La mise à pied conservatoire n’est pas une sanction
Contrairement à la mise à pied disciplinaire, la mise à pied conservatoire n’est pas une sanction. Elle permet à l’employeur de suspendre provisoirement l’activité d’un salarié dont la présence pourrait nuire à l’entreprise, le temps de décider du sort de son contrat de travail.
La mise à pied doit être concomitante à la procédure disciplinaire
Pour avoir un caractère conservatoire, la mise à pied doit en principe être concomitante à l’engagement de la procédure disciplinaire prévue pour les sanctions dites lourdes. C’est par exemple le cas :
- lorsque le salarié reçoit une mise à pied le jour même de sa convocation à un entretien préalable ( Cass. soc., 1er juin 2004, no 02-44.929 ) ;
- de la lettre notifiant à la salariée sa mise à pied et lui indiquant : « vous serez convoquée dans les plus brefs délais à un entretien préalable », la salariée ayant été convoquée à cet entretien dès le lendemain ( Cass. soc., 3 mars 2004, no 02-41.802 ).
Ce n’est pas le cas si la lettre de convocation à l’entretien préalable a été expédiée une semaine après le début de la mise à pied ( Cass. soc., 6 déc. 2023, no 22-10.558 ).
Remarque
En pratique, la mise à pied est le plus souvent notifiée dans la convocation à l’entretien préalable.
A ce principe, une exception : si le salarié est poursuivi pénalement pour des faits préjudiciables à l’entreprise, l’employeur peut, sans engager immédiatement une procédure de licenciement, prendre une mesure de mise à pied conservatoire si les faits le justifient ( Cass. soc., 4 déc. 2012, no 11-27.508 ). Il peut attendre de prononcer immédiatement une mise à pied conservatoire pour la durée de la procédure pénale et attendre l’issue du procès pénal pour convoquer le salarié à l’entretien préalable à son licenciement.
La mise à pied conservatoire n’est pas un préalable obligatoire à un licenciement pour faute grave : il s’agit d’une mesure facultative. L’employeur envisageant de licencier un salarié pour faute grave peut donc le laisser travailler durant la procédure ( Cass. soc., 9 févr. 2022, no 20-17.140 ; Cass. soc., 15 mai 2024, no 22-17.216 ).
Il est conseillé de mentionner le caractère conservatoire de la mise à pied
Le caractère conservatoire de la mise à pied est reconnu lorsque l’employeur qualifie expressément la mise à pied de « mise à pied à titre conservatoire ». La simple mention d’une mise à pied à titre conservatoire dans la lettre de convocation à un entretien préalable à un éventuel licenciement suffit. Il importe peu dans ce cas, que le terme de la mise à pied soit fixé ( Cass. soc., 18 mars 2009, no 07-44.185 ). Il est donc vivement conseillé de mentionner expressément dans la lettre le caractère conservatoire de la mise à pied, afin de ne laisser aucune ambiguïté sur la nature de la mesure.
Remarque
En l’absence d’indication sur le caractère conservatoire de la mise à pied, cette dernière ne sera pas automatiquement requalifiée en sanction disciplinaire. Tout dépendra des circonstances de l’espèce.
Sa durée est en principe calquée sur celle de la procédure disciplinaire
La durée de la mise à pied conservatoire est normalement calquée sur celle de la durée de la procédure disciplinaire, légale ou conventionnelle, puisqu’elle est censée en faciliter le déroulement. Elle est généralement courte mais infligée au salarié pour une durée en principe indéterminée, correspondant au temps de la procédure disciplinaire. Elle prend fin avec le prononcé de la sanction définitive. Pendant longtemps, le principe du caractère nécessairement indéterminé de la mise à pied était intangible. Mais, désormais, la mise à pied ne perd pas automatiquement son caractère conservatoire du seul fait qu’elle a été prononcée pour une durée déterminée. Elle a bien un caractère conservatoire si elle est prononcée par l’employeur dans l’attente de sa décision dans la procédure engagée dans le même temps ( Cass. soc., 18 mars 2009, no 07-44.185 ).
Remarque
Cette décision a été rendue dans une affaire où le salarié avait été convoqué à un entretien préalable avec une mise à pied à titre conservatoire de 3 jours, en l’occurrence jusqu’au jour de l’entretien.
La mise à pied peut donc être prononcée pour une durée déterminée mais son caractère conservatoire ne doit faire aucun doute. Elle doit absolument être engagée en même temps que la procédure disciplinaire et son caractère conservatoire doit être expressément mentionné.
Remarque
Mais attention ! La mise à pied ne doit pas excéder la durée correspondant au temps de la procédure, sous peine d’être qualifiée de sanction disciplinaire ( Cass. soc., 19 sept. 2007, no 06-40.155 ).
Lorsque la convocation à l’entretien préalable au licenciement prévoit une mise à pied à titre conservatoire « jusqu’à la décision définitive qui découlera de l’entretien », il s’agit bien d’une mise à pied conservatoire. Peu importe que l’employeur ait prévu un délai maximum pour la prise de la sanction définitive ( Cass. soc., 30 sept. 2004, no 02-44.065 ). Ainsi, la jurisprudence n’exclut pas que soit fixée une durée maximale à la mise à pied, dès lors qu’il n’y a aucune ambiguïté sur son caractère conservatoire.
Attention ! Si la mise à pied conservatoire et l’engagement de la procédure de licenciement ne sont pas concomitants, l’employeur doit justifier le délai qu’il a laissé filé. S’il n’a pas de raison valable, la mise à pied conservatoire prend un caractère disciplinaire. Il ne pourra donc plus sanctionner le salarié pour les mêmes faits ( Cass. soc., 30 oct. 2013, no 12-22.962 ). Cela peut justifier l’invalidation d’un licenciement ultérieur pour faute grave ( Cass. soc., 22 mars 2023, no 21-15.648 ).
Remarque
Un délai de 3 jours justifié par la nécessité de mener une enquête interne a ainsi été jugé valable ( Cass. soc., 14 sept. 2016, no 14-22.225 ). En revanche un délai de 7 jours calendaires non justifié a été jugé excessif, les juges ayant alors estimé que la mise à pied présentait de ce fait un caractère disciplinaire, empêchant l’employeur de prononcer le licenciement ( Cass. soc., 14 avr. 2021, no 20-12.920 ).
Le salarié peut refuser d’exécuter une mise à pied conservatoire
Le refus par le salarié d’exécuter une mise à pied conservatoire n’est fautif (et le prive du salaire correspondant) que si son comportement antérieur justifiait une telle mesure et caractérisait une faute grave ( Cass. soc., 3 déc. 2002, no 00-44.080 ). A défaut, le salarié peut refuser une mise à pied conservatoire qu’il estime injustifiée.
La mise à pied ne doit pas préjuger de la décision finale
La mise à pied à titre conservatoire ne doit pas préjuger de la décision définitive. A l’issue de ce temps de réflexion, l’employeur peut notifier au salarié un licenciement disciplinaire ou un licenciement non fautif : « la mise à pied à titre conservatoire n’implique pas nécessairement que le licenciement prononcé ultérieurement présente un caractère disciplinaire » ( Cass. soc., 3 févr. 2010, no 07-44.491 ). Mais il peut aussi renoncer au licenciement et prononcer une sanction moindre ou même renoncer à toute sanction.
Remarque
L’employeur peut renoncer à la mise à pied conservatoire (notifiée avec la convocation à entretien préalable) et demander au salarié de reprendre le travail, avant de le licencier pour faute grave, sans qu’il en résulte une requalification en mise à pied disciplinaire ( Cass. soc., 18 mai 2022, no 20-18.717 ).
Les conséquences d’une mise à pied conservatoire sur le contrat de travail
La mise à pied suspend le contrat de travail
La mise à pied à titre conservatoire, tout comme la mise à pied disciplinaire, suspend le contrat de travail du salarié. Elle entraîne une perte de salaire dont le caractère définitif dépendra de la sanction finalement retenue. Néanmoins, le fait que la rémunération ait été versée au salarié pendant la période de mise à pied à titre conservatoire n’empêche pas l’employeur d’invoquer la faute grave ( Cass. soc., 16 mars 1994, no 92-43.151 ).
Remarque
Par ailleurs, l’absence de mise à pied conservatoire ne remet pas pour autant en cause la gravité de la faute ( Cass. soc., 9 nov. 2005, no 03-46.797 ).
Le paiement du salaire pour la durée de la mise à pied dépend de la sanction finale
La possibilité ou non pour l’employeur de priver le salarié de la rémunération afférente à la durée de la mise à pied conservatoire dépend de la sanction retenue à l’issue de la procédure disciplinaire. Seuls la mise à pied disciplinaire et le licenciement pour faute grave (ou lourde) peuvent justifier la perte de salaire. Toute autre sanction (et a fortiori l’absence de sanction) doit conduire l’employeur à rémunérer le salarié pour la période de la mise à pied conservatoire.
Remarque
La mise à pied conservatoire annulée doit être payée même si le salarié était en arrêt maladie pendant cette période ( Cass. soc., 29 mars 2023, no 21-25.259 ).
La durée de la mise à pied conservatoire s’impute sur celle de la mise à pied disciplinaire
Si la sanction finalement prononcée est une mise à pied disciplinaire, la durée de la mise à pied conservatoire s’impute sur celle-ci ( Cass. soc., 5 juill. 2006, no 03-46.361 ).
Si la durée de la mise à pied disciplinaire est supérieure à la période de mise à pied conservatoire, le salarié devra effectuer une période de mise à pied complémentaire. Dans le cas inverse (notamment lorsque le règlement intérieur limite la durée de la mise à pied disciplinaire), il ne pourra y avoir de perte de salaire que relativement à la durée de cette dernière.