Nature juridique
Le fonds de commerce a beau être l'élément essentiel de l'actif professionnel du commerçant, il ne fait pas l'objet d'une définition légale. L'article L. 141-5, alinéa 2, du code de commerce, qui définit l'assiette du privilège du vendeur d'un fonds de commerce, se borne à distinguer les divers éléments qui entrent dans sa composition.
Bien qu'elle ne fasse pas l'unanimité, la qualification d'universalité de fait est largement retenue pour le désigner. L'idée de base est toujours la même : le fonds de commerce est un bien distinct des éléments qui le composent. Le fonds subsiste malgré les modifications intervenues dans sa composition.
Le fonds de commerce peut faire l'objet de multiples opérations juridiques : vente, nantissement, apport en société, etc. (v. Fonds de commerce (Transmission) ; Nantissement de fonds de commerce). Il peut également être géré de multiples manières (v. Fonds de commerce (Gérance) ; Location-gérance de fonds de commerce).
Éléments du fonds de commerce
Éléments incorporels
Clientèle
La clientèle est l'élément essentiel du fonds de commerce, sans laquelle celui-ci ne saurait exister. Tous les autres servent à la réunir et à la retenir. Sa protection se confond avec celle du fonds de commerce.
On distingue généralement la clientèle, qui s'adresserait à un commerçant pour des raisons de confiance ou d'habitude, de l'achalandage, qui correspond à la clientèle passagère, précaire, liée uniquement à l'emplacement du fonds, à la situation du commerce.
Signes distinctifs
Ce sont les signes qu'utilise le commerçant pour se faire connaître et reconnaître par la clientèle, existante ou potentielle : nom commercial, enseigne, marque et, avec le développement du commerce électronique, nom de domaine.
Créations intellectuelles
Les droits reconnus aux inventeurs sur leurs œuvres (brevet d'invention, dessins et modèles, obtentions végétales, voire droits de propriété littéraire et artistique, en particulier le droit d'auteur) sont des éléments susceptibles de faire partie d'un fonds de commerce.
Droit au bail
Lorsque le commerçant est locataire des lieux où est exploité le fonds, les droits qu'il tient du statut des baux commerciaux sont compris dans son fonds de commerce.
Au droit au bail, il faut assimiler certains droits d'occupation : droit de concession immobilière, autorisation d'occupation privative dans un marché d'intérêt national.
Créances et dettes
En principe, les créances et les dettes de l'exploitant, les contrats qu'il conclut pour l'exploitation ne font pas partie du fonds de commerce et ne se transmettent pas avec celui-ci. Mais ce principe comporte des dérogations légales : contrat de bail, contrat de travail (C. trav., art. L. 1224-1 s.), contrat d'édition, dette d'impôt. Parfois, la réponse est plus nuancée. Ainsi, une clause de non-rétablissement du précédent commerçant peut faire partie du fonds et être cédée, à condition d'avoir été insérée dans l'acte de cession du fonds et expressément acceptée par le cessionnaire (Com. 1er avr. 1997, no 95-12.025).
Licences et autorisations administratives
Elles sont parfois des éléments du fonds de commerce et peuvent être comprises dans sa transmission. Mais leur régime est varié.
Les unes ont un caractère personnel (carte professionnelle) et ne se transmettent pas. D'autres ont un caractère réel et peuvent être incluses dans un fonds. Tel est le cas, par exemple, des licences des débits de boissons, qui, en cas de vente de fonds, se trouvent comprises dans les éléments cédés, sauf convention contraire.
Fonds de commerce sur le domaine public
La loi du 18 juin 2014 relative à l'artisanat, au commerce et aux très petites entreprises vise à faciliter l'utilisation du domaine public dans le cadre de certaines activités commerciales. À cet égard, elle pose le principe qu'« un fonds de commerce peut être exploité sur le domaine public sous réserve de l'existence d'une clientèle propre » et institue une autorisation d'occupation temporaire du domaine public pour l'acquéreur ou l'héritier d'un tel fonds (L. no 2014-626 du 18 juin 2014, art. 72 ; CGPPP, art. L. 2124-32-1 à L. 2124-35 nouv.).
Éléments corporels
Matériel et marchandises
Le matériel est le mobilier commercial servant à l'exploitation du fonds de commerce, notamment à l'agencement d'un magasin. Les marchandises peuvent être définies comme tous les objets destinés à la vente, voire à la location. On distingue, en règle générale, les matières premières devant être transformées des produits finis directement destinés à la vente. Leur distinction, en général facile, présente de nombreux intérêts juridiques (vente, nantissement) et fiscaux.
Immeubles
Les immeubles affectés à l'exploitation et dont le commerçant est propriétaire ne font pas partie du fonds de commerce. La solution est générale et absolue (Com. 31 mars 2009, no 08-14.180). Il en est ainsi même si l'immeuble est l'élément principal attractif de la clientèle, comme c'est souvent le cas pour le fonds hôtelier.
Conditions d'existence d'un fonds de commerce
Activité commerciale
Un fonds n'est commercial que s'il a pour objet l'accomplissement d'une activité commerciale, c'est-à-dire d'actes de commerce à titre de profession habituelle (achat pour revendre, etc. ; v. Acte de commerce). Ainsi, seul peut normalement être propriétaire d'un fonds de commerce un commerçant, personne physique, ou personne morale, plus particulièrement société commerciale immatriculée. Néanmoins, la propriété d'un fonds de commerce est refusée à la société commerciale par la forme, mais qui exerce une activité civile (Civ. 3e, 10 févr. 1999, no 97-14.669). Il en est de même pour l'association, même si elle exerce une activité commerciale (Com. 19 janv. 1988, no 85-18.443).
Clientèle
Controverse
Les éléments qui composent un fonds de commerce et qui en font la valeur sont variables d'un fonds à l'autre. Mais au-delà de cette diversité, on découvre un élément commun toujours nécessaire : la clientèle.
Pour être propriétaire d'un fonds de commerce, encore faut-il être personnellement titulaire de la clientèle que l'on exploite. C'est ce qui explique, par exemple, que le gérant d'un débit de tabac, considéré comme un préposé de l'Administration, ne puisse prétendre à la propriété d'un fonds de commerce, à moins qu'il exerce en même temps une autre activité indépendante, par exemple s'il exploite un débit de boissons.
Réseau de distribution
Une difficulté a surgi à propos du développement des réseaux de distribution. Le distributeur indépendant, par exemple le franchiseur ou le concessionnaire, membre d'un réseau intégré, peut-il se prévaloir de la propriété de sa clientèle ? La Cour de cassation, à propos du contrat de franchise, considère qu'il existe en réalité deux clientèles, que franchiseur et franchisé se partagent : une clientèle nationale, attachée à la notoriété de la marque du franchiseur, ainsi qu'une clientèle locale, créée par l'activité du franchisé, et par les moyens qu'il a personnellement mis en œuvre, parmi lesquels le matériel, le stock et le bail, c'est-à-dire les éléments du fonds de commerce. Le fait qu'il ne soit pas le propriétaire de la marque et de l'enseigne mises à sa disposition pendant l'exécution du contrat de franchise ne constitue pas un obstacle à sa reconnaissance d'un droit sur la clientèle, et par conséquent, d'un droit de propriété sur le fonds de commerce qu'il exploite (Civ. 3e, 27 mars 2002, no 00-20.732). Elle semble également reconnaître au profit du concessionnaire l'existence d'une clientèle propre (Com. 12 juin 2007, no 06-14.872).