Fiche thématique
9 min de lecture
3 août 2023
Le télétravail désigne toute forme d'organisation du travail dans laquelle un travail qui aurait également pu être exécuté dans les locaux de l'employeur est effectué par un salarié hors de ces locaux de façon volontaire en utilisant les technologies de l'information et de la communication (C. trav., art. L. 1222-9).

Sommaire

Plusieurs critères doivent donc être réunis pour caractériser le télétravail :

  • le télétravail doit utiliser les technologies de l'information et de la communication. Ce critère exclut les travailleurs à domicile (tâches manuelles effectuées à domicile) ;
  • le télétravail s'effectue en dehors des locaux de l'entreprise. Cela implique un travail effectué au domicile du salarié (domicile principal et/ou résidence secondaire) ou dans des espaces collectifs situés en dehors de l'entreprise et mis à disposition (les télécentres/espaces de coworking).

Mise en place du télétravail dans l'entreprise : qui peut télétravailler ?

Le télétravail est mis en place :

  • soit dans le cadre d'un accord collectif (branche, entreprise, établissement, groupe) ;
  • soit dans le cadre d'une charte élaborée par l'employeur (après avis du comité social économique, s'il existe).

En l'absence de charte ou d'accord collectif, lorsque le salarié et l'employeur conviennent de recourir au télétravail, ils formalisent leur accord par tout moyen.

Mise en place du télétravail par accord collectif, par charte ou par accord individuel

L'accord collectif ou la charte doit comporter (C. trav., art. L. 1222-9) :

  • les conditions de passage en télétravail, en particulier, en cas d'épisode de pollution mentionné à l'article L. 223-1 du code de l'environnement ;
  • les conditions de retour à une exécution du contrat de travail sans télétravail ;
  • les modalités d'acceptation par le salarié des conditions de mise en œuvre du télétravail ;
  • les modalités de contrôle du temps de travail ou de régulation de la charge de travail ;
  • la détermination des plages horaires durant lesquelles l'employeur peut habituellement contacter le salarié en télétravail ;
  • les modalités d'accès des travailleurs handicapés à une organisation en télétravail, en application des mesures prévues à l'article L. 5213-6 du code du travail ;
  • les modalités d'accès des salariées enceintes à une organisation en télétravail ;
  • les modalités d'accès des salariés aidants d'un enfant, d'un parent ou d'un proche à une organisation en télétravail.

En l'absence d'accord collectif ou de charte, lorsque le salarié et l'employeur conviennent de recourir au télétravail, ils formalisent leur accord par tout moyen (C. trav., art. L. 1222-9).

Une clause dans le contrat, un avenant ou par tout autre support peuvent formaliser l'accord.

En l'absence d'accord collectif ou de charte, l'employeur peut, en principe, refuser toute demande de passage en télétravail sans avoir à motiver son refus sauf si salarié demandeur est en situation de handicap ou proche aidant (C. trav., art. L. 1222-9).

Qui peut télétravailler ?

Postes de travail éligibles au télétravail. Le code du travail n'exclut aucun salarié du bénéfice du télétravail : le télétravail est donc en théorie ouvert à tous les salariés.

L'accord collectif ou la charte, s'ils existent, fixent en principe les critères à remplir pour être éligible au télétravail.

L'employeur, au moment de la demande du salarié de passer en télétravail, peut refuser parce que les conditions d'éligibilité prévues par l'accord ou la charte ne sont pas réunies ou pour d'autres motifs.

Les critères de sélection doivent reposer sur des éléments objectifs et être justifiés par les conditions particulières d'exercice du travail liées au télétravail :

  • le télétravail peut être subordonné à une ancienneté minimale ;
  • le télétravail peut être exclu pour les CDD inférieurs à une certaine durée ;
  • le télétravail peut être réservé aux salariés à temps plein et à des salariés à temps partiel dont la durée du travail est supérieure à un certain pourcentage ;
  • la nature du travail effectué peut être source d'exclusion du télétravail ;
  • la capacité d'autonomie du salarié ;
  • la configuration de l'équipe dans laquelle travaille le salarié ;
  • le télétravail est réservé aux salariés qui ont un logement compatible.

En l'absence d'accord collectif ou de charte, l'identification des activités de l'entreprise pouvant faire l'objet de télétravail relève nécessairement de la responsabilité de l'employeur et de son pouvoir de direction. Il paraît cependant souhaitable que le repérage de ces activités fasse une place au dialogue social ; en outre, le CSE doit être consulté en vertu de sa compétence consultative générale sur les décisions de l'employeur relatives à l'organisation du travail.

Caractère volontaire du télétravail. Le télétravail revêt un caractère volontaire tant pour le salarié que pour l'employeur. L'employeur qui refuse d'accorder le bénéfice du télétravail à un salarié qui occupe un poste éligible à un mode d'organisation en télétravail dans les conditions prévues par l'accord collectif ou, à défaut, par la charte, doit motiver sa réponse. Et, le refus d'accepter un poste de télétravail par le salarié n'est pas un motif de rupture du contrat de travail. A défaut d'accord collectif ou de charte, l'employeur n'est pas tenu de motiver son refus sauf si la demande émane d'un salarié en situation de handicap ou d'aidant d'un proche (C. trav., art. L. 1222-9, I).

Télétravail et préconisations du médecin du travail. L'analyse des décisions récentes des juges du fond montre un accroissement des préconisations des médecins du travail de reclassement de salariés inaptes en télétravail. Ce type d'organisation du travail permet en effet d'éviter les trajets pour se rendre sur le lieu de travail, ou/et le contact avec un environnement de travail à l'origine de son inaptitude. Si l'employeur, à réception d'une telle préconisation, estime que la mise en place du télétravail est impossible, il doit être en mesure de justifier avoir sérieusement tenté de le mettre en place, et pouvoir prouver les obstacles techniques ou fonctionnels qui l'empêchent de se conformer aux consignes du médecin du travail (V. Paris 18 mai 2022, no 19/02933). La chambre sociale ayant eu l'occasion de préciser que l'absence de mise en place collective du télétravail dans une entreprise est insuffisante à justifier le refus de suivre une préconisation du médecin du travail (Soc. 29 mars 2023, no 21-15.472 B).

Informations fournies au télétravailleur, période d'adaptation et réversibilité du télétravail

Information fournie par écrit au salarié. Le salarié qui accède au télétravail doit être informé par écrit du cadre juridique du télétravail (accord collectif, charte), de la pratique du télétravail dans l'entreprise (rattachement hiérarchique, modalités d'évaluation de la charge du travail, modalités de liaison avec l'entreprise, modalités d'articulation entre télétravail et travail en présentiel), des équipements mis à sa disposition et des règles de prise en charge des frais professionnels.

Période d'adaptation. Cette période permet de vérifier si le télétravail est compatible avec l'organisation du travail et les compétences techniques du salarié et permet de revenir à l'organisation antérieure si elle s'avère plus adaptée.

Pendant cette période, chacune des parties est libre de mettre fin unilatéralement au télétravail en respectant un délai de prévenance préalablement défini. Le salarié retrouve alors un poste dans les locaux de l'entreprise correspondant à sa qualification.

Réversibilité du télétravail. Les conditions de retour à une exécution de travail sans télétravail doivent être prévues dans l'accord collectif ou la charte sur le télétravail (C. trav., art. L. 1222-9) .

L'employeur est tenu de « donner priorité au salarié pour occuper ou reprendre un poste sans télétravail qui correspond à ses qualifications et compétences professionnelles ». Il doit être informé par l'employeur de la disponibilité de tout poste de cette nature et bénéficie alors d'une priorité d'accès à ce poste (C. trav., art. L. 1222-9 et L. 1222-10).

En dehors des situations visées par la clause de réversibilité, l'employeur ne peut mettre fin au télétravail sans l'accord du salarié. Il s'agit d'une modification du contrat que le salarié peut refuser (Soc. 12 févr. 2014, no 12-23.051)

Organisation du télétravail et droit des salariés

Le télétravailleur bénéficie des mêmes droits qu'un salarié effectuant son travail en présentiel

Le télétravailleur bénéficie des mêmes droits individuels et collectifs que l'ensemble des salariés : accès à la formation, respect de la vie privée, santé et sécurité au travail, accès aux activités sociales de l'entreprise, aux informations syndicales, aux avantages sociaux. Ainsi, si le salarié bénéficie de tickets restaurant, il conserve ce droit en télétravail (il faut toutefois préciser que le 10 mars 2021, le tribunal judiciaire de Nanterre a considéré que les télétravailleurs n'étant pas dans une situation comparable aux salariés travaillant sur site et ne bénéficiant pas de local de restauration, ils n'avaient pas de droit à bénéficier de titres-restaurant. Cette position a été contredite par un jugement du tribunal judiciaire de Paris du 30 mars 2021 qui a considéré, au contraire, qu'en application du principe d'égalité de traitement, les télétravailleurs devaient bénéficier des titres-restaurant. Il appartiendra à la Cour de cassation de confirmer ou non cette décision). S'agissant du remboursement des frais de transport, il faut sans doute considérer que l'employeur n'est pas tenu de prendre en charge ces frais lorsque le télétravail est continu. En revanche, lorsque le télétravail n'est pas continu, l'employeur est tenu au remboursement de ces frais.

S'agissant de la réglementation du temps de travail, le télétravailleur est dans la même situation que le salarié en présentiel : les dispositions relatives à la durée maximale quotidienne, aux durées maximales hebdomadaires, au temps de repos, au temps de pause et au décompte des heures de travail s'appliquent . Si le salarié n'est pas sous convention de forfait,un système de décompte du temps de travail doit être mis en place et il appartient à l'employeur de s'assurer de la fiabilité du système de décompte des heures de travail, même si le salarié gère librement ses horaires de travail. Si un moyen de contrôle de l'activité du salarié et de contrôle du temps de travail est mis en place, il doit être justifié par la nature de la tâche à accomplir et proportionné au but recherché et le salarié doit en être informé. La mise en place de dispositifs numériques spécifiques nécessite la consultation préalable du CSE et l'information préalable des salariés (ANI, 26 nov. 2020, art. 3.1.3).

Le code du travail prévoit qu'un entretien annuel doit porter sur les conditions d'activité du télétravailleur (C. trav., art. L. 1222-10). La régulation de la charge de travail peut être prévue par l'accord collectif ou la charte sur le télétravail (C. trav., art. L. 1222-9).

L'employeur doit s'assurer de la conformité du domicile du salarié (ou lieu désigné pour effectuer le télétravail), notamment de ses installations électriques, à l'exercice du télétravail.

S'agissant des équipements et des outils numériques, qu'il s'agisse d'outils fournis par l'employeur ou d'outils personnels du salarié, leur usage est encadré par l'employeur, auquel il incombe de prendre les mesures nécessaires pour assurer la protection des données personnelles du salarié en télétravail et de celles traitées par ce dernier à des fins professionnelles.

Prise en charge des frais du télétravailleur

L'ANI du 26 novembre 2020 réaffirme la règle de prise en charge des frais professionnels du télétravailleur par l'employeur, que l'ordonnance du 22 septembre 2017 avait fait disparaître du code du travail. Cette prise en charge est limitée aux dépenses engagées par le salarié, pour les besoins de son activité professionnelle et dans l'intérêt de l'entreprise, après validation de l'employeur.

Le télétravail va en effet nécessairement engendrer des frais supplémentaires pour le salarié : achats et équipements en fournitures et matériel informatique, consommation de chauffage, électricité, connexion internet… Dépenses que l'employeur est en principe tenu de rembourser. Ce remboursement pourra s'effectuer sur la base de frais réels sur présentation de justificatifs ou sur la base d'un forfait. L'allocation forfaitaire éventuellement versée par l'employeur pour rembourser le salarié est réputée utilisée conformément à son objet et est exonérée de cotisations sociales, dans la limite de seuil fixé par la loi.

V. évaluation par l'Urssaf des frais engagés par salarié en télétravail : www.urssaf.fr.

Pratiques managériales et télétravail

Le télétravail fait évoluer la manière d'animer une communauté de travail. L'ANI du 26 novembre 2020 recommande donc de l'accompagner par la mise en place de pratiques managériales adaptées reposant sur une relation de confiance entre un responsable et chaque travailleur et sur deux aptitudes complémentaires : l'autonomie et la responsabilité nécessaires au télétravail. La formation des managers à ce management à distance est également fortement recommandée. Enfin, le risque d'isolement des télétravailleurs doit être pris en compte ; la mise en place de dispositifs spécifiques pour garantir le maintien du lien social doit participer de la responsabilité sociale de l'entreprise.

Le télétravail en période de crise

En cas de circonstances exceptionnelles, notamment de menace d'épidémie ou en cas de force majeure, la mise en œuvre du télétravail peut être considérée comme un aménagement du poste de travail rendu nécessaire pour permettre la continuité de l'activité de l'entreprise et garantir la protection des salariés (C. trav., art. L. 1222-11). Dans ce cas, la décision de recourir à cette forme de travail relève du pouvoir de direction unilatérale de l'employeur. Il est fortement recommandé de prévoir dans l'accord collectif ou la charte relatifs au télétravail d'anticiper une telle situation et de prévoir les modalités applicables à ces situations. Notamment, l'élaboration d'un plan de continuité d'activité et l'identification - en amont - des activités éligibles est recommandé. Les règles d'organisation du travail applicables au télétravail régulier ou occasionnel ont vocation à s'appliquer également au télétravail en cas de circonstances exceptionnelles ou de force majeure ; toutefois, le principe de double volontariat ne s'applique pas et l'utilisation des outils personnels des salariés est possible en l'absence d'outils nomades fournis par l'employeur la prise en charge des frais professionnels du télétravail devant être assurée par l'employeur.

L'accord collectif ou la charte sur le télétravail doit également comporter une disposition sur les conditions de passage en télétravail en cas d'épisode de pollution mentionné à l'article L. 223-1 du code de l'environnement (C. trav., art. L. 1222-9).

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Questions fréquemment posées

Comment mettre en place le télétravail, hors circonstances exceptionnelles ?

Le télétravail peut être mis en place par accord collectif ou, à défaut, dans le cadre d’une charte élaborée par l’employeur après avis du comité social et économique s’il existe. En l’absence d’accord collectif ou de charte, le salarié et l’employeur peuvent convenir de recourir au télétravail en formalisant leur accord par tout moyen.

L’employeur peut-il imposer le télétravail à ses salariés ?

Lorsqu’un salarié travaille déjà dans l’entreprise, l’employeur peut lui proposer un passage en télétravail, mais il ne peut pas l’y contraindre. Le refus d’accepter de télétravailler n’est pas un motif de rupture du contrat de travail. Toutefois, en cas de circonstances exceptionnelles, notamment de menace d’épidémie, ou en cas de force majeure, la mise en œuvre du télétravail peut être considérée comme un aménagement du poste de travail rendu nécessaire pour permettre la continuité de l’activité de l’entreprise et garantir la protection des salariés et le salarié doit alors s’y soumettre.

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