La demande de déspécialisation
L’obligation de notifier la demande de déspécialisation aux créanciers inscrits
Le locataire de locaux commerciaux peut, sur sa demande, être autorisé à exercer dans les lieux loués une ou plusieurs activités différentes de celles prévues au bail, en raison de la conjoncture économique et des nécessités de l’organisation rationnelle de la distribution, lorsque ces activités sont compatibles avec la destination, les caractères et la situation de l’immeuble ou de l’ensemble immobilier (C. com., art. L. 145-48 ).
Cette autorisation doit être demandée au bailleur par acte extrajudiciaire ou par lettre recommandée AR et doit, à peine de nullité, indiquer les activités dont l’exercice est envisagé (C. com., art. L. 145-49, al. 1). Le locataire commet une infraction au bail s’il exerce la nouvelle activité avant d’avoir obtenu cette autorisation.
Le locataire doit en outre notifier aux créanciers inscrits sur le fonds de commerce sa demande de déspécialisation par acte extrajudiciaire ou par lettre recommandée AR (C. com., art. L. 145-49, al. 1). En effet, le changement d’activité peut changer profondément l’assiette de la sûreté.
Le bailleur dispose d’un délai de trois mois, à partir de la demande du locataire, pour lui notifier sa réponse. Il peut accepter purement et simplement la transformation, la refuser ou assortir son autorisation de certaines conditions. S’il ne répond pas dans le délai qui lui est imparti, il est réputé avoir acquiescé à la demande (C. com., art. L. 145-49, al. 3).
Les droits des créanciers nantis
En cas de déspécialisation, la loi accorde plusieurs prérogatives aux créanciers bénéficiaires d’un nantissement sur le fonds de commerce.
Le maintien de leurs droits sur le fonds nouveau
Les droits des créanciers inscrits sur l’ancien fonds sont reportés sur le fonds transformé avec leur rang antérieur (C. com., art. L. 145-50, al. 3). Les créanciers nantis n’ont donc pas à craindre l’apparition d’un fonds nouveau.
La sauvegarde de leurs intérêts
Si les créanciers inscrits craignent d’être lésés par la transformation du fonds de commerce, ils peuvent demander que le changement d’activité soit subordonné à certaines conditions de nature à sauvegarder leurs intérêts (C. com., art. L. 145-49, al. 1). On peut déduire de la lettre de cet article que les créanciers n’ont pas de droit d’opposition à la transformation.
Ainsi, les créanciers inscrits pourraient demander la constitution de sûretés nouvelles.
L’article L. 145-49, alinéa 1 ne précise ni la forme de cette « demande » ni son destinataire. A notre avis, la demande peut être adressée au locataire, puisque c’est lui qui notifie sa demande de déspécialisation aux créanciers inscrits. A défaut d’accord sur les conditions exigées par les créanciers, la demande doit être portée en justice.
Aucun délai de rigueur n’est imparti aux créanciers inscrits pour former leur demande. L’extension par voie d’analogie du délai imparti au bailleur pour répondre au locataire est impossible. Il s’ensuit que l’on doit admettre que les créanciers inscrits puissent présenter leur demande non seulement pendant ce délai, mais également, en cas de contestation, au cours de la procédure et ce, jusqu’au jugement.
La déchéance du terme
Les créanciers inscrits peuvent, en outre, demander la déchéance du terme si la déspécialisation a eu lieu sans leur consentement.
En effet, l’article 1305-4 du code civil dispose que « le débiteur ne peut réclamer le bénéfice du terme s’il ne fournit pas les sûretés promises au créancier ou s’il diminue celles qui garantissent l’obligation ».