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20 septembre 2024
Dans son rapport en faveur de la compétitivité, l’ancien banquier central estime que ces textes constituent une charge excessive pour les entreprises, et suggère de les alléger. Sera-t-il suivi par la Commission de Bruxelles ? Éléments de réponse à la lumière des lettres de missions tout juste attribuées aux potentiels futurs commissaires européens.

En partenariat avec Les Surligneurs.

L’ambitieuse politique ESG déployée par l’Union européenne depuis 2019 pourrait-elle être sacrifiée sur l’autel de la compétitivité ? Mettre fin au décrochage de l’industrie européenne par rapport aux concurrences américaine et chinoise : tel est, en effet, l’un des objectifs majeurs de la Commission européenne version 2024-2029 dont le nouvel organigramme a été présenté le jeudi 17 septembre par sa présidente, Ursula von der Leyen, candidate pour un deuxième mandat et qui attend son élection par le Parlement européen.

Pour ce faire, l’exécutif de l’Union entend suivre une bonne partie des recommandations formulées par Mario Draghi. Or, dans son rapport en faveur de la compétitivité européenne dévoilé le 9 septembre, l’ex-président du Conseil Italien et ancien chef de la BCE prend pour cible le « reporting de durabilité de l’UE et son dispositif de devoir de vigilance » qui, à ses yeux, constituent « une source majeure de charge réglementaire » et devraient dès lors être allégés dans l’intérêt des entreprises européennes.

Sont en particulier ciblées par Mario Draghi la directive CSRD qui oblige les entreprises à divulguer leur impact sur les personnes et la planète dès l'exercice fiscal 2024, et celle sur le devoir de vigilance, visant à combattre les atteintes aux droits humains et à l’environnement causées par l’activité économique à partir de 2027.  

Pour autant, ces piliers de l’ESG sont-ils réellement en péril ? D’un point de vue général, on constate une forte résonance entre les recommandations de l’ancien banquier central et les lettres de missions attribuées entre-temps par Ursula von der Leyen aux futurs commissaires européens – sous réserve de la réussite de leur audition devant les députés européens. Chacun de ces 26 documents (un par commissaire) qui déclinent les futures réformes, portefeuille par portefeuille, comporte un paragraphe commun consacré à la « diminution des obligations de reporting d’au moins 25% – et pour les PME d’au moins 35% ».

Poussée par le PPE (Parti Populaire européen, droite), la famille politique d’Ursula von der Leyen, dont sont d’ailleurs issus 13 de ses 26 commissaires, cet objectif sera de toute évidence un leitmotiv du nouveau mandat. Et la CSRD ressemble fort à une cible toute désignée.

Dans le détail, le rapport Draghi suggère notamment d’amputer le nombre d’entreprises tombant sous le champ de textes comme la CSRD et le devoir de vigilance – respectivement 42 500 et autour de 5 500 sociétés à cette heure. Pour ce faire, il propose de relever les critères de taille (chiffre d'affaires, total de bilan et nombre d'employés) utilisés pour définir une PME, comme le note Les Échos. En effet, rehausser ces seuils, inscrits dans la directive européenne « comptable » de 2013, augmenterait mécaniquement (aux yeux de la loi) le nombre des PME, lesquelles sont largement épargnées par les différentes exigences ESG de l’Union.

Une nouvelle catégorie d'entreprises ?

Cela dit, on ne trouve pas trace de cette idée dans les lettres de mission. En revanche, une autre piste de Mario Draghi potentiellement équivalente pourrait être reprise à son compte par la Commission européenne : sa proposition de créer une nouvelle catégorie comptable pour les « petites et moyennes capitalisations », et d’accorder aux entreprises en question le même traitement que celui réservé aux PME.

Concrètement, en fonction des critères retenus, des milliers d'entreprises seraient susceptibles d’échapper aux exigences ESG fixées par l’UE, en particulier dans le cadre de la CSRD – d’autant plus que cette nouvelle catégorie ne se limiterait pas nécessairement aux entreprises cotées en bourse. Rien n’est toutefois arrêté.

Cette mission serait confiée au futur vice-président exécutif français de la Commission européenne, Stéphane Séjourné, qui devrait hériter de l’épais portefeuille économique de la « Prospérité et de la Stratégie industrielle » : « Vous dirigerez les travaux afin d’introduire une nouvelle catégorie de petites et moyennes capitalisations et d’évaluer si des réglementations existantes freinent indûment leur développement », peut-on ainsi lire dans sa lettre de mission.

Bien sûr, une telle réforme aurait à être négociée et agréée par les co-législateurs, le Parlement européen et le Conseil de l’UE. Ce qui est tout à fait possible : les élections européennes de juin ont décalé le barycentre du Parlement de Strasbourg vers la droite. Beaucoup pourrait enfin dépendre de la composition du gouvernement en France, et du résultat des prochaines élections législatives outre-Rhin, dans un an : les conservateurs allemands, particulièrement critiques de la politique verte de l’UE, y sont à ce stade donnés largement favoris.

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Clément Solal, journaliste Vincent Couronne, docteur en droit européen