S’entendre sur l’indemnité spécifique de rupture conventionnelle
Quel minimum verser ? L’indemnité légale ou l’indemnité conventionnelle ?
L’indemnité spécifique de rupture ne peut pas être inférieure à l’indemnité légale de licenciement, qui est égale à 1/4 de mois de salaire par année d’ancienneté jusqu’à 10 ans d’ancienneté, auxquels s’ajoutent 1/3 de mois de salaire pour les années à partir de 10 ans d’ancienneté (C. trav., art. R. 1234-2 ). Ce calcul s’applique aux ruptures conventionnelles signées depuis le 27 septembre 2017.
Remarque
En cas d’année incomplète, l’indemnité légale de licenciement doit être calculée proportionnellement au nombre de mois complets travaillés (C. trav., art. R. 1234-1 ). A défaut de préavis, l’ancienneté s’appréciera à la date envisagée de la rupture du contrat.
Sauf si un accord d’entreprise conclu à compter du 22 décembre 2017 prévoit le versement de la seule indemnité légale de licenciement en cas de rupture conventionnelle, l’indemnité conventionnelle doit s’appliquer :
- si l’entreprise adhère à une fédération elle-même adhérente de l’une des 3 organisations patronales (Medef, CGPME et U2P) signataires de l’ANI sur la modernisation du marché du travail et de son avenant no 4 ;
- si l’entreprise n’est pas membre d’une fédération adhérente d’une organisation patronale signataire mais que son activité est représentée par une fédération patronale adhérente du Medef, de l’U2P ou de la CGPME :
Remarque
L’indemnité conventionnelle de licenciement ne peut être écartée même si l’accord collectif renvoie à l’indemnité légale pour certains motifs de licenciement ( Cass. soc., 5 mai 2021, no 19-24.650 ).
En revanche, elle ne s’applique pas si l’activité professionnelle de l’entreprise est représentée par une fédération patronale non adhérente du Medef, de la GGPME ou de l’U2P ou, hypothèse plus rare, si son activité n’est pas représentée par une fédération patronale.
Si un accord collectif fixe une indemnité spécifique de rupture conventionnelle, il faut la comparer avec l’indemnité de licenciement et retenir la plus favorable, les parties pouvant toujours prévoir une indemnité supérieure.
Cas de la convention collective prévoyant deux types d’indemnité
Il se peut qu’une convention collective prévoie une indemnité conventionnelle en cas de licenciement pour motif personnel et une autre en cas de licenciement économique. Dans ce cas, l’indemnité de rupture conventionnelle devra respecter ( Instr. DGT no 2009-25, 8 déc. 2009 ) :
- l’indemnité légale si l’une ou l’autre des indemnités conventionnelles lui est inférieure ;
- l’indemnité conventionnelle la plus faible si les indemnités conventionnelles sont toutes deux supérieures à l’indemnité légale.
Quelle indemnité pour les salariés ayant moins de 8 mois d’ancienneté ?
Si le salarié ne remplit pas la condition de 8 mois d’ancienneté pour bénéficier de l’indemnité légale de licenciement, l’indemnité de rupture conventionnelle lui est néanmoins due au prorata du nombre de mois de présence dans l’entreprise, les parties pouvant s’entendre sur un montant supérieur (BOSS-Ind. rupture-870).
Remarque
L’indemnité de rupture conventionnelle est au minimum calculée comme suit : (salaire de référence mensuel✕1/4)✕(nombre de mois travaillés/12).
Quid des salariés bénéficiant d’une indemnité légale statutaire de licenciement ?
Certains salariés bénéficient d’une indemnité légale particulière de licenciement. C’est notamment le cas des journalistes (C. trav., art. L. 7112-3 ) et des VRP (C. trav., art. L. 7313-13 ). Cette indemnité spécifique est-elle applicable en cas de rupture conventionnelle ? Il a été jugé que les journalistes ne peuvent obtenir, comme plancher d’indemnisation, que la seule indemnité légale de licenciement de droit commun ( Cass. soc., 3 juin 2015, no 13-26.799 ).
Remarque
On ne peut pas non plus se référer à des dispositions réglementaires statutaires pour fixer cette indemnité ( Cass. soc., 30 sept. 2020, no 19-15.675 ). Dans cette affaire, le salarié d’un office public de l’habitat ne pouvait se prévaloir des dispositions réglementaires applicables à son secteur et dérogeant aux dispositions légales encadrant le calcul de l’indemnité de licenciement.
Base de calcul de l’indemnité de rupture
La base de calcul de l’indemnité de rupture conventionnelle est la même que celle de l’indemnité de licenciement (C. trav., art. R. 1234-4 ), à savoir :
- soit la moyenne mensuelle des 12 derniers mois précédant le licenciement (ou moyenne mensuelle des mois travaillés avant le licenciement lorsque le salarié est resté moins de 12 mois dans l’entreprise) ;
- soit le tiers des 3 derniers mois (toute prime à caractère annuel ou exceptionnel étant alors proratisée).
Remarque
Attention : la demande d’homologation doit indiquer les salaires des 12 derniers mois, mais le salarié devra s’assurer que l’indemnité de rupture conventionnelle tient compte des salaires qui lui ont été effectivement versés jusqu’à la date de rupture du contrat, lesquels peuvent être plus favorables.
Les parties peuvent en outre s’entendre pour que le montant de l’indemnité de rupture conventionnelle intègre l’indemnité compensatrice de congés payés ou une éventuelle indemnité compensatrice de RTT. Faute de mention claire en ce sens dans la convention de rupture, et si elles ne sont pas versées par ailleurs, le salarié est en droit d’en réclamer le paiement ( CA Paris, 5 sept. 2013, no 11/09737 ).
Informer le salarié sur le régime social et fiscal de l’indemnité
Le montant de l’indemnité de rupture conventionnelle sur lequel se sont entendus l’employeur et le salarié doit être mentionné dans la convention de rupture et sur le formulaire de demande d’homologation.
S’agissant du régime social et fiscal de l’indemnité applicable aux ruptures conventionnelles prenant effet à compter du 1er septembre 2023, c’est-à-dire, selon le BOSS, « dont le terme est postérieur au 31 août 2023 » :
- l’indemnité bénéficie de l’exonération sociale prévue pour les indemnités de licenciement ;
Remarque
Jusqu’au 31 août 2023, cette exonération ne s’appliquait que dans l’hypothèse où le salarié ne pouvait pas prétendre à une pension de retraite d’un régime légalement obligatoire.
- au niveau fiscal, l’indemnité est imposable dès le premier euro pour les salariés en droit de bénéficier d’une pension de retraite d’un régime légalement obligatoire et exonérée d’impôt dans les limites prévues par la législation fiscale pour les autres salariés (ce qui était déjà la règle avant le 1er septembre 2023) ;
- la fraction de l’indemnité exonérée de cotisations sociales est soumise à une contribution patronale de 30 %.
Remarque
Jusqu’au 31 août 2023, cette fraction de l’indemnité exonérée de cotisations sociales était soumise au forfait social (20 %).
Contestation sur le montant de l’indemnité
Lorsque le montant de l’indemnité de rupture conventionnelle est inférieur au minimum (légal ou conventionnel) requis, le salarié peut le contester en justice sans que cela ne remette en cause la validité de la rupture conventionnelle elle-même ( Cass. soc., 10 déc. 2014, no 13-22.134 ), sauf si le salarié peut prouver qu’il y a eu fraude ou vice du consentement ( Cass. soc., 4 nov. 2015, no 13-27.873 ). En l’absence de fraude ou de vice du consentement, le juge peut condamner l’employeur à verser au salarié la différence entre l’indemnité qui lui a effectivement été versée et celle qui lui était normalement due ( Cass. soc., 8 juill. 2015, no 14-10.139 ).
Versement de l’indemnité en cas de décès du salarié
La créance d’indemnité de rupture conventionnelle, si elle n’est exigée qu’à la date fixée pour la rupture, naît de l’homologation de la convention. Ainsi, le décès du salarié intervenu après l’homologation et avant la date de rupture du contrat ne permet pas à l’employeur de s’exonérer du versement de l’indemnité spécifique de rupture. Ses ayants droit sont fondés à en réclamer le paiement ( Cass. soc., 11 mai 2022, no 20-21.103 ).
Entreprises non tenues de verser l’indemnité conventionnelle de licenciement
Certaines entreprises ne sont pas tenues de verser l’indemnité conventionnelle de licenciement (en l’absence d’un arrêté d’élargissement de l’ANI et de son avenant). Sont concernés les professions agricoles, les professions libérales, le secteur de l’économie sociale, le secteur sanitaire et social et les particuliers employeurs ( Instr. DGT no 2009-25, 8 déc. 2009 ). Mais, selon la Cour de cassation, cette liste n’est pas limitative : l’avenant no 4 du 18 mai 2009 à l’ANI du 11 janvier 2008 ne s’applique pas aux entreprises qui ne sont pas membres d’une des organisations signataires de cet accord et dont l’activité ne relève pas du champ d’application d’une convention collective de branche signée par une fédération patronale adhérente du MEDEF, de l’UPA ou de la CGPME (Cass. soc., 27 juin 2018, no 17-15.948). Notons que les professions libérales adhèrent depuis le 17 novembre 2016 à l’U2P et sont donc, à notre sens, désormais incluses dans le champ d’application de l’ANI et de son avenant.