Fiche thématique
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25 septembre 2024
Lorsque l’employeur ne respecte pas ses obligations vis-à-vis du salarié, celui-ci peut s’estimer contraint de quitter l’entreprise. Il peut pour cela demander la résiliation judiciaire de son contrat de travail.

Sommaire

En quoi consiste la résiliation judiciaire du contrat de travail ?

Une rupture prononcée (ou pas) par le juge à la demande du salarié

La résiliation judiciaire permet à un salarié invoquant des manquements de l’employeur à des obligations considérées comme essentielles de demander devant le conseil de prud’hommes la rupture de son contrat. Le juge doit examiner l’ensemble des griefs invoqués, même s’ils sont anciens ( Cass. soc., 30 juin 2021, no 19-18.533  ; Cass. soc., 27 sept. 2023, no 21-25.973, no 923 FS-B ).

Remarque

Le juge des référés ne peut pas prononcer une telle résiliation ( Cass. soc., 13 mai 2003, no 01-17.452 ).

Tant que le juge n’a pas statué, le contrat continue à produire effet.

Remarque

La résiliation judiciaire est différente de la prise d’acte. Dans le cas de la résiliation, le salarié demande au juge de prononcer la rupture du contrat (aux torts de l’employeur) : si le juge refuse, le contrat reste « en vie ». Dans le cas de la prise d’acte, le contrat est rompu dès que le salarié prend acte. Ensuite, le juge statue sur la qualification de la rupture : s’il estime que la prise d’acte n’est pas justifiée, le salarié sera considéré comme démissionnaire. La prise d’acte est donc plus risquée pour le salarié.

Si le juge estime que la demande de résiliation qui lui est présentée n’est pas justifiée, le contrat se poursuit aux conditions antérieures et le salarié n’a droit à aucune indemnité.

Circonstances pouvant justifier la résiliation

La gravité du manquement invoqué par le salarié est, en tout état de cause, appréciée par le juge. Peuvent être considérés comme des manquements suffisamment graves : le défaut de paiement du salaire ou des heures supplémentaires (mais pas forcément un simple retard de paiement), une modification du mode de rémunération opérée sans l’accord du salarié (si l’impact sur sa rémunération est important), une atteinte aux droits du salarié en ce qui concerne l’organisation de son temps de travail, son temps de repos et les conséquences inévitables que cette situation fait peser sur sa vie personnelle – ici, une convention de forfait jours ne respectant pas les garanties exigées ( Cass. soc., 16 oct. 2019, no 18-16.539 ), des manquements aux règles d’hygiène et de sécurité ou encore des faits de harcèlement. Le juge évalue donc les conséquences du manquement constaté sur l’exécution du contrat, tous les manquements n’empêchant pas le contrat de se poursuivre.

Remarque

La Cour de cassation a jugé qu’une modification unilatérale ne touchant qu’une faible part de la rémunération n’empêchait pas la poursuite du contrat et n’en justifiait pas la résiliation ( Cass. soc., 12 juin 2014, no 12-29.063 ). Mais si cela ne justifie pas la résiliation du contrat, il n’en demeure pas moins que l’employeur a manqué à ses obligations et pourra être contraint de dédommager le salarié ou de revenir à la situation antérieure. La même solution est retenue pour un salarié dont la rémunération avait unilatéralement été modifiée par l’employeur, sans que cela n’ait d’influence défavorable sur le montant de celle-ci ( Cass. soc., 12 juin 2014, no 13-11.448 ). La seule signature d’une convention de forfait en jours nulle ne justifie pas, à elle seule, la résiliation ( Cass. soc., 2 mars 2022, no 20-11.092 ).

Effets de la résiliation

La résiliation du contrat prononcée par le juge équivaut à un licenciement sans cause réelle et sérieuse ou, dans certains cas, à un licenciement nul. Le salarié peut de ce fait prétendre à plusieurs indemnités : indemnité de rupture, indemnité de préavis et dommages et intérêts pour licenciement abusif, ces dommages et intérêts devant être fixés par le juge en application du barème obligatoire prévu à l’article L. 1235-3 du code du travail ( Cass. soc., 16 févr. 2022, no 20-16.184 ), ou indemnité pour licenciement nul.

Remarque

La résiliation prononcée pour des faits de harcèlement moral ou sexuel produit les effets d’un licenciement nul, dont les conséquences financières sont plus lourdes pour l’employeur qu’un licenciement sans cause réelle et sérieuse ( Cass. soc., 20 févr. 2013, no 11-26.560  ; Cass. soc., 15 févr. 2023, no 21-23.919 ). Le salarié a notamment droit à une indemnité d’au moins 6 mois de salaire destinée à réparer l’intégralité de son préjudice. En outre, lorsque le juge prononce la résiliation judiciaire du contrat d’une salariée déclarée inapte suite à un accident du travail, celle-ci produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse, et l’indemnité spéciale de licenciement est due ( Cass. soc., 20 févr. 2019, no 17-17.744  ; Cass. soc., 15 sept. 2021, no 19-24.498 ).

Date de la résiliation

Le contrat est considéré rompu à la date de la décision judiciaire ( Cass. soc., 20 févr. 2019, no 17-17.487 ), dès lors qu’à cette date, il n’a pas déjà été rompu et que le salarié est toujours au service de l’employeur ( Cass. soc., 4 sept. 2019, no 18-10.541  ; Cass. soc., 12 juin 2024, no 22-18.838  ; Cass. soc., 12 juin 2024, no 22-23.235 ). Cela vaut également si la résiliation judiciaire porte sur un CDD. Dans ce cadre, attention à ne pas confondre résiliation judiciaire et rupture anticipée aux torts de l’employeur ( Cass. soc., 22 juin 2022, no 20-21.411 ). Si l’employeur fait appel de la décision prud’homale validant la résiliation et si cette décision est confirmée en appel, le contrat est rompu à la date du jugement prud’homal, sauf si le salarié est resté au service de son employeur après ce jugement ( Cass. soc., 21 janv. 2014, no 12-28.237 ).

Remarque

Si l’employeur, fût-ce in extremis, a régularisé les manquements en totalité à la date du jugement, la demande de résiliation pourra être rejetée ( Cass. soc., 29 janv. 2014, no 12-24.951 ).

Si le contrat a été rompu avant que le juge ne se soit prononcé sur la demande de résiliation, la résiliation prend effet au jour de la rupture ( Cass. soc., 15 mai 2007, no 04-43.663 ), mais seulement si l’employeur démontre qu’à la date de la décision prononçant la résiliation judiciaire, le salarié ne se tenait plus à sa disposition ( Cass. soc., 28 sept. 2022, no 21-18.122 ). Si le salarié décède en cours d’instance, la résiliation prend effet au jour du décès ( Cass. soc., 12 févr. 2014, no 12-28.571 ).

Coexistence de plusieurs actions

Résiliation judiciaire et licenciement

Si l’employeur décide de licencier le salarié pour des faits différents de ceux qu’il a invoqués dans sa demande de résiliation (inaptitude, faute grave…), le juge doit d’abord se prononcer sur la résiliation : s’il l’estime justifiée, le contrat est rompu aux torts de l’employeur. Dans le cas contraire, il doit statuer sur le licenciement. Les manquements invoqués par le salarié sont appréciés par les juges au jour où ils statuent ( Cass. soc., 29 janv. 2014, no 12-24.951 ). En cas de demande de résiliation suivie d’un licenciement, le juge peut tenir compte des régularisations opérées par l’employeur, mais uniquement jusqu’à la date du licenciement ( Cass. soc., 2 mars 2022, no 20-14.099 ). Une demande de résiliation postérieure à la notification du licenciement est sans objet.

Remarque

Quand un salarié demande la résiliation judiciaire de son contrat et la nullité de son licenciement dans une même instance, le juge constatant la nullité du licenciement ne peut ordonner la réintégration ( Cass. soc., 27 janv. 2021, no 19-21.200 ). En revanche, il doit l’examiner si le salarié abandonne en sa demande de résiliation en cours d’instance ( Cass. soc., 11 mai 2023, no 21-23.148, no 508 FS-B ).

Résiliation judiciaire et rupture conventionnelle

Un salarié ayant demandé la résiliation judiciaire de son contrat peut conclure une rupture conventionnelle avec son employeur. La demande de résiliation devient alors sans objet, sauf si le salarié se rétracte dans les 15 jours de la signature de la rupture conventionnelle ou en conteste l’homologation dans le délai d’un an.

Résiliation judiciaire et démission

Un salarié ayant demandé la résiliation de son contrat peut démissionner, la demande de résiliation devenant alors sans objet. Il peut demander réparation, voire demander la requalification de sa démission en prise d’acte. Le juge examinera les manquements invoqués à l’appui de la demande et ceux intervenus après ( Cass. soc., 30 avr. 2014, no 13-10.772 ).

Résiliation judiciaire et adhésion à un CSP

Le contrat étant rompu par l’adhésion du salarié au CSP, la demande postérieure du salarié de résiliation judiciaire de son contrat est sans objet ( Cass. soc., 20 oct. 2021, no 19-24.596 ).

Résiliation judiciaire et départ en retraite

Lorsque le salarié part en retraite avant que le juge ait statué sur sa demande de résiliation judiciaire, celle-ci devient sans objet. Ceci vaut aussi bien en cas de mise à la retraite du salarié ( Cass. soc., 12 avr. 2005, no 02-45.923, no 1019 F-P + B ) qu’en cas de départ volontaire en retraite ( Cass. soc., 27 mars 2024, no 22-22.835 ).

Résiliation demandée par un élu du personnel

Lorsqu’un élu du personnel demande la résiliation de son contrat, le juge doit apprécier les manquements reprochés à l’employeur compte tenu de l’ensemble des règles applicables au contrat et des exigences propres au mandat du salarié ( Cass. soc., 27 mai 2009, no 08-42.555 ). Un élu obtenant la résiliation judiciaire de son contrat ne peut ensuite demander à être réintégré même si la rupture produit les effets d’un licenciement nul ( Cass. soc., 3 oct. 2018, no 16-19.836 ). Il peut prétendre à l’indemnité pour violation du statut protecteur, même s’il aurait été susceptible de partir à la retraite avant l’expiration de sa période de protection ( Cass. soc., 25 sept. 2019, no 18-15.952 ). Les juges ne peuvent se prononcer sur la demande de résiliation d’un salarié protégé licencié sur autorisation, même si la saisine est antérieure à la rupture. Idem si l’autorisation a été annulée, dès lors que le salarié n’a pas demandé sa réintégration ( Cass. soc., 10 nov. 2021, no 20-12.604 ). Si après l’annulation de l’autorisation de licenciement, l’employeur ne le réintègre pas et que le salarié obtient de ce fait la résiliation de son contrat, celle-ci a les effets d’un licenciement nul pour violation du statut protecteur si le salarié était encore protégé au jour de sa demande de résiliation ( Cass. soc., 8 nov. 2023, no 22-17.919, no 2036 F-B ).

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Questions fréquemment posées

Que se passe-t-il si le salarié qui a demandé la résiliation judiciaire de son contrat de travail est licencié avant que le conseil de prud’hommes juge sa demande ?

Si le salarié est licencié avant que le conseil de prud’hommes se prononce, les juges doivent commencer par rechercher si la demande de résiliation judiciaire est justifiée. C’est seulement si elle ne l’est pas qu’ils se prononcent sur le licenciement.

Le salarié qui a demandé la résiliation judiciaire de son contrat de travail peut-il prendre acte de la rupture de son contrat de travail, par exemple si les relations avec son employeur se dégradent ?

Le salarié peut prendre acte de la rupture de son contrat en cours d'instance pour les mêmes faits ou d'autres faits. Les juges doivent alors examiner l'ensemble des griefs formulés par le salarié.

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