Les entreprises tenues d'établir un règlement intérieur
Les entreprises de plus de 50 salariés
Depuis le 1er janvier 2020, la mise en place d'un règlement intérieur est obligatoire dans les établissements des employeurs de droit privé ainsi que dans les établissements publics à caractère industriel et commercial où sont employés habituellement au moins 50 salariés (C. trav., art. L. 1311-2).
En cas de litige, c'est à l'employeur de faire la preuve que le seuil d'effectif de l'entreprise imposant la mise en place du règlement intérieur n'était pas atteint (v. Soc. 6 janv. 2021, no 19-14.440)
Les entreprises à établissements multiples
Lorsqu'une entreprise comporte un ou plusieurs établissements atteignant ce seuil, l'employeur peut soit établir des règlements intérieurs propres à chacun d'eux, soit établir un règlement unique pour l'ensemble des établissements dès lors que ceux-ci ne présentent pas de particularités exigeant l'édiction de dispositions spécifiques.
Sanction du défaut de règlement intérieur
Le défaut de règlement intérieur dans les entreprises de plus de 50 salariés et puni de l'amende prévue pour les contraventions de 4e classe, soit 750 € au plus (C. trav., art. R. 1323-1).
Mise en œuvre facultative d'un règlement intérieur
L'établissement d'un règlement intérieur est toujours possible dans les entreprises de moins de 50 salariés. Dans cette hypothèse, l'entreprise ou l'établissement doivent respecter l'ensemble des dispositions légales, y compris celles relatives aux formalités de dépôt et de publicité ou à la soumission au contrôle de l'inspecteur du travail. À défaut, le règlement est dépourvu de valeur.
L'élaboration du règlement intérieur
La procédure d'établissement du règlement intérieur et rigoureusement encadrée ; son respect conditionne son opposabilité au salarié. Le règlement intérieur est soumis à l'avis du comité social et économique avant de faire l'objet de mesures de publicité. Le règlement intérieur doit par ailleurs être déposé au greffe du conseil de prud'hommes du ressort de l'entreprise ou de l'établissement. Enfin, le règlement intérieur doit être communiqué à l'inspecteur du travail, ce dernier étant libre d'exiger le retrait ou la modification des dispositions contraires aux prescriptions du code du travail relatives au contenu du règlement intérieur. La modification du règlement intérieur est soumise à la même procédure, sauf lorsque la modification a été faite sur injonction de l'inspecteur (v. Soc. 23 juin 2021, no 19-15.737).
Avis des représentants du personnel
Le règlement intérieur, document écrit, est un acte unilatéral dont l'élaboration appartient au seul employeur. Toutefois, avant d'être introduit dans l'entreprise le projet du règlement doit être soumis à l'avis du comité social et économique.
Il a été jugé qu'est sans effet et ne peut donc être appliqué le règlement intérieur édicté par l'employeur sans avoir été préalablement soumis à l'avis des représentants du personnel (Soc. 4 juin 1969, no 68-40.377).
En l'absence de consultation du CSE, un syndicat représentatif dans l'entreprise est recevable à demander la suspension du réglement intérieur. Il ne peut, en revanche, pas demander par voie d'action la nullité de l'ensemble du règlement ou son inopposabilité à tous les salariés de l'entreprise (Soc. 21 sept. 2022, no 21-10.718).
Dépôt et publicité
Une fois arrêté, le règlement intérieur doit être porté par tout moyen, à la connaissance des personnes ayant accès aux lieux de travail, ainsi que dans les locaux où s'effectue l'embauche. Il doit également être déposé au greffe du conseil de prud'hommes dans le ressort duquel est situé l'entreprise ou l'établissement.
Ces formalités conditionnent l'entrée en vigueur du règlement intérieur. En effet, le règlement intérieur doit indiquer la date de son entrée en vigueur, mais cette date doit être postérieure d'un mois à l'accomplissement des formalités de dépôt et de publicité (C. trav., art. L. 1321-4).
Communication à l'inspecteur du travail
En même temps qu'il fait l'objet des mesures de publicité, le texte du règlement intérieur, accompagné de l'avis du comité social et économique est communiqué à l'inspecteur du travail afin que celui-ci puisse exercer son contrôle.
Notes de service
Pour éviter des abus éventuels, la loi précise que les notes de service ou tout autre document comportant des obligations générales et permanentes dans les matières relevant du règlement intérieur sont, lorsqu'il existe un tel règlement, considérées comme des adjonctions à celui-ci et, par conséquent, soumises à la procédure d'élaboration présentée ci-dessus.
Le contenu du règlement intérieur
La loi limite strictement le contenu du règlement intérieur en précisant les matières qui doivent nécessairement y figurer et celles qui sont prohibées.
Contenu obligatoire et exclusif
Le règlement intérieur doit contenir obligatoirement et exclusivement des dispositions relatives :
- aux mesures d'application de la réglementation en matière de santé et de sécurité dans l'entreprise ou l'établissement ;
- aux conditions dans lesquelles les salariés peuvent être appelés à participer, à la demande de l'employeur, au rétablissement de conditions de travail protectrices de la santé et de la sécurité des salariés, dès lors qu'elles apparaîtraient compromises ;
- aux règles générales et permanentes relatives à la discipline, notamment la nature et l'échelle des sanctions que peut prendre l'employeur.
L'employeur peut donc fixer dans le règlement intérieur une liste de comportements ou d'actions prohibés parce que susceptibles de mettre en cause le bon fonctionnement de l'entreprise, ou au contraire prescrire des obligations indispensables au maintien du bon ordre et de la sécurité au sein de l'établissement.
En outre, le règlement intérieur doit rappeler les dispositions relatives :
- aux droits de la défense des salariés (procédure disciplinaire à respecter) définis par le code du travail ou par la convention collective applicable ;
- aux harcèlements moral et sexuel et aux agissements sexistes prévus par le code du travail.
- au dispositif de protection des lanceurs d'alerte ( mention à indiquer dans le réglement intérieur à compter du 1er septembre 2022 , v. C. trav., art. L. 1321-2, 3°).
Par ailleurs, la loi no 2016-1088 du 8 août 2016 relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels donne désormais la possibilité aux entreprises d'inscrire le principe de neutralité dans leur règlement intérieur (C. trav., art. L. 1321-2-1). Ainsi, la manifestation des convictions des salariés peut être restreinte au sein de l'entreprise si ces restrictions sont justifiées d'une part, par l'exercice d'autres libertés et droits fondamentaux ou par les nécessités du bon fonctionnement de l'entreprise et, d'autre part, si elles sont proportionnées au but recherché. Est donc entérinée la jurisprudence Baby Loup (Cass., ass. plén., 25 juin 2014).
Dispositions interdites
Dans le domaine délimité ci-dessus, le contenu du règlement intérieur est, en principe, librement déterminé par l'employeur. Celui-ci ne peut, néanmoins, y inclure des clauses contraires aux lois et règlements ainsi qu'aux stipulations des conventions et accords collectifs applicables dans l'entreprise ou l'établissement (C. trav., art. L. 1321-3).
Le règlement intérieur ne peut non plus apporter aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives des restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché.
Enfin, il ne peut comporter des dispositions discriminant les salariés : toute clause édictant des différences de traitement entre salariés fondées sur des motifs discriminatoires est nulle.
Le contrôle du règlement intérieur
Contrôle par l'inspecteur du travail
Au-delà du contrôle qu'il exerce sur la procédure d'élaboration du règlement intérieur (V. ci-dessus) ou en cas de modification de celui-ci, l'inspecteur du travail peut à tout moment exiger le retrait ou la modification des dispositions du règlement contraires aux prescriptions du code du travail. Il peut également imposer à l'employeur de compléter le règlement afin qu'il y ajoute les clauses qui doivent impérativement y figurer.
La décision de l'inspecteur du travail peut faire l'objet d'un recours hiérarchique auprès de la Direction régionale de l'économie, de l'emploi, du travail et des solidarités (Dreets). Un recours devant le juge administratif, pour excès de pouvoir, peut être formé à l'encontre des décisions administratives.
Procédure de rescrit. La loi no 2018-727 du 10 août 2018 pour un État au service d'une société de confiance a introduit un instrument de sécurisation juridique du règlement intérieur pour les employeurs : le rescrit (C. trav., art. L. 1322-1-1). Ce nouveau dispositif oblige l'inspecteur du travail à se prononcer de manière explicite sur toute demande d'appréciation de l'employeur de la conformité de tout ou partie d'un règlement intérieur aux dispositions du code du travail. Cette demande est établie selon des formalités établies par voie réglementaire (C. trav., art. R. 1321-6).
Contrôle judiciaire
L'existence d'un contrôle administratif ne fait pas obstacle au contrôle judiciaire. C'est généralement à l'occasion d'un litige portant sur la régularité d'une sanction disciplinaire que le juge judiciaire (conseil de prud'hommes) est conduit à apprécier la légalité d'une disposition du règlement intérieur. Il n'a pas alors le pouvoir de prononcer la nullité de la disposition contestée, mais seulement, le cas échéant, celle de la sanction prise sur son fondement.
Dans les cas où le conseil de prud'hommes écarte l'application d'une disposition du règlement intérieur jugée contraire à la loi, une copie du jugement doit être adressée à l'inspecteur du travail ainsi qu'aux représentants du personnel concernés.