Dirigeants visés
Peuvent être condamnés les dirigeants de droit, c'est-à-dire ceux normalement désignés par l'organe social compétent, à savoir, si l'on se limite à la société anonyme traditionnelle, le directeur général, le simple administrateur (Com. 31 mai 2011, no 09-13.975), mais pas le président du conseil d'administration, sauf si ce dernier cumule les fonctions de président et de directeur général. Il en est de même des dirigeants de fait, c'est-à-dire les personnes qui, sans avoir été nommées à une fonction de dirigeant, exercent en toute indépendance, directement ou par personne interposée, une activité de direction dans la société.
Auteur de l'action en responsabilité
Le régime de la responsabilité n'est pas le même selon que l'action en responsabilité est exercée par la société ou par les tiers. L'action exercée par un associé doit également être envisagée.
L'action émane de la société
Tout manquement peut être source d'une action en responsabilité : acte positif (acte de concurrence déloyale, etc.) ou abstention (défaut de surveillance d'un préposé, etc.), pluralité de faits ou fait unique. Cette action sera généralement exercée par le nouveau dirigeant social contre l'ancien. Mais elle peut également être exercée au cours du mandat social et avoir pour auteur les associés, soit individuellement, soit en se groupant, au titre de l'action sociale ut singuli , à condition de détenir une certaine fraction du capital social (5 % dans les sociétés de capitaux). Le produit des dommages-intérêts éventuellement alloués sera alors versé à la société.
Toutefois, la Cour de cassation considère qu'est d'irrecevable une action ut singuli d'actionnaires minoritaires d'une société-mère, exercée contre les dirigeants des filiales de celle-ci (Com., 13 mars 2019, no 17-22.128).
L'action en responsabilité émane d'un tiers
La responsabilité personnelle du gérant ne sera alors admise qu'à des conditions très strictes : elle ne peut être retenue que s'il a commis une faute détachable de ses fonctions ; il en est ainsi lorsque le dirigeant commet intentionnellement une faute d'une particulière gravité incompatible avec l'exercice normal de ses fonctions sociales (Com. 20 mai 2003, no 99-17.092). Constitue, par exemple, une faute détachable le fait, pour le gérant, de céder deux fois la même créance à deux banquiers différents, afin de tromper les tiers sur la solvabilité de la société, de participer délibérément, de manière personnelle et active, à des actes de contrefaçon et de concurrence déloyale (Com. 7 juill. 2004, no 02-17.729), ou encore de commettre une faute constitutive d'une infraction pénale intentionnelle (Com. 23 sept. 2010, no 09-66.255).
L'action émane d'un associé
Pour prétendre obtenir réparation, l'associé doit se prévaloir d'un préjudice subi personnellement, distinct de celui dont peuvent se prévaloir la société et la collectivité des associés. La responsabilité du dirigeant peut être retenue même pour des fautes qui ne sont pas détachables de ses fonctions (Com. 9 mars 2010, no 08-21.547).
Régime de la responsabilité civile des dirigeants sociaux
Caractère d'ordre public
Est réputée non écrite toute clause des statuts ayant pour effet de subordonner l'exercice de l'action sociale à l'avis préalable ou à l'autorisation de l'assemblée, ou qui comporterait par avance renonciation à l'exercice de cette action. De plus, aucune décision de l'assemblée ne peut avoir pour effet d'éteindre une action en responsabilité contre les dirigeants pour faute commise dans l'accomplissement de leur mandat. Le quitus donné au dirigeant pour sa gestion n'interdit donc pas l'exercice ultérieur d'une action en responsabilité contre lui.
Pluralité de dirigeants
Si la société comporte plusieurs dirigeants, en principe, c'est seulement celui qui a commis le fait dommageable qui sera poursuivi. Toutefois, si plusieurs d'entre eux ont coopéré aux mêmes faits, le tribunal détermine la part contributive de chacun dans la réparation du dommage.
Prescription et compétence
L'action en responsabilité se prescrit par trois ans à compter du fait dommageable ou, s'il a été dissimulé, de sa révélation ; toutefois, lorsque le fait est qualifié de crime, l'action se prescrit par dix ans.
Les actions sont portées devant le tribunal de commerce.
Responsabilité en cas de liquidation judiciaire
Lorsque la liquidation judiciaire d'une personne morale fait apparaître une insuffisance d'actif, le tribunal peut, en cas de faute de gestion ayant contribué à cette insuffisance d'actif, décider que les dettes de la personne morale seront supportées, en tout ou partie, par tous les dirigeants de droit ou de fait ou par certains d'entre eux, ayant contribué à la faute de gestion. En cas de pluralité de dirigeants, le tribunal peut, par décision motivée, les déclarer solidairement responsables. Il s'agit là de l'action en responsabilité pour insuffisance d'actif.
L'action se prescrit par trois ans à compter du jugement qui prononce la liquidation judiciaire ou la résolution du plan (C. com., art. L. 651-2 ; v. Action en responsabilité pour insuffisance d'actif).