L’objet de l’inscription
Le fonds nanti
Concernant le fonds nanti, l’objet de l’inscription est circonscrit aux éléments inclus dans l’assiette du nantissement. Ainsi, sont grevés de plein droit et doivent donc être inscrits l’enseigne et le nom commercial, le droit au bail, la clientèle et l’achalandage. Les autres éléments pouvant être inclus dans l’assiette et donc inscrits sont, à condition d’être mentionnés expressément dans l’acte constitutif de nantissement : le mobilier commercial, le matériel ou l’outillage servant à l’exploitation du fonds, les brevets d’invention, les licences, les marques, les dessins et modèles industriels, et généralement les droits de propriété intellectuelle qui y sont attachés (C. com., art. L. 142-2, al. 1 et 3). Cette liste est limitative.
La créance garantie
La créance garantie par le nantissement comprend le principal et deux années d’intérêt (C. com., art. L. 143-19 ).
On peut rédiger la clause comme suit :
« A titre de complément de garantie (S. Rezek, « Privilège du vendeur ou de nantissement de fonds de commerce » : JCP N 11 févr. 2005, 1090) :
- du paiement en principal du prix restant à payer, soit la somme de… ;
- du paiement des intérêts de ce prix, dans la limite de deux années ;
- du paiement éventuel de l’indemnité de remboursement anticipé, soit la somme de… ;
- du paiement éventuel de l’indemnité de déchéance du terme, soit la somme de… ;
- du paiement éventuel de l’indemnité pour frais de production à une distribution de deniers, soit la somme de…
L’acquéreur affecte en nantissement l’ensemble des éléments corporels et incorporels du fonds cédé susceptibles de l’être, au profit du vendeur, qui accepte. »
Les modalités de l’inscription
Le lieu de l’inscription
A compter du 1er janvier 2023, pour être opposable aux tiers, le nantissement devra être inscrit au registre des sûretés mobilières et autres opérations connexes auprès du greffier du tribunal de commerce, du tribunal judiciaire statuant commercialement ou du tribunal mixte de commerce dans le ressort duquel le débiteur est immatriculé à titre principal au registre du commerce et des sociétés (RCS) (C. com., art. L. 142-3, al. 1 mod. par ord. no 2021-1192 du 15 sept. 2021 ; C. com., art. R. 521-1, R. 521-2, 4° et R. 521-5, al. 1, issus du D. no 2021-1887, 29 déc. 2021 ; D. préc., art. 15).
Si le débiteur n’est pas soumis à l’obligation d’immatriculation au RCS, l’inscription sera portée sur le registre dans le ressort est situé son siège ou, à défaut, son établissement principal ou, s’il n’existe ni siège, ni établissement principal, son lieu d’exercice de l’activité ou l’adresse de l’entreprise fixée au local d’habitation (C. com., art. R. 521-5, al. 2, issu de ord. no 2021-1192).
A défaut d’immatriculation au RCS, de siège, d’établissement principal, de lieu d’exercice de l’activité sur le territoire français, le greffier compétent sera celui du tribunal de commerce de Paris (C. com., art. R. 521-5, al. 3, issu de ord. no 2021-1192).
En présence d’une succursale située dans un autre ressort que l’établissement principal, la double inscription du privilège (à la fois dans le ressort où est exploité le fonds principal et dans celui où se trouve la succursale) ne sera plus requise puisque l’inscription sera désormais centralisée (C. com., art. L. 141-18 mod. par ord. no 2021-1192 et ord. préc., art. 27).
A peine d’inopposabilité aux tiers, le nantissement du fonds qui comprendra des brevets, des licences, des marques ou des dessins et modèles devra également être inscrit à l’Inpi (C. com., art. L. 143-17, al. 1, mod. par ord. no 2021-1192). Cette inscription s’effectuera par report du certificat d’inscription délivré par le greffier, selon la nature des titres concernés, au registre national des brevets, au registre national spécial des logiciels, au registre national des marques ou au registre national des dessins et modèles (C. com., art. R. 521-9, issu du décret no 2021-1887).
Le délai de l’inscription
Contrairement au régime applicable jusqu’au 31 décembre 2022 qui était de 30 jours à compter de l’acte constitutif, à compter du 1er janvier 2023 aucuns délais ne seront exigés pour effectuer ces inscriptions.
L’arrêt des inscriptions
Le prononcé du jugement d’ouverture d’une procédure collective (sauvegarde, redressement ou liquidation judiciaire) à l’égard du propriétaire du fonds de commerce empêche l’inscription de sûretés par les créanciers qui ont traité avec lui (C. com., art. L. 622-30, al. 1, L. 631-14, al. 1 et L. 641-3, al. 1).
Les modalités pratiques de l’inscription
Même si le registre des sûretés mobilières et autres opérations connexes sera tenu sous forme électronique, les formalités pourront être faites par remise au greffe ou par voie postale ou électronique d'un bordereau, qui ne sera exigé en double exemplaire que s'il est établi sous format papier (C. com., art. R. 521-6 issu de ord. no 2021-1192, 15 sept. 2021).
Le contenu des demandes est listé par les articles R. 521-6 et s. du code de commerce.
Les effets de l’inscription
L’inscription conserve le privilège pendant dix années à compter du jour de sa date (C. com., art. R. 521-12, issu du décret no 2021-1887, 29 déc. 2021 et décret préc., art. 15). Pour que le privilège soit conservé, l’inscription doit être renouvelée, avant l’expiration du délai de dix ans ( Cass. com., 14 janv. 1997, no 95-12.108, no 114 P ).
La radiation de l'inscription
A compter du 1er janvier 2023, il pourra être procédé à la radiation volontaire de l’inscription du nantissement auprès du greffier qui aura procédé à l’inscription initiale même en cas de déplacement du lieu d’immatriculation, du siège, de l’établissement principal, ou du lieu d’exercice de l’activité hors du ressort du tribunal dont dépend le greffier compétent au moment de l’inscription initiale ; la radiation sera effectuée par la remise ou la transmission d’un bordereau par voie postale (en deux exemplaires) ou par voie électronique au greffier compétent (C. com., art. R. 521-19 issu du décret no 2021-1887). Elle devra être prolongée, le cas échéant, par celle des inscriptions figurant sur les registres de l’Inpi par la production du certificat de radiation délivré par le greffier (C. com., art. R. 521-25 issu du décret no 2021-1887 et D. préc., art. 15).
Les sanctions relatives à l’inscription
La sanction du défaut d’inscription
A compter du 1er janvier 2023, l’inscription du nantissement au registre des sûretés mobilières et autres opérations connexes et l’inscription des droits de propriété intellectuelle à l’Inpi seront requises à peine d’inopposabilité aux tiers (C. com., art. L. 142-3 et L. 143-17 mod. par ord. no 2021-1192, 15 sept. 2021).
La sanction de l’inscription comportant des erreurs
Que se passe-t-il lorsque l’inscription a été effectuée mais comporte une erreur ? La loi, sur ce point, ne fournit aucune indication. A notre avis, une telle irrégularité entraînera à compter du 1er janvier 2023 l’inopposabilité du nantissement aux tiers si elle empêche ceux-ci d’avoir pleinement connaissance des biens nantis. Sous l’empire des anciens textes qui sanctionnaient le défaut d’inscription par la nullité, il a été jugé que n’entraînait pas la nullité : une simple erreur de domiciliation du prêteur nanti ( Cass. com., 1er déc. 1992, no 90-21.957, no 1844 P : JCP E 1993, pan. 180) ; une erreur d’adresse du fonds de commerce figurant sur les bordereaux d’inscription du privilège de nantissement ( Cass. com., 6 mai 2008, no 07-13.387 ) ; en revanche, il a été juge qu’entraînait la nullité du nantissement : une erreur sur la nature de l’opération (qualification de privilège du vendeur au lieu de nantissement) (T. com. Lille, 15 avr. 1929 : Sem. jur. 1929, p. 860 ; CA Douai, 19 déc. 1929 : DH 1930, somm. p. 42) ; une erreur sur la désignation du débiteur ( Cass. com., 19 mai 1998, no 96-13.958, no 1104 P ). Ces solutions nous semblent transposables sous l’empire des nouveaux textes.
La sanction de l’inscription auprès d’un greffe incompétent
Sous l’empire des anciens textes qui sanctionnaient le défaut d’inscription par la nullité, il avait été jugé que le nantissement était nul si l’inscription avait été réalisée auprès d’un greffe territorialement incompétent ( Cass. com., 1er oct. 2013, no 12-24.558, no 889 F-P + B ). Il nous semble que cette solution est transposable sous l’empire des nouveaux textes sanctionnant le défaut d’inscription par l’inopposabilité aux tiers.
La responsabilité des intermédiaires
Il convient également d’évoquer la responsabilité qu’encourent les intermédiaires qui interviennent dans la prise d’un nantissement, et leur garantie de restitution des fonds ( Cass. 1re civ., 16 oct. 2008, no 06-16.066 ).
L’obligation de conseil du rédacteur d’acte est souvent invoquée ( Cass. com., 20 nov. 2012, no 11-28.248 ).