La branche professionnelle en tant que niveau de négociation collective est encadrée par la loi du 8 août 2016 (loi « Travail ») et les ordonnances du 22 septembre 2017 consacrées à la négociation (Ord. no 2017-1385 et no 2017-1388), en particulier l'ordonnance no 2017-1385, en son article 1er relatif au renforcement de la négociation collective qui prévoit une nouvelle répartition des rôles entre la branche et l'entreprise.
La branche professionnelle comme niveau de négociation collective et comme critère d'assujettissement d'un accord
Mission des branches professionnelles
Les branches ont pour mission de définir les conditions d'emploi et de travail des salariés ainsi que les garanties qui leur sont applicables et de réguler la concurrence entre les entreprises (le rôle de régulation de la branche s'exerce notamment en matière de fixation des salaires minima conventionnels.). Ce rôle se heurtait au constat de la fragmentation du paysage conventionnel. Dès 2009 (rapport Poisson) a été amorcé un mouvement de restructuration des branches.
Champ d'application des accords de branche
Les branches ont un champ d'application national (C. trav., art. L. 2232-5-2). Toutefois, certaines dispositions de conventions ou accords de branche peuvent être définies, adaptées ou complétées au niveau local.
Les organisations d'employeurs affiliées ou adhérentes aux organisations d'employeurs reconnues représentatives dans la branche peuvent négocier dans le périmètre de la branche, des accords collectifs au niveau régional, départemental ou local, et demander l'extension de ces accords.
Extension et élargissement d'un accord de branche
Accord de branche étendu
L'extension vise à rendre obligatoires les dispositions de l'accord de branche pour toutes les entreprises qui entrent dans son champ d'application. L'extension des effets d'un accord de branche aux entreprises non signataires de l'accord suppose l'intervention d'un arrêté ministériel et d'une procédure garantissant que les organisations patronales qui l'ont négocié représentent l'ensemble des intérêts des entreprises de la branche ; ce qui justifie l'exigence de représentativité des organisations patronales participant à la négociation.
Pour pouvoir être étendu, l'accord de branche doit en premier lieu avoir été négocié et conclu en commission paritaire.
La procédure d'extension peut être engagée soit à la demande de l'une des organisations syndicales d'employeurs ou de salariés représentatives dans le champ d'application considéré soit à l'initiative du ministre du Travail. Celui-ci peut exclure de l'extension certaines clauses contraires ; pour pouvoir être étendu, l'accord de branche conclu au niveau national doit contenir un certain nombre de clauses obligatoires (v. C. trav., art. L. 2261-22).
Accord de branche élargi
L'élargissement permet de rendre applicable un accord étendu en dehors de son champ d'application professionnel ou territorial. Il permet de pallier une situation de carence ou de blocage et suppose donc soit une absence pure et simple d'accord, soit une impossibilité durable de réviser l'accord existant (pendant au moins cinq ans) (C. trav., art. L. 2261-18).
Jusqu'en 2017, l'article L. 2261-17 traitait différemment les conditions de l'élargissement territorial (qui supposait des « conditions économiques analogues ») et celles de l'élargissement professionnel (qui exigeait des « conditions analogues […] quant aux emplois exercés »). Ces conditions ont été uniformisées par l'exigence que le secteur professionnel ou territorial concerné par l'arrêté présente « des conditions analogues », quant aux emplois exercés, à celles du secteur dans lequel l'extension est déjà intervenue.
Le seul critère expressément prévu par le législateur réside donc dans l'appréciation par le ministre de la pertinence de cet élargissement à un secteur territorial ou professionnel, qui suppose une proximité de situation entre les secteurs concernés (C. trav., art. L. 2261-17).
Comme pour l'extension, l'élargissement d'un accord de branche suppose qu'il fasse l'objet d'un arrêté ministériel. Le ministre du travail se voit reconnaitre un pouvoir d'appréciation du caractère pertinent de l'élargissement au regard du secteur professionnel ou territorial considéré mais il a également un pouvoir général d'appréciation lui permettant de ne pas y procéder pour des motifs d'intérêt général (CE 28 sept. 2022, no 442574)
Restructuration des branches professionnelles
Fusion du champ d'application des branches
C'est la loi du 5 mars 2014 relative à la formation professionnelle, à l'emploi et à la démocratie sociale qui a débuté le processus de restructuration des branches pour en réduire le nombre. La loi Travail du 8 août 2016 a accéléré le processus et a fixé un objectif de 200 branches professionnelles pour l'année 2019, objectif « proche d'être atteint » (v. Rapp. d'information Puissat sur le bilan des réformes en matière de dialogue social et de négociation collective, 30 juin 2021).
Le ministre chargé du travail peut engager une procédure de fusion du champ d'application des conventions collectives d'une branche avec celui d'une branche de rattachement présentant des conditions sociales et économiques analogues (C. trav., art. L. 2261-32) :
- Lorsque la branche compte moins de 5 000 salariés ;
- Lorsque la branche a une activité conventionnelle caractérisée par la faiblesse du nombre des accords ou avenants signés et du nombre des thèmes de négociations couverts ;
- Lorsque le champ d'application géographique de la branche est uniquement régional ou local ;
- Lorsque moins de 5 % des entreprises de la branche adhèrent à une organisation professionnelle représentative des employeurs ;
- En l'absence de mise en place ou de réunion d'une commission paritaire permanente de négociation et d'interprétation (C. trav., art. L. 2232-9) ;
- En l'absence de capacité à assurer effectivement la plénitude de ses compétences en matière de formation professionnelle et d'apprentissage.
Le ministre chargé du travail procède à la fusion après avis motivé de la Commission nationale de la négociation collective, de l'emploi et de la formation professionnelle (sur les missions de cette commission, V. C. trav., art. L. 2271-1). Les missions dévolues à cette Commission nationale peuvent être exercées par quatre sous-commissions dont la sous-commission de la restructuration des branches professionnelles (C. trav., art. R. 2272-10).
Par ailleurs, les partenaires sociaux peuvent également intervenir dans ce processus de restructuration en vertu de la liberté contractuelle. Lorsqu'ils décident de procéder à la fusion de plusieurs branches professionnelles existantes, toutes les organisations syndicales représentatives dans une ou plusieurs des branches professionnelles préexistantes à la fusion doivent être invitées à cette négociation, en application du principe de concordance» (v. Soc. 21 avr. 2022, nos 20-18.820 et 20-18.799 B et Soc. 15 mai 2024, no 22-16.028 B)
Lorsque deux organisations professionnelles d'employeurs ou deux organisations syndicales de salariés représentées à cette commission proposent une autre branche de rattachement, par demande écrite et motivée, le ministre consulte à nouveau la commission dans un délai de quinze jours à compter de la date de la première consultation de la sous-commission de la restructuration des branches professionnelles (C. trav., art. D. 2261-15).
Le ministre chargé du travail peut, après avis motivé de la Commission nationale de la négociation collective, prononcer l'élargissement du champ d'application géographique ou professionnel d'une convention collective, dans le but d'intégrer un secteur territorial ou professionnel non couvert par une convention collective (C. trav., art. L. 2261-32).
Délais de restructuration
En cas de fusion des champs d'application de plusieurs conventions collectives ou en cas de conclusion d'un accord collectif regroupant le champ de plusieurs conventions existantes, les stipulations conventionnelles applicables avant la fusion ou le regroupement sont remplacées par des stipulations communes, dans un délai de cinq ans à compter de la date d'effet de la fusion ou du regroupement. Pendant ce délai, la branche issue du regroupement ou de la fusion peut maintenir plusieurs conventions collectives (C. trav., art. L. 2261-33).
Les différences temporaires de traitement entre salariés résultant de la fusion ou du regroupement ne peuvent être utilement invoquées pendant un délai de cinq ans.
À défaut d'accord conclu dans ce délai, les dispositions de la convention collective de la branche de rattachement restent applicables (C. trav., art. L. 2261-33).
Articulation des accords de branche et accords d'entreprise
Définition accord de branche et accord d'entreprise
Un accord de branche est un accord conclu entre un ou plusieurs groupements d'entreprises appartenant à un même secteur d'activité et une ou plusieurs organisations syndicales représentatives.
L'accord de branche porte sur les conditions de travail et d'emploi ainsi que sur les garanties sociales accordées aux salariés. Il permet donc de compléter la loi par le biais de règles adaptées spécifiquement à une branche professionnelle.
Un accord d'entreprise est un texte négocié et signé entre la direction de l'entreprise et les représentants des salariés, notamment à l'occasion des négociations annuelles obligatoires (NAO) portant sur la rémunération, le temps de travail et le partage de la valeur ajoutée, l'égalité professionnelle et la qualité de vie au travail, ou encore la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences (GPEC).
Articulation entre accord de branche et accord d'entreprise
Primauté de l'accord de branche
Le code du travail fixe une liste de treize thèmes dans lesquels les dispositions de la convention de banche prévalent sur celles de la convention d'entreprise, sauf lorsque la convention d'entreprise assure des garanties « au moins équivalentes » (C. trav., art. L. 2253-1).
Les treize thèmes sont les suivants :
- salaires minima ;
- classifications ;
- mutualisation des fonds de financement du paritarisme ;
- mutualisation des fonds de la formation professionnelle ;
- garanties collectives de la protection sociale complémentaire (CSS, art. L. 912-1) ;
- certaines mesures relatives à la durée du travail, à la répartition et à l'aménagement des horaires ;
- mesures relatives aux contrats de travail à durée déterminées et aux contrats de travail temporaire (durée totale, renouvellement, délai de carence et délai de transmission des contrats) ;
- mesures relatives au contrat à durée indéterminée de chantier ;
- égalité professionnelle entre les femmes et les hommes ;
- conditions et durées de renouvellement de la période d'essai ;
- modalités selon lesquelles la poursuite des contrats de travail est organisée entre deux entreprises lorsque les conditions d'application relatives au transfert des contrats de travail ne sont pas réunies ;
- cas de mise à disposition d'un salarié temporaire auprès d'une entreprise utilisatrice ;
- rémunération minimale du salarié porté (V. fiche « Portage salarial »), ainsi que le montant de l'indemnité d'apport d'affaire.
Sur ces matières, la convention d'entreprise conclue antérieurement ou postérieurement à la date d'entrée en vigueur de la convention de branche, ne s'applique pas, excepté lorsque la convention d'entreprise assure des garanties au moins équivalentes ou plus favorables.
Verrouillage de l'accord de branche
La convention de branche peut prévoir une clause de verrouillage permettant d'interdire toute dérogation de l'accord d'entreprise dans certaines matières. Dans ce cas, la convention d'entreprise conclue postérieurement à la convention de branche ne peut comporter des stipulations contraires à celles de la convention de branche, sauf lorsqu'elle assure des garanties au moins équivalentes ou plus favorables. L'équivalence des garanties s'apprécie par ensemble de garanties se rapportant au même objet (C. trav., art. L. 2253-2).
Si aucune clause de verrouillage n'est prévue dans l'accord de branche, l'accord d'entreprise postérieur ou antérieur à l'accord de branche est libre d'intervenir. Il peut prévoir des dispositions plus favorables, différentes ou moins favorables.
Les matières pouvant faire l'objet d'une clause de verrouillage sont les suivantes :
- la prévention des effets de l'exposition aux facteurs de risques professionnels (C. trav., art. L. 4161-1) ;
- l'insertion professionnelle et le maintien dans l'emploi des travailleurs handicapés ;
- l'effectif à partir duquel les délégués syndicaux peuvent être désignés, leur nombre et la valorisation de leurs parcours syndical ;
- les primes pour travaux dangereux ou insalubres.
Primauté de l'accord d'entreprise
Les dispositions de l'accord d'entreprise conclu antérieurement ou postérieurement à l'accord de branche ayant le même objet priment sur celles de l'accord de branche, dans les autres matières ne relevant pas des articles L. 2253-1 et L. 2253-2 du code du travail (C. trav., art. L. 2253-3).
Dans ces matières, l'accord d'entreprise peut être moins favorable aux salariés que l'accord de branche.
En l'absence d'accord d'entreprise, l'accord de branche s'applique.