Fiche thématique
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14 mars 2024
La loi en faveur de l’activité professionnelle indépendante crée, pour les travailleurs indépendants, un statut unique d’entrepreneur individuel reposant sur la séparation des patrimoines professionnel et personnel. Ce nouveau statut unique est applicable de plein droit depuis le 15 mai 2022.

Sommaire

Un nouveau statut protecteur de l’entrepreneur individuel

La loi du 14 février 2022, en faveur de l’activité professionnelle indépendante instaure la séparation des patrimoines professionnel et personnel de la personne physique. Ce nouveau statut est applicable de plein droit depuis le 15 mai 2022.

Une définition de l’entrepreneur individuel

L’entrepreneur individuel est défini comme toute personne physique qui exerce en son nom propre une ou plusieurs activités professionnelles indépendantes. Cette définition vise tant les commerçants, les artisans, les agriculteurs que les professions libérales, même réglementées.

Remarque

Le statut d’entrepreneur individuel n’est pas accessible aux étrangers ressortissants de pays non-membres de l’Union européenne qui ne disposent pas d’un titre de séjour les autorisant à exercer sous ce statut ( L. no 2024-42, 26 janv. 2024, art. 29 : JO, 27 janv.).

Un principe : la séparation des patrimoines

La loi en faveur des indépendants distingue désormais les patrimoines personnel et professionnel de l’entrepreneur individuel, sans aucune démarche.

Attention ! La distinction des patrimoines personnel et professionnel de l’entrepreneur individuel ne l’autorise plus à se porter caution en garantie d’une dette dont il est le débiteur principal.

A la différence de l’ancienne option pour le régime de l’EIRL, l’entrepreneur individuel bénéficie de la séparation des patrimoines sans déclaration d’affectation ni état descriptif.

Remarque

En cas de cessation d’activité professionnelle de l’entrepreneur individuel, les deux patrimoines sont réunis, de même en cas de décès sous réserve de l’application des mesures propres aux procédures collectives.

Une exception : les dettes sociales et fiscales

En principe, le recouvrement des cotisations et contributions sociales ne peut être recherché que sur le patrimoine professionnel. Les dettes de l’entrepreneur individuel envers les organismes de recouvrement des cotisations et contributions sociales sont professionnelles. Toutefois, le droit de gage de l’administration fiscale et des organismes de Sécurité sociale porte sur l’ensemble des patrimoines professionnel et personnel de l’entrepreneur individuel, sans autorisation préalable du juge :

  • en cas de manœuvres frauduleuses ou d’inobservation grave et répétée de ses obligations fiscales au titre de son entreprise ou à titre personnel ou d’inobservation grave et répétée dans le recouvrement des cotisations et contributions sociales au titre de son entreprise ;
  • pour le recouvrement de l’impôt sur le revenu et des prélèvements sociaux (sauf option de l’entrepreneur pour l’impôt sur les sociétés), ainsi que de la taxe foncière afférente aux biens utiles à l’activité professionnelle, dont l’entrepreneur individuel ou son foyer fiscal est redevable ;
  • pour le recouvrement par les organismes de Sécurité sociale de l’impôt sur le revenu dû par les micro-entrepreneurs (versement forfaitaire libératoire) ou des contributions sociales (CSG et CRDS).

Remarque

L’article R. 133-9-4-1 du code de la sécurité sociale précise quelles situations constituent des inobservations graves et répétées, par les entrepreneurs individuels, des prescriptions de la législation sociale au titre de leur activité.

Définition du patrimoine professionnel

Notion d’utilité à l’activité

Les biens, droits, obligations et sûretés de l’entrepreneur individuel qui sont utiles à son activité ou à ses activités professionnelles indépendantes constituent désormais son patrimoine professionnel. Ces biens, droits, obligations et sûretés s’entendent de ceux qui, par nature, par destination ou en fonction de leur objet, servent à cette activité. Sous réserve des règles relatives aux procédures collectives, le patrimoine professionnel ne peut pas être scindé.

Composition du patrimoine professionnel

Sont des éléments susceptibles de constituer le patrimoine professionnel de l’entrepreneur individuel :

  • le fonds de commerce, le fonds artisanal, le fonds agricole, tous les biens corporels ou incorporels qui les constituent et les droits y afférents et le droit de présentation de la clientèle d’un professionnel libéral ;
  • les biens meubles comme la marchandise, le matériel et l’outillage, le matériel agricole, ainsi que les moyens de mobilité pour les activités itinérantes telles que la vente et les prestations à domicile, les activités de transport ou de livraison ;
  • les biens immeubles servant à l’activité, y compris la partie de la résidence principale de l’entrepreneur individuel utilisée pour un usage professionnel ;

Remarque

Lorsque ces immeubles sont détenus par une société dont l’entrepreneur individuel est actionnaire ou associé et qui a pour activité principale leur mise à disposition au profit de l’entrepreneur individuel, les actions ou parts d’une telle société doivent être incluses dans le patrimoine professionnel.

  • les biens incorporels comme les données relatives aux clients, les brevets d’invention, les licences, les marques, les dessins et modèles, et plus généralement les droits de propriété intellectuelle, le nom commercial et l’enseigne ;
  • les fonds de caisse, toute somme en numéraire conservée sur le lieu d’exercice de l’activité professionnelle, les sommes inscrites aux comptes bancaires dédiés à cette activité, ainsi que les sommes destinées à pourvoir aux dépenses courantes relatives à cette même activité.

Remarque

Pour rappel, les micro-entrepreneurs dont le chiffre d’affaires annuel dépasse 10 000€ pendant deux années consécutives sont tenus d’ouvrir un compte bancaire séparé pour l’exercice de leur activité. De même, tout commerçant doit se faire ouvrir un compte bancaire

Lorsque l’entrepreneur individuel est tenu à des obligations comptables légales ou réglementaires, son patrimoine professionnel est présumé comprendre au moins l’ensemble des éléments enregistrés au titre des documents comptables, sous réserve qu’ils soient réguliers et sincères et donnent une image fidèle du patrimoine, de la situation financière et du résultat de l’entreprise.

Remarque

La charge de la preuve de l’inclusion ou non de certains biens dans son patrimoine professionnel incombe à l’entrepreneur individuel en cas de mesure d’exécution forcée ou de mesure conservatoire portant sur l’un de ses biens.

Sous la même réserve, les documents comptables sont présumés identifier la rémunération tirée de l’activité professionnelle indépendante, qui est comprise dans le patrimoine personnel de l’entrepreneur individuel.

Le patrimoine personnel est défini, inversement, comme constitué des éléments du patrimoine de l’entrepreneur individuel non compris dans le patrimoine professionnel.

Remarque

Les biens communs utilisés à des fins professionnelles peuvent être inclus dans le patrimoine professionnel ; cela est sans incidence sur les droits du conjoint de l’entrepreneur individuel (les biens restant compris dans son propre patrimoine également) et sur ceux des créanciers du conjoint (qui peuvent continuer à appréhender tous les biens communs).

S’agissant des biens indivis, seule la part indivise des biens concernés dont l’entrepreneur individuel est titulaire est comprise dans son patrimoine professionnel.

Dénomination à apposer sur les documents professionnels

Sur ses documents et correspondances à usage professionnel, l’entrepreneur individuel doit utiliser une dénomination incorporant son nom ou nom d’usage précédé ou suivi immédiatement des mots « entrepreneur individuel » ou des initiales « EI ». Cette dénomination doit figurer sur ses factures, notes de commande, tarifs et documents publicitaires, sous peine d’une amende 750€. Par ailleurs, chaque compte bancaire ouvert par l’entrepreneur individuel et dédié à son activité professionnelle doit contenir la dénomination dans son intitulé.

Date de début d’activité en l’absence d’obligation d’immatriculation

Lorsque l’entrepreneur individuel n’est pas tenu de s’immatriculer dans un registre professionnel (professions libérales, notamment), la première utilisation de sa dénomination vaut date déclarée de début d’activité.

Remarque

Les créanciers professionnels d’un EI non tenu à immatriculation ne pourront agir sur le patrimoine professionnel que pour les créances nées à compter de cette date déclarée de début d’activité.

Sort des véhicules à usage mixte

Les textes réglementaires ne mentionnent pas expressément le cas des véhicules à usage mixte, contrairement aux immeubles. Il nous semble toutefois qu’ils font partie du patrimoine professionnel de l’entrepreneur individuel dès lors qu’ils sont utilisés pour l’activité. Tel est le cas par exemple du véhicule personnel utilisé par une infirmière pour se rendre chez ses patients ou par un entrepreneur qui se rend au domicile de ses clients pour vendre ses produits. La question se pose de savoir si un moyen de mobilité (véhicule ou autre) utilisé occasionnellement pour l’activité sera considéré comme inclus dans le patrimoine professionnel. Dès lors qu’il sert à l’activité, la rédaction du texte, qui ne contient aucune proportion d’utilisation pour l’activité professionnelle devrait permettre de l’inclure. Les précisions de l’administration fiscales sont attendues sur ce point.

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Questions fréquemment posées

Existe-t-il une liste des éléments susceptibles de faire partie du patrimoine professionnel de l’entrepreneur ?

Le Code de commerce fixe une liste des éléments susceptibles de faire partie du patrimoine professionnel de l’entrepreneur, mais cette liste n’est pas limitative. Y figurent notamment, en fonction de la nature de l’activité exercée, le fonds de commerce, le fonds artisanal, le fonds agricole, tous les biens corporels ou incorporels qui les constituent et les droits y afférents, ou encore le droit de présentation de la clientèle pour le professionnel libéral (C. com. art. R 526-26)

L’entrepreneur peut-il renoncer à la séparation des patrimoines personnel et professionnel ?

L’entrepreneur individuel peut renoncer à la séparation de ses patrimoines personnel et professionnel, mais à certaines conditions particulièrement strictes (C. com. art. L 526-25) : il faut une demande écrite du créancier ; la renonciation doit avoir lieu pour un engagement spécifique dont l’entrepreneur doit rappeler le terme et le montant ; elle est soumise au respect de conditions de forme ; elle ne peut intervenir avant l’échéance d’un délai de réflexion. Une renonciation générale et absolue, envers tout créancier et pour tout type d’engagement, est en revanche inopérante.

En pratique, la renonciation sera exigée par le banquier dispensateur de crédit, qui n’acceptera de consentir un crédit à l’entrepreneur individuel que sous la condition que son droit de gage général s’étende au patrimoine personnel de l’entrepreneur individuel.

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