Il est important de mettre en exergue qu'il n'existe pas de « droit à la rupture conventionnelle » pour un salarié désireux de quitter l'entreprise et l'employeur peut toujours refuser une rupture conventionnelle ; refus qu'il n'a ni à justifier ni à faire par écrit. Tout est alors affaire de négociations et plusieurs arguments peuvent alors être mis en avant : sécurisation juridique de la rupture, souplesse, choix de la date de rupture effective du contrat de travail, coût limité…
Champ d'application de la rupture conventionnelle
Seuls les salariés en contrat à durée indéterminée peuvent conclure une rupture conventionnelle
Le dispositif de rupture conventionnelle est ouvert aux salariés embauchés sous contrat à durée indéterminée. Il peut s'appliquer également aux salariés protégés (délégué syndical, délégué du personnel, membre élu du CSE, etc.) dont la liste est donnée par les articles L. 2411-1 et L. 2411-2 du code du travail. Dans ce cas, la rupture conventionnelle est soumise à l'autorisation de l'inspecteur du travail et non à homologation.
Le dispositif de rupture conventionnelle ne s'applique pas aux salariés titulaires d'un contrat à durée déterminée ou d'un contrat d'apprentissage.
Le code du travail exclut également du recours à ce dispositif les ruptures de contrats de travail résultant d'un accord de gestion prévisionnelle des emplois et des compétences, d'un plan de sauvegarde de l'emploi ou d'une rupture conventionnelle collective.
Suspension du contrat de travail et rupture conventionnelle
La suspension du contrat de travail n'est pas nécessairement contraire à la conclusion d'une rupture conventionnelle. Adoptant une solution contraire à la position administrative, la Cour de cassation a en effet admis la possibilité pour les parties de signer une rupture conventionnelle pendant une période de suspension du contrat de travail, alors même que cette période peut donner à une protection particulière du salarié en interdisant ou en limitant la rupture du contrat du travail : accident du travail, maladie (V. Soc. 30 sept. 2014, no 13-16.297 P), maternité (V. Soc. 25 mars 2015, no 14-10.149 P)…
Existence d'une cause économique à la rupture
La conclusion de ruptures conventionnelles dont la cause première est économique n'est pas par principe exclue par les textes. La jurisprudence a en effet estimé que de telles ruptures sont possibles dès lors qu'elles ne sont pas conclues pour contourner les règles du licenciement pour motif économique. Au moment de l'homologation de la rupture, l'autorité administrative sera particulièrement vigilante et vérifiera l'existence ou non d'un contournement de la procédure de licenciement pour motif économique qui pourra justifier le cas échéant un refus d'homologation (ce sera par exemple, le cas lorsqu'une rupture conventionnelle concerne un nombre important de salariés ou si elle a pour effet de priver ces salariés du bénéfice des garanties attachées aux licenciements collectifs). Et si l'homologation est prononcée, le juge judiciaire qui n'est pas lié par cette décision, exercera son pouvoir souverain d'appréciation. Le juge pourrait réinscrire la rupture conventionnelle litigieuse dans le droit du licenciement pour motif économique. La procédure suivie ne pourrait alors être qu'irrégulière et appeler les sanctions prévues en cas de licenciement pour motif économique irrégulier (V. fiche "Licenciement pour motif économique (irrégularités de procédure)").
Le ministère du travail a, quant à lui, précisé dans cette hypothèse que la procédure de rupture conventionnelle « ne peut être utilisée comme un moyen de contourner les règles du licenciement économique collectif et donc de priver, de ce fait, les salariés des garanties attachées aux accords de gestion prévisionnelle de l'emploi et des compétences et des plans de sauvegarde de l'emploi ». Aussi, « le salarié doit être préalablement « informé de ses droits afin qu'il puisse, en toute connaissance de cause, opter pour une rupture conventionnelle en cas de suppression de poste et si les garanties attachées au licenciement économique ne se révèlent pas plus avantageuses pour lui » (Rép. min. no 106030, JOANQ, 31 mai 2011).
Une procédure de rupture conventionnelle en trois étapes
Afin de garantir la sécurité juridique du dispositif de rupture conventionnelle, une procédure de formation du contrat doit être respectée. Cette procédure est formée des trois phases suivantes :
Entretien préalable à la rupture conventionnelle
Les parties au contrat (employeur et salarié) conviennent du principe d'une rupture conventionnelle au cours d'un ou de plusieurs entretiens préalables. Elles peuvent, sous certaines conditions, se faire assister lors de cet ou ces entretien(s).
Convention de rupture conventionnelle et droit de rétractation
Convention de rupture – Aux termes des entretiens, les parties formalisent leur accord par écrit. La convention doit définir les conditions de la rupture et notamment le montant de l'indemnité spécifique de rupture et la date de rupture envisagée. Cette convention de rupture est établie en double exemplaire sur un formulaire spécifique. Ce formulaire (Cerfa no 14598*01) est disponible sur www.service-public.fr et sur le site du ministère du travail (www.travail-emploi.gouv.fr).
Un formulaire spécifique est disponible pour les salariés protégés dont la rupture conventionnelle nécessite une autorisation de l'inspecteur du travail.
Droit de rétractation – À compter de la date de signature de la convention de rupture, chaque partie dispose d'un délai de quinze jours calendaires pour exercer son droit de rétractation. Ce droit est exercé sous la forme d'une lettre adressée par tout moyen attestant de sa date de réception par l'autre partie.
Homologation administrative de la rupture conventionnelle
À l'issue du délai de rétractation, la partie la plus diligente adresse à la Dreets compétente une demande d'homologation. Depuis le 1er avril 2022, cette demande se fait obligatoirement via le téléservice « TéléRC » (www.telerc.travail.gouv.fr). La Dreets compétente est celle du lieu où est établi l'employeur. .
L'administration dispose d'un délai d'instruction de quinze jours ouvrables, à compter du lendemain du jour de la réception de la demande, pour s'assurer de la validité de la rupture conventionnelle et de la liberté de consentement des parties. En pratique, la Dreets examine les points suivants :
- informations relatives aux parties ;
- ancienneté du salarié calculée en années et en mois à la date présumée de la rupture ;
- éléments de rémunération (12 derniers mois de salaire brut) ;
- tenue d'au moins un entretien ;
- conditions d'assistance et, le cas échéant, identité et qualité des assistants ;
- date envisagée de la rupture du contrat de travail ;
- droit de rétractation.
À défaut de notification d'un refus d'homologation dans ce délai d'instruction, l'homologation est réputée acquise et l'autorité administrative est dessaisie.
Droits du salarié à une indemnité de rupture conventionnelle et aux allocations chômage
Au moment du départ de l'entreprise, l'employeur est tenu de remettre au salarié un certificat de travail et un exemplaire de l'attestation Pôle emploi. Il doit également établir un solde de tout compte et verser une indemnité de rupture. Aucun respect d'un « préavis » n'est prévu dans le cadre de la rupture conventionnelle.
Droit à une indemnité de rupture
Le salarié bénéficie d'une indemnité spécifique de rupture conventionnelle dont le montant ne peut être inférieur à celui de l'indemnité légale de licenciement ou à l'indemnité conventionnelle de licenciement si elle est supérieure.
Le calcul du montant de l'indemnité légale minimale, y compris pour un journaliste professionnel, est celui prévu par les articles R. 1234-1 et R. 1234-2 du code du travail soit :
- 1° Un quart de mois de salaire par année d'ancienneté pour les années jusqu'à dix ans ;
- 2° Un tiers de mois de salaire par année d'ancienneté pour les années à partir de dix ans.
Le salaire de référence pris en compte pour calculer le montant de l'indemnité spécifique est, selon la formule la plus avantageuse pour le salarié soit la moyenne mensuelle des 12 derniers mois de salaire précédant la rupture du contrat, soit le 1/3 des trois derniers mois (les primes ou gratifications annuelles ou exceptionnelles, versées au salarié pendant cette période, sont prises en compte dans la limite d'un montant calculé à due proportion).
Si le salarié a moins d'un an d'ancienneté, le calcul sera fait au prorata du temps de présence dans l'entreprise.
À noter: le site du ministère du travail TéléRCi propose un simulateur de calcul du montant de l'indemnité de rupture conventionnelle (www.telerc.travail.gouv.fr/simulateur/indemnite).
Régime social et fiscal de l'indemnité de rupture conventionnelle. Avant la réforme des retraites issue de la LFSS rectificative pour 2023, le régime social de l'indemnité différait selon que le salarié était ou non en droit de bénéficier d'une pension de retraite d'un régime légalement obligatoire. La réforme des retraites a harmonisé le régime social applicable aux indemnités de rupture conventionnelle et de mise à la retraite.
Ainsi à compter du 1er septembre 2023, quel que soit l'âge du salarié, l'indemnité inférieure à 10 plafonds annuels de la sécurité sociale sera exonérée de cotisations sociales pour sa fraction non imposable, dans la limite de deux fois le plafond annuel de la sécurité sociale ; de CSG/CRDS, pour sa fraction également exonérée de cotisations sociales, dans la limite du montant de l'indemnité légale ou, dans certains secteurs d'activité, conventionnelle de licenciement, étant entendu que l'indemnité conventionnelle de licenciement est issue d'un accord de branche, d'un accord professionnel ou interprofessionnel. L'indemnité n'est plus soumise au forfait social mais ce forfait sera remplacé par une contribution patronale de 30 % applicable sur la fraction de l'indemnité exonérée de cotisations (soit + 10 points pour les ruptures conventionnelles de salariés n'ayant pas atteint l'âge légal de la retraite).
L'indemnité est intégralement soumise à l'impôt sur le revenu.
Droit aux allocations chômage
Le salarié ayant conclu une rupture conventionnelle homologuée bénéficie des allocations d'assurance chômage dans les conditions de droit commun (C. trav., art. L. 5421-1 s. ; Règl. gén. annexé à la Conv. du 14 avril 2017 relative à l'indemnisation du chômage, art. 2 et Décr. no 2019-797 du 26 juill. 2019 relatif au régime d'assurance chômage, art. 21).
Contentieux de la rupture conventionnelle
Les litiges relatifs à la convention de rupture, l'homologation ou le refus d'homologation relèvent de la compétence du conseil des prud'hommes, à l'exclusion de tout autre recours contentieux ou administratif (sous réserve de la procédure propre à la rupture conventionnelle d'un salarié protégé).
Le recours doit être formé, à peine d'irrecevabilité, avant l'expiration d'un délai de douze mois à compter de la date d'homologation de la convention.
Une rupture conventionnelle peut faire l'objet d'une action en nullité. Mais la nullité ne sera encourue qu'en cas de non-respect des formalités substantielles, de fraude ou de vice du consentement.