Fiche thématique
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1 avril 2023

Le statut de gérant-mandataire étant à la frontière de plusieurs autres statuts, il nécessite une certaine prudence dans sa conception et sa mise en œuvre.

Particulièrement, le contrat de gérance-mandant se distingue, en principe, du contrat de travail en ce que l’employé est dans un lien de subordination avec son employeur, alors que le gérant-mandataire jouit à l’égard du mandant de toute l’indépendance compatible avec sa mission.

Sommaire

Risques de requalification du contrat de gérance- mandat

En pratique, le gérant-mandataire se situe à la frontière entre :

  • un entrepreneur qui dispose de toute latitude pour déterminer ses conditions de travail ou embaucher du personnel à ses frais et sous son pouvoir de direction ; et
  • un salarié qui agit dans un cadre tracé, le mandant lui fixant, le cas échéant, des normes dans l’exploitation du fonds.

L’application du statut de gérant de succursale pourrait également s’appliquer si les critères définis à l’article L. 7321-2 du code du travail sont réunis. Un risque de requalification en agent commercial n’est en outre pas à exclure.

La requalification en contrat de travail

La notion d'autonomie laissée au gérant-mandataire

Un contrat de travail est caractérisé, indépendamment de la qualification donnée au contrat par les parties, dès lors qu’il existe un lien de subordination, celui-ci étant caractérisé par « l’exécution d’un travail sous l’autorité d’un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné » ( Cass. soc., 13 nov. 1996, no 94-13.187 ).

Or, dans la gérance-mandat, le mandant a précisément un pouvoir de délimiter la mission et de contrôler son application.

Pour limiter le risque de requalification du contrat de gérance-mandat en contrat de travail et mettre fin au contentieux nourri sur cette question, la loi no 2010-853 du 23 juillet 2010 relative aux réseaux consulaires, au commerce de l’artisanat à l’artisanat et aux services a apporté à l’alinéa 2 de l’article L. 146-1 du code de commerce la précision suivante : la mission confiée au gérant-mandataire peut préciser les normes de gestion et d’exploitation du fonds à respecter et les modalités du contrôle susceptible d’être effectué par le mandant sans que ces clauses commerciales ne soient de nature à modifier la nature du contrat (ex. : gestion du stock, présentation des produits, respect du concept, etc.).

L’essentiel est que le gérant-mandataire bénéficie de toute latitude pour déterminer ses conditions de travail (ex. : horaires d’ouverture), embaucher du personnel et se substituer des remplaçants dans son activité (C. com., art. L. 146-1, al. 1).

Le degré d’autonomie du gérant-mandataire est ainsi un critère déterminant qui doit être apprécié concrètement

Un équilibre doit donc être trouvé entre consignes inhérentes à la gérance-mandat, nécessaires pour préserver la valeur du fonds, la performance financière de son exploitation, le cas échéant, l’image de la marque et le maintien de la cohérence du réseau, sans basculer dans l’existence d’un lien de subordination.

La preuve de l’existence d’un lien de subordination

Pour retenir l’existence d’un lien de subordination, justifiant la requalification en contrat de travail, le juge pratique la méthode du faisceau d’indices.

L’application du statut de gérant de succursale

Des conditions cumulatives

Est gérant de succursale toute personne (C. trav., art. L. 7321-2 ) :

1o Chargée, par le chef d’entreprise ou avec son accord, de se mettre à la disposition des clients durant le séjour de ceux-ci dans les locaux ou dépendances de l’entreprise, en vue de recevoir d’eux des dépôts de vêtements ou d’autres objets ou de leur rendre des services de toute nature ;

2o Dont la profession consiste essentiellement :

a) Soit à vendre des marchandises de toute nature qui leur sont fournies exclusivement ou presque exclusivement par une seule entreprise, lorsque ces personnes exercent leur profession dans un local fourni ou agréé par cette entreprise et aux conditions et prix imposés par cette entreprise ;

b) Soit à recueillir les commandes ou à recevoir des marchandises à traiter, manutentionner ou transporter, pour le compte d’une seule entreprise, lorsque ces personnes exercent leur profession dans un local fourni ou agréé par cette entreprise et aux conditions et prix imposés par cette entreprise.

Ces conditions sont cumulatives.

Le critère décisif de la dépendance

Dès lors qu’une activité de distribution de produits est confiée au gérant-mandataire, les marchandises commandées sont nécessairement réceptionnées dans un local fourni par le mandant, dans lequel elles sont traitées, manutentionnées et mises en rayon. Quant aux prix, rien ne s’oppose en principe à ce qu’ils puissent l’être dans le cadre d’une gérance-mandat. De même, les conditions de vente sont généralement précisées et imposées au gérant-mandataire.

Le critère essentiel pour caractériser le statut de gérant de succursale est la dépendance économique de ce dernier à l'égard du propriétaire du fonds. La Cour de cassation apprécie pour cela l’importance des revenus tirés de la vente des produits et services non soumis à exclusivité ou quasi-exclusivité ( Cass. soc., 19 juin 1990, no 86-45.594  ; Cass. soc., 22 avr. 1992, no 89-40.058 ).

Pour bénéficier du régime institué par l’article L. 7321-2 du code du travail, la preuve de l’existence d’un lien de subordination n’est pas exigée ( Cass. soc., 4 déc. 2001, no 99-41.265, no 5034 FS-P + B + R ).

Les conséquences de l’application du statut de gérant de succursale

Dès lors que les conditions de l’article L. 7321-2 du code du travail sont cumulativement réunies, le gérant pourra se prévaloir des dispositions de ce code. Il pourra ainsi revendiquer le paiement d’un salaire et, le cas échéant, d’heures supplémentaires, des congés payés, l’application des stipulations relatives au licenciement sans cause réelle et sérieuse. Il pourra également demander à bénéficier de la convention collective applicable.

Toutefois, les dispositions du code du travail ne sont pas toujours les plus favorables. Par exemple, la rémunération minimale du gérant de succursale est légalement fixée au Smic, alors qu’elle peut être fixée conventionnellement à un montant supérieur dans le cadre d’un contrat de gérance-mandat.

La distinction entre gérant-mandataire et agent commercial

L’agent commercial est un mandataire qui, à titre de profession indépendante, sans être lié par un contrat de louage de services, est chargé de façon permanente de négocier et éventuellement de conclure des contrats de vente, d’achat, de location ou de prestation de services au nom et pour le compte de producteurs, d’industriels, de commerçants ou d’autres agents commerciaux (C. com., art. L. 134-1 ).

Il bénéficie d’un statut particulièrement protecteur, étant rappelé qu’en cas de résiliation, il peut prétendre à une indemnisation égale à 2 ans de commissions calculées sur la moyenne des trois dernières années d’exécution du contrat.

Or, la distinction entre un gérant-mandataire et un agent commercial peut parfois être délicate, surtout lorsque le premier bénéficie d’une grand autonomie pour exécuter sa mission (fixation des prix, de la politique promotionnelle, etc.).

Alors que le gérant-mandataire gère le fonds, fournit des produits et services à une clientèle attirée par l’enseigne du mandant, l’agent commercial exerce principalement une fonction de prospection et de fidélisation de la clientèle. Les missions principales de ce dernier consistent en effet à apporter de nouveaux clients au mandant et à développer les opérations avec les clients existants ( CJUE, 4 juin 2020, aff. C-828/18, Trendsetteuse ). En revanche, il n’est pas exigé que l’agent commercial dispose de la faculté de modifier les prix des produits ou services de son mandant ou les autres conditions des contrats conclus au nom de ce dernier ( Cass. com., 2 déc. 2020, no 18-20.231, no 735 F-P  ; Cass. com., 12 mai 2021, no 19-17.042, no 474 FS-P  ; Cass. com., 7 sept. 2022, no 18-15.964 ).

En conclusion, le statut du gérant-mandataire peut présenter certains avantages pour le développement d’un réseau. Il peut notamment s’envisager comme une période transitoire, avant une exploitation aux risques et périls du seul exploitant dans le cadre d’une location-gérance voire d’une reprise concomitamment à la conclusion d’un contrat d’enseigne (franchise, concession ou autre).

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