La clause d’exclusivité permet seulement d’interdire au salarié d’exercer une activité concurrente
A l’origine, la clause d’exclusivité permettait d’interdire à un salarié, pendant l’exécution de son contrat, d’exercer une autre activité, même si elle n’était pas concurrente à celle de son employeur : les juges en admettaient sans réserve la validité, dès lors qu’elle était écrite et qu’elle avait été ratifiée par le salarié ( Cass. soc., 29 juin 1983, no 81-40.664 ).
Mais ils ont fini par en limiter la portée : désormais, elle se borne à prohiber, durant le contrat, les activités concurrentielles à celles de l’employeur ( Cass. soc., 11 juill. 2000, no 98-43.240 ), sachant que cette interdiction existe déjà au travers des obligations de fidélité et de loyauté qui s’imposent à tout salarié.
L’activité concurrente visée par la clause peut être salariée ou non salariée.
Remarque
En pratique, les clauses d’exclusivité sont surtout utilisées pour les emplois qui impliquent des responsabilités importantes et/ou donnent accès à des informations fondamentales pour l’entreprise, ce qui vise notamment les postes commerciaux.
Le salarié qui ne respecte pas une clause d’exclusivité licite prend le risque de se faire licencier.
La clause d’exclusivité n’est licite que si elle répond à certaines conditions de forme et de fond
Elle doit être écrite
La clause d’exclusivité doit nécessairement être écrite et ratifiée par le salarié, sous peine de nullité.
Il n’est pas possible de l’ajouter, sans l’accord du salarié, à un contrat de travail qui n’en comportait pas initialement. Il s’agit en effet d’une modification du contrat, que le salarié est en droit de refuser. Peu importe que cette proposition de clause d’exclusivité fasse suite à une évolution de ses fonctions avec augmentation de salaire ( Cass. soc., 7 juin 2005, no 03-42.080 ).
Elle doit être légitime et proportionnée
La jurisprudence estime que la clause par laquelle un salarié s’engage à consacrer l’exclusivité de son activité à un employeur porte atteinte au principe de la liberté du travail énoncé dans le préambule de la Constitution du 27 octobre 1946. En application de l’article L. 1121-1 du code du travail, la validité d’une telle clause n’est donc admise que si elle est indispensable à la protection des intérêts légitimes de l’entreprise, justifiée par la nature des tâches à accomplir et proportionnée au but recherché ( Cass. soc., 11 juill. 2000, no 98-43.240 ).
Remarque
Compte tenu des exigences de la jurisprudence en la matière, il nous paraît indispensable de toujours mentionner dans le contrat la motivation d’une clause d’exclusivité, et d’indiquer en quoi elle est proportionnée au but recherché et adaptée à la nature des tâches de l’intéressé.
Les contrats à temps partiel peuvent contenir une clause d’exclusivité
Pour l’employeur, l’intérêt de la clause d’exclusivité réside surtout dans l’hypothèse du temps partiel : il peut souhaiter se prémunir contre toute activité concurrentielle sur le temps de travail résiduel.
Après avoir longtemps estimé que la clause d’exclusivité insérée à un contrat de travail à temps partiel était nulle, la jurisprudence en admet désormais la validité, si elle réunit les conditions de droit commun : être indispensable à la protection des intérêts légitimes de l’entreprise, justifiée par la nature des tâches à accomplir et proportionnée au but recherché ( Cass. soc., 25 févr. 2004, no 01-43.392 ).
Remarque
Une clause d’exclusivité insérée dans un contrat de travail à temps partiel ne sera donc pas systématiquement annulée. Les juges devront vérifier si le poste occupé par le salarié rend nécessaire ou non l’interdiction d’exercer une autre activité.
La nullité de cette clause n’entraîne pas la requalification du contrat à temps partiel en contrat à temps complet, mais permet au salarié d’obtenir réparation du préjudice que la clause illicite a pu lui causer ( Cass. soc., 25 févr. 2004, no 01-43.392 ; Cass. soc., 24 mars 2021, no 19-16.418 ).
Levée provisoire des clauses d’exclusivité pour les salariés créateurs ou repreneurs d’entreprise
L’employeur ne peut pas opposer les clauses d’exclusivité d’origine conventionnelle ou contractuelle au salarié souhaitant créer ou reprendre une entreprise, à l’exception de celles qui sont applicables aux VRP. Toute stipulation contractuelle ou conventionnelle contraire est sans effet.
Cette inopposabilité s’applique pendant un an à compter de la création ou de la reprise, ou dans la limite de 2 ans en cas de prolongation du congé pour création d’entreprise (C. trav., art. L. 1222-5 ). Ce délai court (C. trav., art. D. 1222-1 ) :
- soit à compter de l’inscription de la nouvelle entreprise au registre du commerce et des sociétés (RCS) ou au registre national des entreprises (RNE) ;
- soit à compter de la déclaration de début d’activité professionnelle agricole ou indépendante.
La levée des clauses d’exclusivité concerne tous les salariés créateurs ou repreneurs d’entreprise (à temps complet ou à temps partiel) en CDI ou en CDD, en congé sabbatique ou pour création d’entreprise, à l’exception des travailleurs intérimaires ou des salariés en contrat d’apprentissage.
Remarque
Non-opposabilité des clauses d’exclusivité ne signifie pas nullité : au terme de cette période, la clause est de nouveau applicable.
Pendant la période de suspension de la clause d’exclusivité, la possibilité pour le salarié d’exercer une activité ne l’exonère pas de veiller à ce que celle-ci ne porte pas préjudice à l’employeur : il reste en effet tenu d’une obligation de loyauté envers ce dernier. A ce titre, il ne doit pas se livrer à une concurrence déloyale dans l’activité qu’il est en train de développer.
Ne pas confondre clause d’exclusivité et clause de non-concurrence
La clause d’exclusivité ne doit pas être confondue avec la clause de non-concurrence, laquelle ne prend effet qu’à compter de la rupture du contrat de travail. Le terme de la clause d’exclusivité correspond au dernier jour de travail effectif, la clause de non-concurrence prenant le relais. Proche de la clause de non-concurrence dans son objet, la clause d’exclusivité appliquée après la rupture du contrat risquerait d’être requalifiée comme telle par les tribunaux puis considérée comme nulle pour défaut de contrepartie financière. Contrairement à la clause de non-concurrence, la clause d’exclusivité prévoit rarement une contrepartie financière en compensation de la restriction de liberté du salarié.