Fiche thématique
4 min de lecture
27 juillet 2023
Les dirigeants sociaux sont responsables, individuellement ou solidairement, selon le cas, envers la société ou envers les tiers, soit des infractions aux dispositions législatives ou réglementaires applicables à chaque type de société, soit des violations des statuts, soit des fautes commises dans leur gestion.

Sommaire

Dirigeants visés

Peuvent être condamnés les dirigeants de droit, c'est-à-dire ceux normalement désignés par l'organe social compétent, à savoir, si l'on se limite à la société anonyme traditionnelle, le directeur général, le simple administrateur (Com. 31 mai 2011, no 09-13.975), mais pas le président du conseil d'administration, sauf si ce dernier cumule les fonctions de président et de directeur général. Il en est de même des dirigeants de fait, c'est-à-dire les personnes qui, sans avoir été nommées à une fonction de dirigeant, exercent en toute indépendance, directement ou par personne interposée, une activité de direction dans la société.

Auteur de l'action en responsabilité

Le régime de la responsabilité n'est pas le même selon que l'action en responsabilité est exercée par la société ou par les tiers. L'action exercée par un associé doit également être envisagée.

L'action émane de la société

Tout manquement peut être source d'une action en responsabilité : acte positif (acte de concurrence déloyale, etc.) ou abstention (défaut de surveillance d'un préposé, etc.), pluralité de faits ou fait unique. Cette action sera généralement exercée par le nouveau dirigeant social contre l'ancien. Mais elle peut également être exercée au cours du mandat social et avoir pour auteur les associés, soit individuellement, soit en se groupant, au titre de l'action sociale ut singuli , à condition de détenir une certaine fraction du capital social (5 % dans les sociétés de capitaux). Le produit des dommages-intérêts éventuellement alloués sera alors versé à la société.

Toutefois, la Cour de cassation considère qu'est d'irrecevable une action ut singuli d'actionnaires minoritaires d'une société-mère, exercée contre les dirigeants des filiales de celle-ci (Com., 13 mars 2019, no 17-22.128).

L'action en responsabilité émane d'un tiers

La responsabilité personnelle du gérant ne sera alors admise qu'à des conditions très strictes : elle ne peut être retenue que s'il a commis une faute détachable de ses fonctions ; il en est ainsi lorsque le dirigeant commet intentionnellement une faute d'une particulière gravité incompatible avec l'exercice normal de ses fonctions sociales (Com. 20 mai 2003, no 99-17.092). Constitue, par exemple, une faute détachable le fait, pour le gérant, de céder deux fois la même créance à deux banquiers différents, afin de tromper les tiers sur la solvabilité de la société, de participer délibérément, de manière personnelle et active, à des actes de contrefaçon et de concurrence déloyale (Com. 7 juill. 2004, no 02-17.729), ou encore de commettre une faute constitutive d'une infraction pénale intentionnelle (Com. 23 sept. 2010, no 09-66.255).

L'action émane d'un associé

Pour prétendre obtenir réparation, l'associé doit se prévaloir d'un préjudice subi personnellement, distinct de celui dont peuvent se prévaloir la société et la collectivité des associés. La responsabilité du dirigeant peut être retenue même pour des fautes qui ne sont pas détachables de ses fonctions (Com. 9 mars 2010, no 08-21.547).

Régime de la responsabilité civile des dirigeants sociaux

Caractère d'ordre public

Est réputée non écrite toute clause des statuts ayant pour effet de subordonner l'exercice de l'action sociale à l'avis préalable ou à l'autorisation de l'assemblée, ou qui comporterait par avance renonciation à l'exercice de cette action. De plus, aucune décision de l'assemblée ne peut avoir pour effet d'éteindre une action en responsabilité contre les dirigeants pour faute commise dans l'accomplissement de leur mandat. Le quitus donné au dirigeant pour sa gestion n'interdit donc pas l'exercice ultérieur d'une action en responsabilité contre lui.

Pluralité de dirigeants

Si la société comporte plusieurs dirigeants, en principe, c'est seulement celui qui a commis le fait dommageable qui sera poursuivi. Toutefois, si plusieurs d'entre eux ont coopéré aux mêmes faits, le tribunal détermine la part contributive de chacun dans la réparation du dommage.

Prescription et compétence

L'action en responsabilité se prescrit par trois ans à compter du fait dommageable ou, s'il a été dissimulé, de sa révélation ; toutefois, lorsque le fait est qualifié de crime, l'action se prescrit par dix ans.

Les actions sont portées devant le tribunal de commerce.

Responsabilité en cas de liquidation judiciaire

Lorsque la liquidation judiciaire d'une personne morale fait apparaître une insuffisance d'actif, le tribunal peut, en cas de faute de gestion ayant contribué à cette insuffisance d'actif, décider que les dettes de la personne morale seront supportées, en tout ou partie, par tous les dirigeants de droit ou de fait ou par certains d'entre eux, ayant contribué à la faute de gestion. En cas de pluralité de dirigeants, le tribunal peut, par décision motivée, les déclarer solidairement responsables. Il s'agit là de l'action en responsabilité pour insuffisance d'actif.

L'action se prescrit par trois ans à compter du jugement qui prononce la liquidation judiciaire ou la résolution du plan (C. com., art. L. 651-2 ; v. Action en responsabilité pour insuffisance d'actif).

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Questions fréquemment posées

La violation de la « raison d’être » de la société peut-elle entraîner la mise en cause de la responsabilité civile des dirigeants sociaux ?

Si une société a adopté une « raison d’être » – « constituée des principes dont la société se dote et pour le respect desquels elle entend affecter des moyens dans la réalisation de son activité » – qu’elle a insérée dans ses statuts, la violation de cette raison d’être pourrait entraîner la mise en cause de la responsabilité civile de ses dirigeants envers elle ou envers les associés. En effet, la violation des statuts engage la responsabilité des dirigeants à l’égard de la société et des associés.

La faute pénale du dirigeant social constitue-t-elle toujours une faute détachable de ses fonctions ?

Pour la Cour de cassation, la faute pénale du dirigeant n’est pas nécessairement une faute séparable des fonctions ; pour qu’elle le soit, la faute doit être constitutive d’une infraction pénale intentionnelle. Ainsi la seule constatation d'un manquement du dirigeant aux obligations de dépôt des comptes sociaux (qui constitue une contravention) ne suffit pas à caractériser la faute séparable du dirigeant.

Quelle faute engage la responsabilité civile du dirigeant d’un groupement non doté de la personnalité morale vis-à-vis des tiers ?

L’hypothèse vise la société en participation ou l’association non déclarée. Dans ce cas, faute de personnalité juridique, le groupement ne fait pas écran entre le tiers et le dirigeant visé par une action en responsabilité. En conséquence, toute faute commise par les dirigeants d'une collectivité dépourvue de personnalité juridique constitue une faute personnelle de nature à engager leur responsabilité à l'égard du tiers qui en est victime, peu important que la faute soit ou non détachable de l'exercice de leurs fonctions.

Sur quel fondement juridique peut-on rechercher la responsabilité civile du dirigeant de fait ?

L’action en responsabilité civile spécifique au droit des sociétés vise le dirigeant de droit et non pas le dirigeant de fait. Ainsi, par exemple, le gérant de fait d’une Sarl ne saurait donc être condamné à des dommages-intérêts sur le fondement de l’article L. 223-22 du code de commerce. Cela ne signifie en aucun cas l’impunité du dirigeant de fait ; simplement, celui-ci sera poursuivi sur le fondement du droit commun des obligations, c’est-à-dire en application de l’article 1240 du code civil, le demandeur à l’action devant alors établir, outre la faute, le préjudice et le lien de causalité, la qualité de dirigeant de fait de celui contre lequel il la diligente (ainsi que le caractère détachable des fonctions de la faute commise, si l’action est exercée par un tiers). Le dirigeant de fait est dans une situation moins favorable que le dirigeant de droit, car il ne bénéficie pas de la prescription triennale, qui concerne les actions en responsabilité contre les dirigeants de droit. En ce qui le concerne, c’est le délai de prescription quinquennale de droit commun qui s’applique.

Le quitus donné à un dirigeant par les associés pour sa gestion lui permet-il d’échapper à la mise en cause de sa responsabilité par ceux-ci ?

Non. La Cour de cassation a jugé, en application du troisième alinéa de l’article 1843-5 du code civil, selon lequel « aucune décision de l’assemblée des associés ne peut avoir pour effet d’éteindre une action en responsabilité contre les gérants pour la faute commise dans l’accomplissement de leur mandat », que le quitus donné par l'assemblée des associés ne peut avoir d'effet libératoire au profit du dirigeant pour les fautes commises dans sa gestion.

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