Entreprise individuelle ou société ?
Le choix entre entreprise individuelle ou société dépend, entre autres, du secteur d’activité, des besoins de financement et des perspectives de développement, sans oublier les aspirations personnelles du créateur. Il est donc indispensable, pour tout créateur, d’analyser son projet afin d’opter, dès le départ, pour le mode d’exploitation le plus approprié. De ce choix vont découler de multiples conséquences fiscales, sociales et patrimoniales qu’il est indispensable d’évaluer.
Remarque
Par exemple, l’exercice d’une activité de conseil se prête volontiers au statut d’entrepreneur individuel. En effet, le créateur d’une telle entreprise maîtrise l’expertise technique nécessaire à cette activité. L’entreprise est ainsi intimement liée à la personnalité de son créateur. Les besoins financiers sont limités et ne nécessitent pas d’apports extérieurs. A l’inverse, une activité industrielle nécessitant des équipements onéreux ne pourra le plus souvent être entreprise que sous forme d’une société réunissant plusieurs associés, chacun apportant sa quote-part de savoir-faire et de capitaux nécessaires à l’exploitation.
Ces deux situations illustrent les différences fondamentales qui existent entre l’entreprise individuelle et la société et leurs conséquences induites :
- connexion entre l’entreprise et l’entrepreneur : celle-ci est forte dans le cadre d’une entreprise individuelle alors qu’une société est une entité à part entière, dotée de la personnalité morale et d’un patrimoine propre et qui se distingue ainsi de ses associés ;
- moyens financiers : les possibilités de financement (et donc de développement) sont limitées dans une entreprise individuelle ; a contrario, une société peut faire appel tant à ses associés qu’aux établissements financiers pour lever des fonds. Il convient également de souligner qu’une société dispose d’une crédibilité bien supérieure à celle d’une entreprise individuelle, en particulier vis-à-vis de ses partenaires commerciaux et financiers ;
Remarque
Il est indispensable d’évaluer les besoins de financement de l’activité entreprise, tant au lancement qu’en régime de croisière. Ces besoins ont, en toute logique, été quantifiés lors de l’élaboration du business plan. Ils dépendent de multiples facteurs, tels que le type de produit ou de service, le processus de production (intégration ou sous-traitance), le mode de commercialisation (force de vente interne ou non).
- étendue de la responsabilité : le choix de l’entreprise individuelle implique un degré de responsabilité très élevé du dirigeant face aux créanciers. Le législateur a pris conscience de cette situation et a mis en place un certain nombre de dispositifs destinés à protéger le patrimoine du chef d’entreprise (voir Observations ci-après). Dans le cas d’une société, le risque encouru par les associés se limite, en principe, au montant des apports (sauf en cas de faute de gestion grave ou de cautionnement donné par le dirigeant) ;
- régimes fiscaux et sociaux différents : les cotisations sociales et impositions auxquelles seront soumises les rémunérations du dirigeant dépendront du statut juridique adopté lors de la création de l’entreprise. Il convient donc d’étudier scrupuleusement les incidences de ce choix.
Un large éventail de statuts
L’entreprise individuelle
L’article 1er de la loi en faveur de l'activité professionnelle indépendante instaure, pour « les personnes physiques exerçant leur activité professionnelle en leur nom propre », un statut unique d'entrepreneur individuel reposant sur la séparation des patrimoines professionnel et personnel.
Ce statut se caractérise par :
- une entière latitude du créateur sur son exploitation (liberté, en particulier, de disposer de ses bénéfices…) ;
- une responsabilité limitée ;
Remarque
Depuis le 15 mai 2022, en application de la loi en faveur de l’activité professionnelle indépendante, le patrimoine personnel de l’entrepreneur individuel est séparé de son patrimoine professionnel. Le droit de gage des créanciers dont les droits sont nés à l’occasion de l’activité professionnelle de l’entrepreneur individuel est désormais limité à ce patrimoine professionnel, sauf sûretés conventionnelles ou renonciation exercée dans certaines conditions.
- une imposition de ses résultats dans la catégorie impôt sur le revenu (IR) ;
- l’affiliation à la Sécurité sociale des indépendants et le cas échéant à l’une des sections professionnelle de la CNAVPL ;
- des formalités de création simple ;
- aucun capital minimum exigé.
La société « multi-associés »
La palette est large : de la SARL (avec 2 associés minimum) à la société anonyme (2 associés minimum), en passant par la société par actions simplifiée (2 associés minimum).
La société possède son propre patrimoine, distinct de celui de ses associés. Ainsi, en cas de difficultés financières, les créanciers ne pourront pas saisir les biens des associés (sauf cas de faute de gestion grave). Le dirigeant doit rendre des comptes à ses associés sur sa gestion.
Les formalités de création sont plus complexes que dans le cas d’une entreprise individuelle.
La société unipersonnelle
Entre ces deux formules, il existe une forme sociale mixte, qui permet au créateur de contrôler l’ensemble de ses décisions, puisqu’il n’a pas d’associé, tout en offrant une certaine étanchéité entre le patrimoine du dirigeant et celui de la société. Il existe notamment :
- l’EURL (SARL avec un seul associé) ;
- l’EIRL : ce statut permet d’exercer sous forme individuelle tout en mettant à l’abri son patrimoine privé (voir Observations ci-après) ;
- la SASU, société par actions simplifiée unipersonnelle.
Garder le contrôle ?
Un choix dicté par les circonstances
Le créateur est très fréquemment confronté à la problématique du contrôle de son entreprise. Doit-il détenir le contrôle et être ainsi maître du destin de l’entreprise, ou partager pour favoriser l’apport de compétences et également de financements ?
Cette décision sera souvent dictée par les circonstances ainsi que la phase de développement dans laquelle se situe l’entreprise : au démarrage, l’entrepreneur sera souvent seul, tant pour gérer l’activité que pour la financer. Ce n’est que lorsque le développement sera clairement amorcé que la décision de faire entrer des partenaires va se poser. Cette problématique est fréquemment vécue lorsque des investissements importants sont nécessaires à la poursuite du développement et que seuls des fonds externes sont disponibles (par exemple : « private equity »). Dans l’hypothèse de l’entrée d’un fonds d’investissement dans le capital, il est fréquent que le créateur soit dilué et qu’il perde ainsi le contrôle de son entreprise.
Certains dispositifs permettent de garder à terme le contrôle
Il s’agit :
- des actions à droit de vote double : ce mécanisme permet au créateur d’accroître son contrôle au-delà de la part de capital qu’il détient ;
- des actions de préférence : leurs détenteurs ont des droits de contrôle spécifiques ;
- des clauses d’agrément permettant de verrouiller la composition du capital.
Comment l’entrepreneur individuel peut protéger son patrimoine personnel ?
Il n’est désormais plus possible d’opter pour régime de l’entrepreneur individuel à responsabilité limitée (EIRL) qui permettait de mettre le patrimoine privé à l’abri des créanciers professionnels, en logeant les biens utilisés par l’activité dans un patrimoine affecté. Le régime de l’EIRL continue toutefois à s’appliquer pour les entrepreneurs exerçant sous ce statut à la date de la publication de la loi en faveur de l’activité professionnelle indépendante.
Désormais, le code du commerce prévoit expressément la séparation des patrimoines privé et professionnel pour les entrepreneurs individuels. Néanmoins, il est toujours possible d’isoler l’ensemble des biens fonciers non affectés à l’activité professionnelle des poursuites des créanciers en procédant à une déclaration d’insaisissabilité.