Prohibition des interdictions générales et absolues
Le principe de liberté régit la cession de bail, qui n'est autre qu'une cession de créance, par le cédant à l'acquéreur du fonds, le cessionnaire. En l'absence de clause, toute cession de droit au bail incluse dans une cession de fonds de commerce ne saurait être interdite.
En présence de clauses, il convient en revanche de distinguer selon qu'il s'agit de clauses prohibitives ou de clauses seulement restrictives (Civ. 3e, 2 oct. 2002, no 01-02.035 ; D. 2002. 2943, obs. Rouquet ; AJDI. 2003. 30, obs. Dumont).
Dans le premier cas, sont nulles les clauses portant interdiction absolue et générale de toute cession (C. com. art. L. 145-16 ; Com. 28 févr. 1956).
Ont ainsi été annulées :
- la clause imposant une exploitation personnelle du fonds par le locataire au cours des trois dernières années, puisque cela revient à rendre impossible toute cession (Civ. 3e, 23 juill. 1986, no 85-13.192) ;
- la prohibition de la cession à une société quelle qu'elle soit (Civ. 3e, 29 févr. 1972, no 71-10.083) ;
- la stipulation interdisant tout nantissement du droit au bail ;
- la clause d'enseigne (stipulation par laquelle le preneur s'engage, pendant toute la durée du bail, à exploiter son commerce sous une enseigne donnée), qui, en pratique, revient à interdire toute possibilité de cession.
Dans le second cas (clauses restrictives), les clauses restrictives de cession sont autorisées.
Ont ainsi été jugés valables :
- la clause imposant l'accord du bailleur (Civ. 3e, 20 mars 1962, no 57-10.976) ;
- celle prévoyant l'intervention du bailleur à l'acte de cession (Com. 6 mars 1957 ; Bull. civ. III, no 88) ;
- la stipulation contractuelle imposant la forme notariée ou même l'intervention du notaire du bailleur ;
- la rédaction de l'acte de cession par le conseil du bailleur ou par son mandataire ;
- l'instauration d'un droit de préemption en faveur du bailleur ;
- la clause prévoyant un pacte de préférence à l'égard d'un cessionnaire au choix du bailleur (Civ. 3e. 12 juill. 1995, no 93-11.666) ;
- l'engagement du preneur de rester garant solidaire de son cessionnaire (Civ. 3e, 26 nov. 1997, no 96-13.943).
Effets de la cession
La cession de bail emporte subrogation du nouveau locataire à l'ancien. – v. Bail commercial (Obligations générales des parties).
À condition que le cédant ait la capacité juridique de vendre le droit au bail, le cessionnaire devient titulaire des droits nés du bail.
Dans les rapports entre le cessionnaire et le bailleur, si le bail initial subsiste, un changement s'exerce dans la personne du preneur. Le cessionnaire peut se prévaloir des droits nés du bail tout en étant tenu des mêmes obligations que son prédécesseur quant à l'exercice de son activité.
Enfin, entre le cédant et le bailleur, un nouveau rapport est également créé : si, en l'absence de clause, le bailleur ne peut exiger du cédant le paiement des loyers échus postérieurement à la cession, les parties peuvent insérer dans leur contrat une clause de solidarité ou de garantie solidaire, prévoyant que le cédant restera garant solidairement avec le cessionnaire de l'exécution des clauses et conditions du contrat.
En présence d'une clause de garantie du cédant, le bailleur est tenu d'informer le cédant de tout défaut de paiement du locataire dans le délai d'un mois à compter de la date à laquelle la somme aurait dû être acquittée par celui-ci (C. com., art. L. 145-16-1).
Le bailleur ne peut l'invoquer que durant trois ans à compter de la cession dudit bail (C. com., art. L. 145-16-2).
Lorsque le bail conditionne la validité de la cession à l'obligation, pour le cédant, de rester garant solidaire (avec son cessionnaire, voire avec ses ayants droit) de l'exécution des obligations du preneur, si l'obligation de garantie ne peut plus être assurée dans les termes de la convention, le tribunal peut (en dehors de l'hypothèse de la procédure collective) y substituer toutes garanties qu'il juge suffisantes (garantie bancaire, notamment).
De même que pour les personnes physiques, en cas de fusion de sociétés ou d'apport d'une partie de l'actif d'une société réalisé dans les conditions prévues aux articles L. 236-6-1, L. 236-22 et L. 236-24 du code de commerce, la société issue de la fusion ou la société bénéficiaire de l'apport est, nonobstant toute stipulation contraire, substituée à celle au profit de laquelle le bail était consenti dans tous les droits et obligations découlant de ce bail.
Et, dans l'hypothèse de la fusion-absorption du cessionnaire, à défaut de manifestation expresse de la volonté du preneur d'origine, l'engagement du cédant ne peut, pour les dettes postérieures à la fusion, être étendu en faveur de la société bénéficiaire de cette fusion (Civ. 3e, 16 févr. 2000, no 98-15.148, AJDI. 2000. 433).
La cession de bail requiert deux formalités essentielles.
Tout d'abord, un état des lieux précédant la prise de possession des locaux s'impose aux parties (C. com., art. L. 145-40-1).
Ensuite, sauf dans l'hypothèse de la cession notariée, la cession doit également être signifiée au bailleur (par application de l'article 1690 du code civil).
En l'absence des mentions de l'article 1690 précédemment cité, la cession n'est pas nulle ; elle est inopposable aux tiers, dont le bailleur.
Si elle est faite en cours de bail par voie de conclusions à l'occasion d'une instance, cette signification ne nécessite pas l'acceptation du bailleur pour rendre cette cession opposable à ce dernier (Civ. 3e, 3 févr. 2010, no 08-19.420, D. 2010. 502, obs. Forest).