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11 juillet 2023
Le préjudice causé par la rupture brutale d'une relation commerciale correspond à la perte de marge brute escomptée, c'est-à-dire la différence entre le chiffre d'affaires hors taxe escompté et les coûts variables hors taxe non supportés durant la période d'insuffisance de préavis, déduction faite, le cas échéant, de la part des coûts fixes non supportés en raison de la baisse d'activité engendrée par la rupture.

Le syndicat des copropriétaires d’un centre commercial conclut un contrat de prestation de services de sécurité incendie, surveillance et de gardiennage du site avec une société. Ce contrat, d’une durée d’un an tacitement reconductible pour une période indéterminée, prévoit une possibilité de résiliation en respectant un préavis de 3 mois. Au bout de 2 ans et demi, le syndicat notifie la résiliation du contrat au prestataire, qui l’assigne alors en réparation pour non-respect du préavis contractuel et rupture brutale de leur relation commerciale.

Le juge du fond retient la rupture brutale de la relation commerciale établie, et condamne le syndicat à indemniser le préjudice subi par le prestataire. La Cour de cassation approuve l’arrêt d’appel (CA Paris, ch. 5-11, 26 févr. 2021, n°18/20619) quant à l’application de l’article L. 442-6, I, 5° du code de commerce (dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance n° 2019-359 du 24 avril 2019, devenu L. 442-1, II) à la relation commerciale mais l’infirme sur l’évaluation du préjudice.

La nature civile d’un syndicat de copropriétaires ne fait pas écran à la nature commerciale de sa relation avec un prestataire de services

Dans un premier temps, le syndicat fait valoir que la relation qui l’unissait au prestataire de services ne rentrait pas dans le champ d’application de l’article L. 442-6, I, 5° du code de commerce. Il estime en effet que « qualité de commerçants des membres d'un syndicat de copropriétaires ne fait pas perdre sa personnalité civile à ce dernier ni conférer une nature commerciale à la relation contractuelle qu'il entretient avec un prestataire de services ». La cour d’appel retient en revanche que le « syndicat a agi dans l'intérêt de l'exploitation des établissements commerciaux de chacun de ses membres » et en déduit que « la nature civile de sa personnalité ne fait pas écran à la nature commerciale de la relation des parties ». Au visa de l’article L. 410-1 du code de commerce (dans sa rédaction applicable à l’espèce), la Cour de cassation approuve le juge du fond : le fait que le « contrat [ait] exclusivement pour objet d'assurer une prestation de service pour les besoins de l'activité commerciale de ses membres » démontre la nature commerciale de la relation entre le syndicat et le prestataire.

On sait que le caractère civil de l’activité ne suffit pas à exclure l’application de l’ancien article L. 442-6, I, 5°. Le texte a pu être appliqué dès lors qu’une activité commerciale est présente. Tel est le cas par exemple des relations d’une association sans but lucratif, « lorsqu’elle exerce des activités de production, de distribution ou de service » (CA Colmar, 25 oct. 2018, n° 17/00861).

Remarque

la Cour écarte plutôt l’application de cet article aux relations nouées par les professions libérales « lorsque leur statut professionnel ou leurs règles déontologiques leur interdisent l'exercice de la profession commerciale ». C’est le cas des avocats (Cass. com., 24 nov. 2015, n° 14-22.578), médecins, notaires, agents commerciaux (pour lesquels le préavis de rupture est réglementé), ou encore des conseils en propriété industrielle (Cass. com., 1er déc. 2021, n° 20-16.693).

La Cour de cassation définit la notion de marge brute escomptée

Dans un second temps, le syndicat fait grief à l’arrêt d’appel de le condamner à indemniser le prestataire à hauteur non seulement de la perte de marge brute dont il a été privé pendant la période d’insuffisance du préavis (qui, selon l’arrêt d’appel, aurait dû être de 4 mois au regard de la durée de la relation), mais également à hauteur du chiffre d’affaires dont il a été privé en raison du non-respect du préavis contractuel.

La Haute juridiction casse l’arrêt d’appel sur ce dernier point et donne une définition de la perte de marge brute escomptée. En effet précise la Cour, l’indemnisation du préjudice subi par le prestataire doit être évaluée en considération de la perte de marge brute escomptée, c'est-à-dire « la différence entre le chiffre d'affaires hors taxe escompté et les coûts variables hors taxe non supportés durant la période d'insuffisance de préavis, différence dont pourra encore être déduite, le cas échéant, la part des coûts fixes non supportés du fait de la baisse d'activité résultant de la rupture, durant la même période ».

Remarque

il est établi que seul le préjudice causé par la brutalité de la rupture de la relation doit être indemnisé (et non celui résultant de la rupture elle-même) et que ce préjudice s’évalue en considération de la marge brute escomptée durant la période de préavis qui n'a pas été exécutée (Cass. com., 24 juin 2014, n° 12-27.908 ; Cass. com., 23 janv. 2019, n° 17-26.870). La notion de marge brute ne repose toutefois sur aucune définition comptable précise (la cour d’appel de Paris a établi des fiches méthodologiques pour faciliter l’évaluation du préjudice, v. fiche n° 6). Par cette définition, la chambre commerciale de la Cour de cassation unifie le cadre de l’indemnisation du préjudice résultant de la rupture brutale de la relation commerciale établie, avec une définition qui n’est pas sans rappeler celle de marge sur coûts variables soit : « la différence entre le chiffre d'affaires dont la victime a été privée sous déduction des charges qui n'ont pas été supportées du fait de la baisse d'activité résultant de la rupture » (CA Paris, 17 janv. 2018, n° 15/17249 ; CA Paris, 11 mai 2022, n° 20/02260).

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