Fiche thématique
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25 mars 2024
Les parties qui souhaitent conclure un bail commercial doivent manifester de façon non équivoque leur volonté de soumettre leur bail aux dispositions du statut des baux commerciaux.

Sommaire

La volonté de soumettre le bail au statut des baux commerciaux

Le statut des baux commerciaux ne s’applique que si quatre conditions sont cumulativement réunies : il faut un bail, portant sur un immeuble ou un local, dans lequel un fonds de commerce, industriel ou artisanal est exploité, par un locataire immatriculé au Registre du commerce et des sociétés ou au Registre national des entreprises :

  • Les parties au contrat doivent manifester de façon non équivoque leur volonté de se placer sous le régime du statut des baux commerciaux ;
  • Le local dans lequel est exploité le fonds, s’entend généralement d’un lieu clos, couvert, « stable et permanent » ( Cass. 3e civ., 22 oct. 2015, no 14-15.062 ) et les constructions mobiles, démontables ou simplement posées au sol (kiosque, caravanes, etc.) sont exclues ;
  • C’est principalement l’existence d’une clientèle propre et autonome qui caractérise un fonds de commerce ;
  • Enfin le locataire doit être immatriculé au RCS s’il est commerçant ou industriel, ou au RNE s’il est chef d’une entreprise du secteur des métiers et de l’artisanat.

Remarque

Il est possible de conclure des conventions autres que le bail commercial (une convention d’occupation précaire ou un bail dérogatoire).

Enfin, le bail commercial peut être conclu par acte sous seing privé ou par acte authentique, sur support papier ou électronique.

Les principales clauses du bail

L’obligation de délivrance d’un local conforme à la réglementation

L’obligation de délivrance (C. civ., art. 1719 ) impose au bailleur de mettre à disposition de son locataire des locaux réglementairement à même de servir à l’usage auquel ils sont destinés. Le manquement à l’obligation de délivrance est caractérisé lorsque le locataire ne peut plus, du fait du bailleur, jouir du local commercial ; tel n’est pas le cas lorsque le preneur ne peut accéder au local pour un autre fait, non imputable au bailleur ( TJ Paris, 18e ch., 20 janv. 2022, no 20/06770 ). Si les parties sont libres de déroger à ce principe, elles ne peuvent le faire qu’en vertu d’une clause précise et dépourvue de toute ambiguïté ( Cass. 3e civ., 10 sept. 2020, no 19-10.454 ).

Pendant la crise sanitaire de 2020, certains établissements se vont vus interdire de recevoir du public, « pour limiter la propagation du virus », et certains locataires ont arrêté de payer leur loyer en opposant au bailleur le manquement à son obligation de délivrance. A cette occasion a été mis en évidence deux conceptions radicalement opposées de l’obligation de délivrance ( Cass. 3e civ., 30 juin 2022, no 21-20.190, no 604 FS-B ) :

  • une conception matérialiste, étroite : si l’obligation de délivrance consiste seulement à mettre à la disposition du preneur des locaux matériellement aptes à l’exercice d’une activité convenue et si le preneur n’est privé momentanément de leur jouissance normale que par des circonstances extérieures aux locaux et non imputables au bailleur, il ne peut opposer à ce dernier l’exception d’inexécution d’une obligation inexistante ;
  • une conception finaliste, plus large : si l’obligation de délivrance comprend la garantie de l’exploitabilité des locaux selon leur destination contractuelle, le bailleur ne remplit plus son obligation et le preneur peut lui opposer l’exception d’inexécution, dès lors que les locaux ne sont plus normalement exploitables, même si la cause en est extérieure aux locaux et n’est pas imputable au bailleur.

L’obligation d’exploiter les locaux

Le preneur a l’obligation d’exploiter les locaux (C. com., art. L. 145-8, al. 2) et il perd son droit à renouvellement si, en l’absence de motifs légitimes, le fonds n’a pas fait l’objet d’une exploitation effective au cours des trois années qui ont précédé la date d’expiration du bail ou de sa prolongation tacite.

L’exploitation doit être effective, c’est-à-dire, régulière et conforme à la destination du bail, mais le preneur n’est pas tenu d’exploiter l’ensemble des activités portées au bail, dès lors qu’il exerce son commerce dans les limites de celui-ci.

Les documents et informations obligatoires à fournir au preneur

Depuis la loi Pinel du 18 juin 2014, le bailleur doit fournir au preneur les documents et informations suivants : les états des lieux ; l’état des risques et pollutions (ERP) ; le diagnostic de performance énergétique (DPE) ; l’état récapitulatif annuel des charges, ainsi que les justificatifs des charges si le preneur le demande ; un état chiffré des travaux réalisés par le bailleur pendant les trois prochaines années avec indication de leur coût prévisionnel, le cas échéant ; l’information sur les pondérations appliquées à certains locaux (dans un ensemble immobilier) ; l’information sur les charges, impôts et taxes nouveaux en cours de bail ; l’information sur les modifications de la répartition des charges en cours de bail.

La durée du bail

La durée du bail ne peut être inférieure à 9 ans (sauf s’il s’agit d’une location saisonnière) et cette durée ne peut pas être réduite, même par la volonté commune des parties. C’est d’ailleurs pour ne pas être enfermé dans ce statut que de nombreux bailleurs et/ou locataires préfèrent conclure d’autres types de conventions, comme le bail dérogatoire d’une durée de 3 ans ou la convention d’occupation précaire.

La révision triennale

En revanche, même si aucune clause du bail ne le prévoit, le loyer peut être révisé tous les 3 ans à compter, soit de la date d’entrée en jouissance du locataire en cas de bail d’origine, soit de la date de prise d’effet de la précédente révision : c’est la révision légale, dite révision « triennale ». Une révision ne peut donc intervenir que lorsque le prix résultant de la dernière révision s’est appliqué pendant 3 ans révolus et la révision du loyer prend effet à compter de la date de la demande de révision.

Le montant du loyer révisé doit correspondre à la valeur locative.

La mise en place d’une clause résolutoire

Il est très fréquent d’insérer une clause résolutoire, aux termes de laquelle le bail sera résolu de plein droit si le locataire vient à manquer à l’une de ses obligations.

La déspécialisation

La déspécialisation permet de modifier la nature de l’activité exercée dans le local exploité par le preneur ; elle peut être partielle ou plénière et elle doit être demandée par le locataire et surtout autorisée par le bailleur. Le locataire peut ainsi adjoindre à l’activité prévue au bail des activités connexes ou complémentaires (C. com., art. L. 145-47 ).

Le paiement du loyer et des charges

La principale obligation du preneur réside dans le paiement du loyer aux dates convenues, le défaut de paiement pouvant entraîner la résolution du bail. Lors de la conclusion d’un premier bail commercial, la fixation du loyer est soumise à la loi de l’offre et la demande et il n’est réglementé qu’à l’occasion des révisions ou du renouvellement. Quant aux charges, le bail doit contenir un inventaire précis des charges et elles sont généralement stipulées payables par fractions annuelles en même temps que le loyer. Il est assez fréquent de trouver dans un bail une clause pénale qui contraint le preneur à payer au bailleur une certaine somme à titre de dommages et intérêts lorsqu’il règle son loyer en retard.

Remarque

La Cour de cassation a définitivement écarté la force majeure, comme cause de non-paiement des loyers durant la crise sanitaire, en indiquant que l’impossibilité d’exercer une activité du fait des mesures gouvernementales prises pour lutter contre la Covid-19 ne pouvait exonérer un locataire à bail commercial du paiement des loyers ( Cass. 3e civ., 15 juin 2023, no 21-10.119, no 423 FS-B ). Le débiteur d’une obligation de paiement d’une somme d’argent ne peut s’exonérer de cette obligation en invoquant la force majeure : la crise sanitaire fut imprévisible mais non irrésistible.

Les obligations du locataire

Outre l’acquittement du loyer, le locataire a l’obligation d’exploiter les lieux loués de manière effective et continue. A défaut, il perd son droit à renouvellement si, sans motifs légitimes, le fonds n’a pas fait l’objet d’une exploitation effective au cours des trois années qui ont précédé la date d’expiration du bail ou de sa prolongation tacite. Peut-il être sanctionné pour ce motif par le bailleur avant la fin du bail ? Si le bail prévoit une obligation d’exploiter, la clause résolutoire peut être mise en œuvre.

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Questions fréquemment posées

Le bail commercial peut-il être verbal ?

Le bail commercial étant un contrat consensuel qui se forme dès qu'il y a accord des parties sur les éléments essentiels du contrat, sa validité n'est subordonnée à aucune forme particulière. Il peut donc être verbal.

Toutefois, les parties ont intérêt à recourir à un contrat de bail écrit afin de garantir la preuve de son existence et de son contenu (notamment le montant du loyer, les modalités de sa révision, les charges répercutables sur le locataire et les réparations mises à sa charge) et de faciliter l'opposabilité du bail aux tiers.

Le bail peut ainsi être constaté soit dans un acte authentique, soit dans un acte sous signature privée, l'un comme l'autre pouvant être établi sur un support papier ou un support électronique.

L’acte authentique est toutefois obligatoire pour les baux d'une durée supérieure à 12 ans et pour les baux de débits de boissons.

Est-il possible de conclure un bail commercial sur le domaine public ?

Exploiter un restaurant dans le bois de Boulogne, une buvette dans le parc zoologique de Vincennes, un kiosque à tabac et journaux sur une autoroute, une boutique à l'intérieur du domaine national de Chambord, les exemples d’occupation commerciale du domaine public sont nombreux. Mais sous quel statut ? Le domaine public étant hors commerce, la conclusion de baux commerciaux statutaires est exclue sur les dépendances du domaine public. Le domaine public de l'État comme celui des collectivités ne peut donc faire l'objet d'un contrat d'occupation de droit privé.

L'occupation du domaine public peut faire l'objet de deux types de convention : soit un bail emphytéotique administratif, soit une autorisation d'occupation du domaine public.

Un bien commun peut-il être donné à bail commercial par l’un des époux ?

Les époux ne peuvent l'un sans l'autre donner en location un immeuble à usage commercial dépendant de la communauté (C. civ. art. 1425). Un époux agissant seul ne peut donc pas consentir, sur un immeuble dépendant de la communauté, un bail donnant au locataire la faculté d'affecter les lieux loués à un usage commercial. S’il le faisait, son conjoint pourrait agir en annulation du bail, dans les 2 ans du jour où il en a eu connaissance.

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