Régler les conséquences de la rupture du contrat de travail
La transaction est un contrat écrit entre le salarié et son employeur qui règle les conséquences, notamment financières, de la rupture du contrat. En effet, de nombreuses contestations peuvent surgir à cette occasion (validité du motif de licenciement, indemnisation du salarié, etc.) : la transaction est un moyen d’y mettre fin définitivement. Pour l’employeur, elle sécurise la rupture du contrat et évite un recours devant les prud’hommes. Pour le salarié, elle permet d’obtenir plus que ce à quoi il aurait eu droit sans cela.
Remarque
Un salarié ne peut invoquer le principe d’égalité de traitement pour revendiquer les droits et avantages d’une transaction conclue par l’employeur avec d’autres salariés ( Cass. soc., 12 mai 2021, n° 20-10.796 ). Une transaction est propre à chaque cas : les droits et avantages qui y sont consentis ne peuvent donc pas être revendiqués par d’autres salariés, même si les situations sont similaires.
La transaction n’est pas un mode de rupture du contrat de travail
La transaction ne permet pas de rompre le contrat de travail mais d’en gérer les suites. Cela signifie :
- qu’elle se distingue de la rupture conventionnelle dont l’objet est de rompre le contrat d’un commun accord ;
- que l’employeur doit respecter la procédure de licenciement avant de conclure une transaction avec le salarié (convocation à un entretien, entretien et notification écrite du licenciement). Une transaction ayant à la fois pour objet de rompre le contrat et de transiger est nulle ( Cass. soc., 5 déc. 2012, no 11-15.471 ).
La transaction peut être conclue après tout mode de rupture de contrat
En théorie, la transaction peut intervenir après tout mode de rupture du contrat de travail : démission, licenciement, mise ou départ à la retraite, etc. En pratique, elle intervient le plus souvent à la suite d’un licenciement.
Remarque
Une transaction peut être signée après une rupture conventionnelle si elle est postérieure à son homologation et qu’elle ne porte que sur un différend relatif à l’exécution du contrat et sur des éléments non compris dans la convention de rupture. Elle ne peut traiter un différend relatif à la rupture du contrat ( Cass. soc., 26 mars 2014, n° 12-21.136 ; Cass. soc., 16 juin 2021, n° 19-26.083 ). Une transaction consécutive à une rupture anticipée du CDD pour faute grave doit être signée après la réception par le salarié de la notification de la rupture. Elle n’a pas à être précédée d’une lettre de licenciement ( Cass. soc., 11 juin 2025, n° 23-22.432, n° 640 F-B ).
Pour être valable, la transaction doit remplir certaines conditions
La transaction doit :
- respecter les conditions de validité de tout contrat prévues par le code civil : il faut notamment que le salarié ait valablement donné son consentement ;
Remarque
Une transaction conclue avec un salarié illettré ou ne sachant pas lire le français n’est pas valable.
- lorsqu’elle est conclue à la suite d’un licenciement, être impérativement postérieure à la date à laquelle le salarié a pris connaissance du contenu de la lettre de licenciement : il ne suffit pas que la date de la transaction soit postérieure à la date de première présentation de la lettre de licenciement ; elle doit être postérieure à la date à laquelle le salarié a pris connaissance de son contenu ( Cass. soc., 14 juin 2006, no 04-43.123 ; Cass. soc., 12 févr. 2020, no 18-19.149 ). Cela signifie qu’une transaction n’est valable que si le licenciement a été notifié par lettre recommandée avec avis de réception ( Cass. soc., 10 oct. 2018, no 17-10.066 ) ;
Remarque
Si le salarié était absent lors de la présentation de la LRAR à son domicile, la transaction ne peut pas être conclue tant qu’il ne l’a pas retirée à La Poste. Seul le salarié peut demander l’annulation d’une transaction conclue avant la rupture du contrat de travail ( Cass. soc., 28 mai 2002, n° 99-43.852 ).
- faire apparaître un litige entre le salarié et l’employeur ainsi que leur volonté d’y mettre fin ;
- indiquer les concessions réciproques du salarié et de l’employeur pour mettre fin au litige.
Remarque
Ainsi, l’employeur peut renoncer à invoquer une faute grave et s’engager à verser une indemnité de licenciement et de préavis. En contrepartie, le salarié peut renoncer à saisir les prud’hommes. Les concessions réciproques n’ont pas à être rigoureusement proportionnelles mais elles ne doivent pas être dérisoires. Par exemple, ne constituent pas des concessions :
- le versement d’une indemnité d’un montant dérisoire ;
- la renonciation de l’employeur à invoquer la faute grave d’un salarié licencié pour motif économique.
Effets de la transaction
Une fois signée, la transaction est définitive et s’impose à l’employeur et au salarié. Elle ne peut pas être remise en cause par l’un d’eux, sauf à invoquer un cas de nullité (ex. : consentement du salarié obtenu sous la menace ou contrepartie dérisoire). Une action en résolution de la transaction peut être demandée en justice si l’une des parties ne respecte pas ses engagements (ex. : si l’employeur ne verse pas l’indemnité). Par ailleurs, la transaction ne couvre que les situations et questions qui y sont décrites. Sa portée est limitée à son objet. Le salarié ne renonce qu’aux droits sur lesquels porte la transaction. Il peut saisir les prud’hommes pour réclamer le règlement de sommes non visées par la transaction.
En revanche, si une transaction comporte une clause par laquelle le salarié renonce de façon très générale à toute demande ou action ultérieure contre l’employeur portant sur l’exécution et la rupture du contrat, il ne pourra plus présenter la moindre réclamation ( Cass. ass. plén., 4 juill. 1997, no 93-43.375 ; Cass. soc., 11 janv. 2017, no 15-20.040 ; Cass. soc., 30 mai 2018, no 16-25.426 ). Il ne pourra pas revendiquer le versement d’une indemnité de non-concurrence, même si l’employeur n’avait pas expressément renoncé à appliquer la clause au moment du licenciement ( Cass. soc., 17 févr. 2021, no 19-20.635 ) ni demander une indemnité si l’employeur a été inscrit sur la liste permettant la mise en œuvre de l’ACAATA postérieurement à la conclusion d’une transaction formulée en termes généraux ( Cass. soc., 6 nov. 2024, no 23-17.699, no 1104 FS-B ). Une transaction est opposable au salarié à la suite d’un redressement fiscal s’il y a accepté expressément de faire son affaire personnelle de l’imposition des sommes perçues ( Cass. soc., 16 juin 2021, no 20-13.256 ).
Possibilité de faire homologuer la transaction par le conseil de prud’hommes
Employeur et salarié peuvent décider de saisir le bureau de conciliation du conseil de prud’hommes pour qu’il homologue leur transaction, ce qui la rendra exécutoire.
Incidence sur la date de prise d’effet de l’assurance chômage
Le versement de l’indemnité transactionnelle influe sur la date d’effet de l’assurance chômage pour le salarié. Si son montant excède l’indemnité légale ou conventionnelle de licenciement, le délai de carence après lequel France Travail verse les allocations de chômage est allongé.
La transaction doit respecter les règles d’ordre public
Le salarié ne peut pas renoncer à tous ses droits par transaction et notamment pas aux règles d’ordre public.
Remarque
Ainsi, un représentant du personnel peut conclure une transaction avec l’employeur ( Cass. crim., 4 févr. 1992, n° 90-82.330 ), mais ne peut pas renoncer à l’autorisation préalable de licenciement : en effet, la transaction ne dispense pas l’employeur de respecter la procédure protectrice, même si c’est le salarié qui demande à ce qu’elle ne soit pas observée ( Cass. soc., 21 févr. 1996, n° 92-44.842 ).
Par souci de discrétion, une transaction peut limiter la liberté d’expression des parties, si cette restriction est proportionnée au but recherché ( Cass. soc., 14 janv. 2014, no 12-27.284 ), ce qui sera apprécié par le juge.
Cas de la transaction en cours de contrat
Salarié et employeur peuvent s’entendre, lors d’un litige, pour éviter les prud’hommes. Même si ce type de transaction intervient hors de toute rupture du contrat, le principe demeure : ils doivent s’accorder des concessions réciproques. Malgré la transaction signée, le salarié pourra agir en justice s’il invoque des faits postérieurs à sa signature et se rattachant à une période de travail elle-même postérieure ( Cass. soc., 16 oct. 2019, no 18-18.287 ). Contester une transaction relève de l’action personnelle prévue par l’article 2224 du code civil : le salarié peut le faire dans les 5 ans qui suivent la conclusion de la transaction ( Cass. soc., 8 oct. 2025, no 23-23.501, no 920 FS-B ).
Remarque
Ce délai de 5 ans s’applique-t-il aussi aux transactions conclues après la rupture du contrat de travail ou sont-elles soumises au délai de 12 mois applicable aux actions portant sur la rupture du contrat de travail ? Une clarification jurisprudentielle serait bienvenue.
Pas de transaction pour fuir ses responsabilités en cas de faute inexcusable
Selon l’article L. 482-4 du code de la sécurité sociale, toute convention contraire aux dispositions légales sur les AT/MP est nulle de plein droit. Un employeur ne peut donc pas transiger avec un salarié pour éluder sa responsabilité en cas de faute inexcusable. Face à un AT avéré ou une MP reconnue, l’employeur doit en assumer les conséquences et ne peut transiger avec le salarié pour qu’il renonce à ses droits ou à une action en justice éventuelle ( Cass. 2e civ., 1er juin 2011, no 10-20.178 ).


