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7 décembre 2023
La directive CSRD est désormais transposée en droit français à la suite de la publication d’une ordonnance datée du 6 décembre. Mais des textes d’application restent attendus d’ici la fin du mois pour connaître l’ensemble des tenants et aboutissants de ce premier exercice de transposition.

On le rappelle, la directive CSRD imposera à certaines sociétés de publier des informations de durabilité et de les faire certifier par un professionnel indépendant (directive 2022/2464 du 14 décembre 2022). En France, la déclaration de performance extra-financière (DPEF) sera progressivement supprimée au profit du rapport de durabilité.

Ce rapport de durabilité sera à présenter dès 2025 (informations sur les données 2024) par les sociétés cotées sur un marché réglementé qui dépassent certains seuils ou qui sont des sociétés mères d'un groupe dépassant ces seuils sur une base consolidée (nombre moyen de salariés supérieur à 500 ; total du bilan supérieur à 20 000 000 € ou chiffre d'affaires net supérieur à 40 000 000 €). Seront par la suite concernées, selon un calendrier progressif :

  • les grandes entreprises et les sociétés mères de grands groupes (y compris les sociétés par actions simplifiées et sociétés à responsabilité limitée ; à compter de l'exercice 2025),
  • les petites et moyennes sociétés cotées sur un marché réglementé (à compter de l'exercice 2026 avec un report possible durant 2 ans),
  •  et certaines entreprises établies hors de l’Union européenne.

 Ces seuils devraient toutefois évoluer rapidement à la hausse, du fait d’une modification de la directive comptable proposée par la Commission européenne. Ils ne sont pas repris tels quels par l’ordonnance. Il faudra attendre la publication d’un décret d’application qui les transposera en droit français. Il est attendu d’ici la fin du mois de décembre. L’ordonnance définit uniquement des grandes catégories d’entreprises : micro, petite, moyenne, grande entreprise (ainsi que petit groupe, moyen groupe, grand groupe). Le droit français s’aligne ainsi sur les terminologies utilisées par la directive comptable.

De la même manière, l’ordonnance ne revient pas précisément sur les informations à présenter au sein des rapports de durabilité. Elle fait uniquement référence à des « enjeux de durabilité compren[a]nt les enjeux environnementaux, sociaux et de gouvernement d'entreprise » (voir l’article 8 de l’ordonnance par exemple). Le texte reprend également le principe de la double matérialité en indiquant que « les informations [à présenter] permettent de comprendre :

  • les incidences de l'activité de la société sur les enjeux de durabilité,
  • ainsi que la manière dont ces enjeux influent sur l'évolution de ses affaires, de ses résultats et de sa situation ». 

La liste précise des informations à dévoiler par les entreprises viendra donc du décret d’application. Toutefois, ce décret devrait se référer aux textes européens (et ainsi à l’acte délégué sur les premiers standards ESRS non sectoriels).

Sanctions

Concernant les potentielles sanctions, l’ordonnance précise que « toute personne » n’ayant pas pu obtenir « la production, la communication ou la transmission » des documents ou informations de durabilité d’une société pourra se tourner vers un juge. Elle sera ainsi en droit de demander au président du tribunal, statuant en référé :

  • soit d'enjoindre sous astreinte la communication des documents ou informations,
  • soit de désigner un mandataire chargé de procéder à cette communication (voir l’article 10 de l’ordonnance).

De plus, « un nouveau dispositif d'exclusion des procédures de passation des marchés publics et des contrats de concession pour les opérateurs économiques qui ne satisfont pas à leur obligation de publication d'informations en matière de durabilité » est mis en place, selon le rapport au président de la République. Cette mesure viendra vite puisqu’elle sera applicable « aux marchés publics et aux contrats de concession pour lesquels une consultation est engagée ou un avis de publicité est envoyé à la publication à compter du 1er janvier 2026 ». Soit aux premiers rapports des grandes sociétés cotées.

Certification

Une grande partie des développements de l’ordonnance aborde la question de la certification des futurs rapports de durabilité. « La transposition modifie (…) le régime d'exercice de la profession de commissaires aux comptes en ce qu'ils pourront être en charge de procéder à l'audit des informations en matière de durabilité », précise le rapport au président de la République. L’ordonnance réforme ainsi le cadre applicable à la mission, la formation et la supervision des commissaires aux comptes.

Elle lève également l’option prévue par la directive CSRD permettant d’autoriser des organismes tiers indépendants (OTI) à certifier les informations de durabilité. Actuellement, des OTI certifient déjà les DPEF. Mais l’ordonnance va plus loin. Elle soumet aux mêmes règles les commissaires aux comptes et les auditeurs d'informations en matière de durabilité exerçant au sein d'un OTI. Ces règles concernent notamment « les conditions de nomination, de déontologie, d'exercice de la mission, ou de révocation ». On le rappelle, les avocats souhaitent pouvoir être accrédités auprès de la COFRAC pour développer leurs missions RSE auprès des entreprises.

L’ordonnance permet également de faire en sorte que l'ensemble de ces professionnels soient supervisés par la même autorité : la Haute autorité de l’audit (H2A), qui remplace le Haut conseil du commissariat aux comptes (H3C).

Nous reviendrons prochainement sur l’ensemble de ces mesures.

Sophie BRIDIER