Fiche thématique
8 min de lecture
3 août 2023
La convention collective est l'accord par lequel un ou plusieurs syndicats représentatifs de travailleurs et un ou plusieurs groupements d'employeurs, ou des employeurs isolés, déterminent les conditions d'emploi, de formation professionnelle et de travail, les garanties sociales, ainsi que les obligations incombant aux signataires. Le système français comprend trois niveaux de conventions et accords collectifs : les accords nationaux interprofessionnels, les conventions collectives de branches, ainsi que les accords d'entreprise et de groupe. Ces différents niveaux ont des règles qui leur sont propres. L'articulation des accords suscite des difficultés juridiques.

Sommaire

Depuis la loi du 20 août 2008, les organisations syndicales représentatives, habilitées à signer des conventions et accords collectifs, sont celles qui respectent les critères cumulatifs énoncés à l'article L. 2121-1 du code du travail. Ces critères sont les suivants : le respect des valeurs républicaines, l'indépendance, la transparence financière, une ancienneté minimale de deux ans dans le champ professionnel et géographique couvrant le niveau de négociation, l'audience, l'influence caractérisée par l'activité et l'expérience ; les effectifs d'adhérents.

La loi no 2016-1088 du 8 août 2016 dite « Loi Travail » et les ordonnances dites Macron ont notamment donné une place privilégiée à l'accord collectif.

Règles propres aux accords interprofessionnels et conventions de branche

Les accords collectifs dits « professionnels » sont classiquement négociés dans le cadre d'une branche d'activité. Plusieurs branches peuvent toutefois se regrouper pour négocier un accord commun : on parlera alors d'accord interprofessionnel.

Les accords nationaux interprofessionnels (ANI) ont connu un développement considérable dans certains domaines (régime d'assurance-chômage, régimes complémentaires de retraite, mensualisation…) et occupent une place croissante dans le processus législatif (négociation légiférante).

La branche (V. fiche Branche professionnelle) demeure un niveau de négociation important, notamment en raison de la politique d'extension des accords.

Règles de conclusion des accords

Accord national interprofessionnel

La validité d'un accord interprofessionnel est subordonnée à sa signature par une ou plusieurs organisations syndicales de salariés représentatives ayant recueilli, aux élections prises en compte pour le calcul de la mesure de l'audience, au moins 30 % des suffrages exprimés en faveur d'organisations reconnues représentatives à ce niveau, quel que soit le nombre de votants, et à l'absence d'opposition d'une ou plusieurs organisations syndicales de salariés représentatives ayant recueilli la majorité des suffrages exprimés en faveur des mêmes organisations à ces mêmes élections, quel que soit le nombre de votants (C. trav., art. L. 2232-2).

Pour mesurer la représentativité, les résultats à prendre en compte sont donc ceux issus de la mesure quadriennale de l'audience syndicale (V. Arr. du 28 juill. 2021 fixant la liste des organisations syndicales reconnues représentatives au niveau national et interprofessionnel, NOR : MTRT2121442A, JO 6 août).

Conventions collectives de branche

La validité d'une convention de branche ou d'un accord professionnel est subordonnée à sa signature par une ou plusieurs organisations syndicales de salariés représentatives ayant recueilli, aux élections prises en compte pour la mesure de l'audience, au moins 30 % des suffrages exprimés en faveur d'organisations reconnues représentatives à ce niveau, quel que soit le nombre de votants, et à l'absence d'opposition d'une ou plusieurs organisations syndicales de salariés représentatives ayant recueilli la majorité des suffrages exprimés en faveur des mêmes organisations à ces mêmes élections, quel que soit le nombre de votants (C. trav., art. L. 2232-6). La vérification des audiences pour la validité des accords ou l'opposition des non-signataires, au niveau de la branche se réalise au regard des suffrages exprimés en faveur des seuls syndicats représentatifs. Des arrêtés publient les résultats branche par branche (v. par ex. JO du 23 oct. 2021: publication de plus de 50 arrêtés fixant la liste des organisations syndicales reconnues représentatives dans une branche spécifique).

Champ d'application de l'accord

Il peut être national, régional ou local (C. trav., art. L. 2232-1).

La convention collective précise son champ d'application territorial et professionnel (C. trav., art. L. 2222-1).

Contenu des accords

Ils doivent comporter certaines dispositions en faveur des salariés participant aux réunions des instances paritaires qu'ils instituent (compensation des pertes de salaire…) et instituer des commissions paritaires d'interprétation (C. trav., art. L. 2232-3 et L. 2232-4).

Concours de conventions découlant de leur champ d'application professionnel

Lorsque plusieurs conventions collectives de branche ont vocation à s'appliquer dans une entreprise en raison de la pluralité d'activités, seule s'applique celle correspondant à l'activité principale de l'entreprise.

Règles propres aux conventions collectives et accords d'entreprise et de groupe

Unité de négociation

La négociation d'accords ou de conventions collectives peut concerner l'ensemble de l'entreprise ou seulement un ou plusieurs de ses établissements (C. trav., art. L. 2232-16).

Un accord peut être conclu au niveau du groupe (C. trav., art. L. 2232-30 s.).

Règles de conclusion des accords

Accords d'entreprise

Lorsque l'entreprise est pourvue d'un ou plusieurs délégués syndicaux, l'accord d'entreprise est conclu entre l'employeur et les organisations syndicales de salariés représentatives dans l'entreprise. L'accord d'entreprise doit être signé par un ou plusieurs syndicats ayant recueilli plus de 50 % des suffrages exprimés en faveur d'organisations représentatives au premier tour des dernières élections des titulaires au comité spcial et économique (C. trav., art. L. 2232-12). Lorsque les signataires syndicaux de la convention n'atteignent pas le seuil requis mais ont néanmoins obtenu 30 % au premier tour des dernières élections professionnelles, ils peuvent demander à l'employeur d'organiser un référendum auprès des salariés pour valider l'accord. Si au bout d'un mois, aucune demande des syndicats n'a été faite, l'employeur peut prendre l'initiative d'organiser le référendum, à moins que tous les syndicats signataires ne s'y opposent. La consultation des salariés doit faire l'objet d'un protocole spécifique entre l'employeur et des syndicats représentatifs ayant recueilli plus de 30 % des suffrages exprimés en faveur d'organisations représentatives aux dernières élections professionnelles. Le référendum doit être organisé dans un délai de deux mois. Tous les salariés couverts par l'accord doivent être consultés (C. trav., art. L. 2232-12, al. 6).

Dans les entreprises dépourvues de délégué syndical, un système dérogatoire permet, à certaines conditions et selon l'effectif, de conclure des accords collectifs avec des élus mandatés (C. trav., art. L. 2232-24), des représentants élus du personnel non mandatés (C. trav., art. L. 2232-25) ou des salariés mandatés (C. trav., art. L. 2232-23-1).

Accord de groupe

L'accord de groupe est négocié par l'employeur de l'entreprise dominante (ou par un ou plusieurs représentants mandatés des différents employeurs) et par l'ensemble des organisations syndicales représentatives dans le groupe ou l'entreprise concernée (C. trav., art. L. 2232-31).

Les organisations syndicales de salariés représentatives dans chacune des entreprises ou chacun des établissements compris dans le périmètre de l'accord sont informés préalablement de l'ouverture d'une négociation dans ce périmètre. De plus, pour la négociation en cause, les organisations syndicales de salariés représentatives à l'échelle de l'ensemble des entreprises comprises dans le périmètre de cet accord peuvent désigner un ou des coordonnateurs syndicaux de groupe choisis parmi les délégués syndicaux du groupe et habilités à négocier et signer la convention ou l'accord de groupe (C. trav., art. L. 2232-32).

L'ensemble des négociations prévues par le code du travail au niveau de l'entreprise peuvent être engagées et conclues au niveau du groupe dans les mêmes conditions, sous réserve de certaines adaptations.

Lorsqu'un accord sur la méthode conclu au niveau du groupe le prévoit, l'engagement à ce niveau de l'une des négociations obligatoires prévues par l'article L. 2241-1 du code du travail dispense les entreprises appartenant à ce groupe d'engager elles-mêmes cette négociation. L'accord sur la méthode définit les thèmes pour lesquels cette dispense s'applique (C. trav., art. L. 2232-33). Les entreprises sont également dispensées d'engager une négociation obligatoire lorsqu'un accord portant sur le même thème a été conclu au niveau du groupe et remplit les conditions prévues par la loi (C. trav., art. L. 2253-5).

Accord interentreprises

La loi « Travail » encourage la conclusion d'accords interentreprises en alignant le cadre juridique de ceux-ci à celui prévu pour la conclusion d'un accord d'entreprise.

Un accord peut être négocié et conclu au niveau de plusieurs entreprises entre, d'une part, les employeurs et, d'autre part, les organisations syndicales représentatives à l'échelle de l'ensemble des entreprises concernées (C. trav., art. L. 2232-36).

La représentativité des organisations syndicales dans le périmètre de cet accord est appréciée conformément aux règles relatives à la représentativité syndicale au niveau de l'entreprise, par addition de l'ensemble des suffrages obtenus dans les entreprises ou établissements concernés lors des dernières élections précédant l'ouverture de la première réunion de négociation (C. trav., art. L. 2232-37).

La validité d'un accord interentreprises est appréciée selon les mêmes conditions prévues pour les accords d'entreprise (v. supra). Mais ces conditions sont appréciées à l'échelle de l'ensemble des entreprises ou établissements compris dans le périmètre de cet accord. La consultation des salariés, le cas échéant, est également effectuée dans ce périmètre (C. trav., art. L. 2232-38)

Articulation des accords collectifs de niveaux différents

Rapports entre accords d'entreprise ou d'établissement et accords couvrant un champ territorial ou professionnel plus large

Principe de spécialité

Depuis la loi du 4 mai 2004, la convention collective au champ territorial plus large est supplétive par rapport à la convention collective au champ territorial plus restreint.

Exceptions (principe de faveur)

L'accord de champ territorial plus large peut interdire (par une clause expresse) à l'accord territorial de champ plus étroit de lui déroger. Dans ce cas, la convention collective la plus favorable est applicable en cas de conflit entre les deux accords (comparaison avantage par avantage).

Le silence des conventions conclues antérieurement à la réforme ne peut s'interpréter comme ouvrant faculté de dérogation (V. Soc. 9 mars 2011, RDT 2011. 324).

La loi énumère des matières dans lesquelles les stipulations de la convention de branche prévalent sur celles de la convention d'entreprise sauf losque la convention d'entreprise assure des garanties au moins équivalentes (C. trav., art. L. 2253-1, al. 1er).

La durée du travail : généralisation de la supplétivité de l'accord de branche

En matière de durée du travail, l'ordonnancement des normes conventionnelles entre elles, plus précisément entre l'accord d'entreprise et l'accord de branche, a évolué. La loi du 20 août 2008 avait introduit la supplétivité des accords de branches par rapport aux accords d'entreprises sur certains domaines relevant de la durée du travail. La loi du 8 août 2016 dite loi « Travail » généralise ce dispositif en matière de durée du travail et consacre ainsi la primauté de l'accord d'entreprise sur l'accord de branche, sauf exceptions.

Rapports entre les accords de groupe, les accords interentreprises, les accords d'entreprise et les accords d'établissement

Substitution de l'accord de groupe aux accords d'entreprise ou d'établissement. Lorsqu'un accord conclu dans tout ou partie d'un groupe le prévoit expressément, ses stipulations se substituent aux stipulations ayant le même objet des conventions ou accords conclus antérieurement ou postérieurement dans les entreprises ou les établissements compris dans le périmètre de cet accord (C. trav., art. L. 2253-5).

Substitution de l'accord d'entreprise aux accords d'établissement. Lorsqu'un accord conclu au niveau de l'entreprise le prévoit expressément, ses stipulations se substituent aux stipulations ayant le même objet des conventions ou accords conclus antérieurement ou postérieurement dans les établissements compris dans le périmètre de cet accord (C. trav., art. L. 2253-6).

Substitution de l'accord interentreprises aux accords d'entreprise ou d'établissement. Lorsqu'un accord conclu au niveau de plusieurs entreprises le prévoit expressément, ses stipulations se substituent aux stipulations ayant le même objet des conventions ou accords antérieurement ou postérieurement dans les entreprises ou les établissements compris dans le périmètre de cet accord (C. trav., art. L. 2253-7).

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Questions fréquemment posées

Quelles sont les niveaux de négociations ?

Il existe trois principaux niveaux de négociation. Le niveau interprofessionnel vise presque toutes les entreprises et la grande majorité des secteurs professionnels. Les conventions collectives et accords de branche définissent les règles applicables au niveau d’un secteur d’activité. Enfin chaque entreprise peut déterminer les règles qui lui sont propres au travers d’un accord d’entreprise ou d’établissement.

Un accord d’entreprise peut-il prévoir des dispositions moins favorables que l’accord de branche ?

Les ordonnances Macron du 22 septembre 2017 répartissent les rôles entre branches et entreprises. Les accords d’entreprise peuvent comporter des dispositions moins favorables que l’accord de branche sauf pour les matières pour lesquelles les dispositions de l’accord de branche doivent être impérativement respectées (matières dites du bloc 1, salaire minima, égalité hommes/femmes, mutualisation de la formation…) et les dispositions pour lesquelles les signataires de l’accord de branche ne souhaitent pas qu’il y soit dérogé (matières dites du bloc 2).

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