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21 juillet 2023
Les dispositions du Code de commerce prévoyant la nullité des cessions d’actions de SAS intervenues en violation des statuts ne s’appliquent pas à la cession forcée résultant de l’exclusion d’un associé.
SAS : la nullité des cessions d'actions contraires aux statuts ne s'applique pas aux cessions forcées
©Gettyimages

Les cessions d’actions de SAS effectuées en violation des clauses statutaires sont nulles (C. com. art. L 227-15).

La nullité prévue par cet article sanctionne uniquement la violation des clauses statutaires ayant pour objet la cession d’actions librement consentie par leur titulaire ; ce texte ne s’applique pas aux clauses statutaires d’exclusion et aux cessions forcées qui en résultent.

La Cour de cassation a énoncé pour la première fois ce principe à l'occasion de l'affaire suivante.

Les statuts d’une société d’exercice libéral par actions simplifiée (Selas) de pharmaciens prévoyaient qu’un associé contrevenant aux règles de fonctionnement de la société pouvait en être exclu par décision des associés et fixaient à cet effet des règles de majorité et de procédure. Les associés et les obligataires de la Selas avaient par ailleurs conclu un pacte stipulant que, en cas de non-respect de ses obligations contractuelles, chaque partie s’engageait, au choix de la partie victime de la défaillance, soit à lui céder toutes ses actions, soit à lui acheter toutes les siennes (clause dite « buy or sell »).

Reprochant à un associé d’avoir manqué à ses obligations au titre du pacte, un autre associé avait demandé en justice que ce dernier soit condamné à lui céder ses actions. Une cour d’appel avait rejeté la demande sur le fondement de l’article L 227-15 du Code de commerce, en considérant que les dispositions du pacte devaient être déclarées nulles car elles permettaient l’exclusion d’un associé dans des hypothèses et selon un processus contrevenant aux statuts.

La Haute Juridiction censure la décision de la cour d’appel (Cass. com. 21-6-2023 n° 21-25.952 F-B) : la clause statutaire ne concernait pas la cession des actions, mais l’exclusion d’un associé pour violation des règles de fonctionnement de la société ; elle ne privait donc pas les associés de la faculté de consentir une promesse unilatérale de vente sous la condition suspensive de la réalisation d’un événement déterminé.

A noter :

1° Les Selas sont soumises, lorsqu’il n’y est pas dérogé, aux règles de droit commun des sociétés par actions simplifiées (SAS) (Loi 90-1258 du 31-10-1990 art. 1 remplacé, à compter du 1-9-2024, par ord. 2023-77 du 8-2-2023 art. 40 ; Ord. 2023-77 art. 134). 

Les statuts de ces dernières peuvent prévoir des clauses qui limitent la liberté des associés de céder leurs actions en leur imposant une période d’inaliénabilité (C. com. art. L 227-13), l’obligation de demander l’agrément de l’acquéreur (C. com. art. L 227-14) ou celle de proposer aux autres associés d’acquérir les titres dont la cession est envisagée (clauses de préemption), etc. Il ne faisait pas de doute que la nullité prévue par l’article L 227-15 du Code de commerce s'appliquait en cas de violation de ces différentes clauses mais c'est la première fois que la Cour de cassation précise que ce texte ne concerne pas les clauses organisant l'exclusion d'un associé et le rachat de ses parts.

2° Les statuts d’une SAS peuvent aussi prévoir qu’un associé est tenu de céder ses actions (C. com. art. L 227-16). C’est le plus souvent par la voie de l’exécution forcée que se résout le manquement à une telle obligation.

En l’espèce, l’exécution forcée était demandée sur le fondement de la clause « buy or sell » du pacte. L’arrêt est l’occasion pour la Haute Juridiction de qualifier une telle clause de promesse unilatérale de vente sous la condition suspensive de la survenance d'un événement (en l'espèce, le manquement aux obligations du pacte).

Pour s’opposer à la cession forcée de ses titres, le président de la SAS soutenait que cette promesse violait la clause statutaire d’exclusion, ce qui entraînait sa nullité en application de l’article L 227-15 du Code de commerce. Ce faisant, toutefois, le président ne demandait pas l’annulation d’une « cession » d’actions, comme le prévoit ce texte. 

En outre, on pouvait douter qu’une telle promesse constituait une violation de la clause d’exclusion. En effet, si la clause « buy or sell » pouvait, comme la clause d’exclusion, aboutir à ce qu'un associé soit privé de ses actions, elle se différenciait de cette dernière à plusieurs égards. En particulier, la levée de la promesse relevait de la volonté discrétionnaire d’une des parties au pacte (associé ou obligataire) et ne pouvait jouer qu'en cas de manquement à une obligation prévue par celui-ci, alors que la décision d’exclusion devait être prise par la collectivité des associés statuant à la majorité à la suite d’une procédure prévue par les statuts, et elle ne pouvait se fonder que sur une atteinte au fonctionnement de la Selas. C'est l'absence de contradiction entre ces deux mécanismes que retient la Cour suprême en décidant que la clause statutaire d'exclusion de la SAS n'empêchait pas un associé de consentir la promesse de cession sur ses actions. 

3° Il résulte de l'arrêt commenté que, si l'associé d'une SAS tenu de céder ses actions en vertu des statuts les transmet à un tiers en méconnaissance de cette clause, cette cession ne sera pas sanctionnée par la nullité de l'article L 227-15 du Code de commerce. Toutefois, l'annulation pourrait être demandée sur le fondement du droit commun, notamment en cas de fraude.

Documents et liens associés :

Cass. com. 21-6-2023 n° 21-25.952 F-B, X / Sté Financière Wagram

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