Dans le cadre du redressement judiciaire du locataire d’un local commercial, le juge-commissaire, sur demande du bailleur, constate la résiliation du bail pour défaut de paiement des loyers postérieurs à l’ouverture du redressement judiciaire. Cette décision est contestée et, au cours de l’instance d’appel, le plan de redressement dont bénéficiait le locataire est résolu et ce dernier mis en liquidation judiciaire. Dans ces conditions, la cour d’appel pouvait-elle confirmer la résiliation du bail commercial ?
La Cour de cassation répond par la négative. Une liquidation judiciaire ouverte concomitamment à la résolution d'un plan de redressement constitue une nouvelle procédure collective, laquelle fait obstacle à la résiliation du bail des immeubles pour des loyers échus après le jugement d'ouverture du redressement judiciaire. Le bailleur dispose cependant de la faculté de se prévaloir d'une décision constatant ou prononçant la résolution du bail dès lors que cette décision a acquis force de chose jugée avant le jugement ouvrant cette nouvelle procédure.
A noter :
La résiliation du bail des locaux d’exploitation dans le cadre de la procédure collective du locataire est strictement encadrée. Notamment, si le bailleur ne peut pas agir en résiliation du bail pour non-paiement des loyers antérieurs à l’ouverture de la procédure (cf. C. com. art. L 622-21), il peut demander la résiliation judiciaire ou faire constater la résiliation de plein droit du bail pour défaut de paiement des loyers et charges afférents à une occupation postérieure au jugement ouvrant la procédure collective ; il ne peut alors agir qu’au terme d’un délai de trois mois à compter de ce jugement (art. L 622-14, 2° pour la sauvegarde, art. L 631-14, al. 1 pour le redressement judiciaire et L 641-12, 3° pour la liquidation judiciaire). Dans l’affaire commentée, le bailleur avait bien demandé la résiliation du bail plus de trois mois après l’ouverture du redressement judiciaire mais la poursuite de son action en appel se heurtait à la distinction suivante.
Lorsque la procédure collective du locataire est convertie (sauvegarde convertie en redressement ou en liquidation judiciaire ; redressement converti en liquidation), le point de départ du délai précité est la date du jugement ouvrant la procédure et non celle du jugement de conversion (Cass. com. 19-2-2013 n° 12-13.662 FS-PB : RJDA 6/13 n° 542 ; Cass. com. 15-11-2017 n° 16-13.219 F-PB : RJDA 3/18 n° 264). C’est la « même » procédure qui se poursuit ou, plus exactement, la seconde procédure est le prolongement de la première (cf. Cass. com. 15-2-2011 n° 09-14.318 F-D : RJDA 8-9/11 n° 720 jugeant que la conversion n’ouvre pas un nouveau délai aux créanciers pour déclarer leurs créances).
Le raisonnement diffère si le locataire est mis en redressement ou en liquidation judiciaire concomitamment à la résolution du plan de sauvegarde ou de redressement dont il bénéficiait (cf. art. L 626-27, I-al. 3 et L 631-20). En effet, c’est une nouvelle procédure qui ainsi est ouverte (Cass. com. 30-1-2019 n° 17-31.060 F-PB : RJDA 4/19 n° 279 ; Cass. com. 18-1-2023 n° 21-15.576 FS-B : RJDA 4/23 n° 211). La Cour de cassation en a déjà déduit que le point de départ du délai d'attente imposé au bailleur pour demander la résiliation de plein droit du bail pour non-paiement des loyers et charges postérieurs est la date du jugement résiliant le plan et ouvrant la nouvelle procédure (Cass. com. 18-1-2023 précité, également à propos d’une liquidation judiciaire ouverte sur résolution du plan). En pratique, les loyers et charges échus et demeurés impayés durant la première procédure doivent être traités comme des créances antérieures à la nouvelle procédure. L’arrêt commenté apporte une précision complémentaire : pour ces loyers, le bailleur peut toutefois se prévaloir de la résiliation du bail si elle a été constatée par une décision de justice ayant acquis force de chose jugée avant l’ouverture de la nouvelle procédure. Tel n’était pas le cas en l’espèce puisque, si la demande en résiliation du bailleur avait été accueillie par une décision assortie de l’exécution provisoire, cette dernière était frappée d’un appel toujours en cours à la date de l’ouverture de la liquidation judiciaire.
Document et lien associés :
Cass. com. 12-6-2025 n° 23-22.076 F-B
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