rompue librement et l’employeur n’est pas tenu de verser l’indemnité de fin de contrat.
Il n’est pas possible de prévoir une clause de rupture anticipée dans le contrat, selon laquelle celui-ci serait immédiatement rompu si le salarié ne donnait pas satisfaction dans le poste. L’employeur rompant le CDD en dehors des cas prévus peut être condamné à indemniser le salarié, à hauteur d’un montant au moins égal aux rémunérations qu’il aurait perçues jusqu’au terme du contrat, sans préjudice de l’indemnité de précarité.
Remarque
Les juges peuvent le condamner à un montant supérieur si, du fait de la rupture illicite, le salarié a subi un préjudice distinct de la seule perte des salaires ( Cass. soc., 3 juill. 2019, no 18-12.306 ).
Rupture d’un commun accord
La volonté de rompre le CDD doit être claire et non équivoque : elle doit donner lieu à un écrit exprimant clairement cette volonté de part et d’autre. Il s’agit d’un écrit spécifique, à la suite duquel l’employeur remettra les documents de fin de contrat au salarié.
Remarque
La seule signature du solde de tout compte ou l’acceptation du certificat de travail par le salarié ne suffit pas à établir qu’il consent à la rupture. Mais, à condition que le consentement du salarié ne soit pas vicié (par erreur, dol ou violence), l’accord des deux parties peut être formalisé par la signature d’un avenant au CDD initial prévoyant une date de fin plus proche ( Cass. soc., 16 déc. 2015, no 14-21.360 ).
En cas de rupture d’un commun accord, l’indemnité de fin de contrat et l’indemnité compensatrice de congés payés sont dues au salarié. La rupture d’un commun accord n’est pas une transaction : les parties n’ont pas à s’accorder de concessions réciproques et le salarié ne doit pas être privé des droits qu’il tient de son contrat.
Faute grave
Faute grave du salarié
La gravité d’une faute s’apprécie de la même façon en matière de CDD qu’en matière de licenciement. L’employeur décidant de rompre le CDD pour ce motif doit respecter la procédure disciplinaire : convocation du salarié à entretien préalable puis notification écrite et motivée de la sanction. A noter que, s’agissant d’une procédure disciplinaire de droit commun et non de licenciement, le salarié ne peut pas se faire assister par un conseiller extérieur à l’entreprise. Pour la même raison, l’employeur n’est pas tenu de respecter le délai de 5 jours ouvrables entre la convocation et la tenue de l’entretien ( Cass. soc., 25 oct. 2000, no 98-43.760 ).
Remarque
La procédure disciplinaire doit dans ce cas être déclenchée sans tarder dès que l’employeur a connaissance des faits. La rupture du contrat doit intervenir très rapidement après l’entretien. Attention : en cas de succession de CDD, la faute grave ne peut que justifier la rupture anticipée du contrat au cours duquel elle a été commise. L’employeur ne peut invoquer la connaissance tardive des faits fautifs commis lors d’un précédent CDD pour justifier la rupture du CDD en cours ( Cass. soc., 15 mars 2023, no 21-17.227, no 253 FS-B ).
Pour des raisons de preuve, mieux vaut convoquer le salarié par lettre recommandée avec accusé de réception. La notification doit indiquer le motif de la rupture, sans quoi l’employeur risque d’être sanctionné pour rupture injustifiée. La notification doit intervenir au plus tôt 2 jours ouvrables après l’entretien. Si l’employeur ne respecte pas ce délai, la rupture n’est pas remise en cause, mais le salarié peut prétendre à des dommages et intérêts. Si la rupture est justifiée, l’indemnité de fin de contrat n’est pas due (elle est toutefois due au titre du premier contrat si le CDD a été renouvelé et que la faute est intervenue au cours du renouvellement).
Faute grave de l’employeur
Le salarié reprochant une faute grave à son employeur peut saisir les prud’hommes pour la faire constater. S’il obtient gain de cause, il peut être indemnisé à hauteur des salaires qu’il aurait dû percevoir jusqu’au terme du contrat et il peut également prétendre à l’indemnité de précarité. En revanche, il n’a pas droit à l’indemnité compensatrice de congés payés pour la période qu’il n’aura pas travaillée.
Remarque
Si la gravité de la faute de l’employeur n’est pas reconnue par le juge, le salarié ne pourra prétendre à aucune indemnisation (voire pourra être condamné à indemniser l’employeur pour rupture abusive si celui-ci le réclame). Logiquement, il ne doit pas non plus toucher l’indemnité de précarité.
La rupture pour faute grave de l’employeur peut même être admise sans que le salarié ne l’invoque : c’est ce qu’a reconnu la Cour de cassation concernant un salarié ayant demandé la résiliation judiciaire de son CDD pour divers manquements imputés à l’employeur, puis pris acte de sa rupture, et ayant dans l’intervalle signé un contrat de travail avec un autre employeur. L’employeur d’origine estimait que, ce faisant, il avait démontré sa volonté de démissionner. Mais, pour la Cour, cette volonté n’était ni claire ni non équivoque. En revanche, elle constate que les manquements invoqués par le salarié constituaient une faute grave, justifiant la rupture du CDD aux torts de l’employeur pour ce motif ( Cass. soc., 3 juin 2020, no 18-13.628 ).
Force majeure
Aucune procédure particulière n’est à respecter dans ce cas. Le contrat est immédiatement rompu. L’indemnité compensatrice de congés payés est due, mais pas l’indemnité de fin de contrat. En revanche, le salarié a aussi droit à une indemnité correspondant aux salaires qu’il aurait dû toucher jusqu’à la fin du contrat.
Remarque
La force majeure se définit comme la survenance d’un événement extérieur irrésistible ayant pour effet de rendre impossible la poursuite du contrat. En cas de litige, ce sera au juge de déterminer si les faits invoqués pour justifier la rupture anticipée répondent à ces critères.
Embauche en CDI
La rupture anticipée est justifiée si le salarié en CDD justifie d’une embauche en CDI dans une autre entreprise, ou dans un autre établissement de la même entreprise.
Remarque
Il peut la justifier en produisant un contrat de travail ou une lettre d’engagement comportant une date d’embauche. Une simple déclaration sans indication de date risque fort de ne pas être jugée suffisante.
Le salarié doit respecter le délai de préavis prévu par la loi ou l’accord de branche étendu applicable. L’indemnité de fin de contrat n’est pas due. Rien ne l’oblige à formaliser la rupture par écrit mais cela est préférable.
Inaptitude
L’inaptitude du salarié est un cas de rupture anticipée du CDD, qu’elle soit d’origine professionnelle ou non (le CSE, s’il existe, doit être consulté). L’inaptitude est constatée par le médecin du travail, dans les mêmes conditions que pour les salariés en CDI. L’employeur doit rechercher une solution de reclassement. Si, à l’issue d’un délai d’un mois, il n’en a pas trouvé (ou si le salarié les a refusées), il peut rompre le contrat.
Cas des salariés protégés
Rompre par anticipation le CDD d’un salarié protégé n’est possible qu’avec l’autorisation de l’inspecteur du travail. Celle-ci n’est toutefois pas requise en cas de rupture pour force majeure ou embauche du salarié en CDI. L’inspecteur du travail vérifiera que le salarié ne fait pas l’objet d’une discrimination en raison de son mandat.