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2 novembre 2023
L'eurodéputé Pascal Durand, rapporteur sur le texte - qui a notamment représenté le Parlement européen lors des négociations institutionnelles avec le Conseil de l'UE - revient sur les fondamentaux de la directive.

Comment définir la CSRD et sa portée juridique ? 

La directive sur la publication d’informations en matière de durabilité par certaines entreprises (CSRD), adoptée en novembre 2022, marque l’avènement de la rigueur et de la fin de l’arbitraire dans les déclarations extra-financières. Ainsi, le rapport de durabilité deviendra aussi important que le bilan financier. La directive ne se limite pas à demander des informations sur la seule matérialité financière, qui détermine, fondée sur la théorie des risques, comment la valeur d’une entreprise est affectée par son environnement, mais comment l’activité d’une entreprise impacte son environnement : c’est la double matérialité.

La législation concerne les grandes entreprises – plus de 250 employés –, soit quelque 50 000 entités, banques comprises.

Après une période de transition jusqu’en 2028, les petites et moyennes entreprises (PME) cotées en Bourse seront aussi concernées, mais selon des critères « proportionnés », pour éviter un frein à l’introduction en Bourse.

Le législateur européen a établi l’extraterritorialité pour les entreprises même non européennes, qui opèrent sur le marché européen, à l’instar des normes International Financial Reporting Standards (IFRS) définies aux États-Unis. À partir de 2025, ces règles s’appliqueront aux entreprises non européennes dont le chiffre d’affaires atteint 150 millions d’euros, afin de maintenir une concurrence juste sur notre marché intérieur.

Par ailleurs, les informations relatives à l’impact sur le climat ou les droits humains feront l’objet d’un audit certifié, comme c’est déjà le cas pour les bilans financiers. Cet audit pourra être réalisé par des organismes indépendants accrédités, y compris par des cabinets d’avocat dans tous les États membres qui l’autorisent.

Quelles conséquences sur la transformation du rôle de l’entreprise ? 

L’adoption de ces nouvelles normes de reporting standardisées permet aux entreprises d’appliquer un cadre juridique adapté à un monde qui change. En effet, les entreprises doivent désormais intégrer une dimension d’intérêt général et, de fait, ont une vocation plus sociétale notamment dans la mise en œuvre de l’Accord de Paris et des objectifs de développement durable (ODD) de l’Organisation des Nations unies (ONU). La question de la durabilité est indissociable de la valeur de l’entreprise. Certes, le signal prix restera souvent déterminant mais il ne peut plus être le seul indicateur de production ou d’échanges commerciaux.

L’adoption de ces nouvelles obligations de transparence impliquera leur prise en compte dans tous les échelons de l’entreprise : des services d’achat et de production jusqu’aux boards, investisseurs, actionnaires et syndicats.

Pour guider cette transformation, la Commission européenne a mandaté le Groupe consultatif européen sur l’information financière (EFRAG en anglais) pour élaborer ces normes extra-financières.

Un premier jeu de normes a été entériné par les colégislateurs le 18 octobre 2023 et commencera à s’appliquer dès l’année 2024, pour un premier reporting en 2025.

Cette directive, relative à une simple obligation de dire, demande de fournir un tableau de bord sur les critères de durabilité, qui sert à l’entreprise dans sa gouvernance, ses investisseurs et les parties prenantes. Au-delà de la charge déclarative supplémentaire, il s’agit de permettre de disposer d’informations essentielles pour la pérennité de l’activité et de la réputation.

Les standards choisis par l’Union européenne se fondent très largement sur des standards internationaux déjà utilisés par les entreprises elles-mêmes et ne constitueront donc pas une charge supplémentaire. À l’inverse, elles fluidifieront les échanges internationaux sur les chaînes de valeur. Les données seront soumises à un processus de matérialité strict qui, in fine, réduira le nombre de déclarations en les limitant aux plus pertinentes pour l’entreprise concernée.

Quand et comment envisager la mise en œuvre au niveau national ? 

Les États membres ont jusqu’à juin 2024 pour adopter les mesures de transposition nationale.

L’organisation de la profession d’auditeur, la supervision et le régime de sanctions, applicables tant aux entreprises qui déclarent qu’aux professionnels qui certifient les rapports, sont laissés à la liberté des États membre.

À ce jour, seule une minorité d’États a annoncé qu’elle ouvrirait son marché de l’audit aux professionnels non-commissaires aux comptes, ce qui est regrettable car cela nuira à la concurrence plus ouverte.

La CSRD est une avancée majeure pour un marché européen plus transparent, plus juste et efficace. Elle s’inscrit aussi dans l’affirmation de l’Union européenne comme législateur souverain et indépendant en matière de durabilité. Elle s’inscrit également dans une volonté, réaffirmée dans le green deal, d’établir des normes européennes précises sur la taxonomie verte, les plans de transition climatique, les questions environnementales et de biodiversité, de droits humains et sociaux.

Elle servira, enfin, de support à la législation future sur le devoir de vigilance et la transparence sur les chaînes de valeur.

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interview publiée au Recueil Dalloz